II. L'installation d'EMR confrontée au domaine
public de la mer
L'exploitant d'EMR, en tant qu'opérateur privé,
va se retrouver confronté aux eaux territoriales, régies par
« le principe fondamental et ancien du libre usage par le public pour la
promenade, la baignade, la pêche, ou l'échouage des
bateaux107 ». La zone économique exclusive, quant
à elle, est une manifestation de la souveraineté de l'État
riverain, tout comme le plateau continental, dans une moindre mesure. Enfin, la
haute mer se caractérise comme étant un espace de liberté.
Si la Convention de Montego Bay prône la liberté d'y construire
des îles artificielles ou des installations, cela reste l'apanage des
États, dans les conditions fixées par le droit
international108. Doivent donc
être successivement analysées les autorisations
nécessaires aux installations d'EMR par des opérateurs
privés dans les eaux territoriales (A) et hors des eaux territoriales
(B).
105 Art. 10, loi n°2000-108 relative à la
modernisation et au développement du service public de
l'électricité, préc.
106 S. Michalak, « énergies marines : un droit en
construction », mémoire 2010, préc.
107 Instr. 22 oct. 1991, 2.1
108 Art. 87 Conv. Montego Bay du 10 déc. 1982
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A. Les autorisations nécessaires à
l'installation d'EMR dans les eaux territoriales
Il est inscrit à l'article L2111-4 du Code
général de la propriété des personnes publiques
(CGPPP) que les sols et sous-sols de la mer territoriale, outre les rivages et
les lais et relais de la mer, appartiennent au domaine public maritime. La mer
territoriale s'entend de celle qui ne s'étend pas au-delà des
côtes de plus de 12 milles marins109. La construction
d'installations privées suppose donc la délivrance
d'autorisations (1) qui apparaissent insuffisantes à la garantie les
droits des exploitants (2).
1) Une superposition des autorisations liées
à l'occupation privative du domaine public maritime
a) Diversité des éléments
contrôlés
Le domaine public maritime est régi par les principes
d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine, ce
que rappelle l'article L2122-1 du CGPPP en disposant que « nul ne peut,
sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du
domaine public ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage
qui appartient à tous ». Le décret du 29 mars 2004 relatif
aux concessions d'utilisation du domaine public maritime110
précise dans son article 1 que le domaine public maritime peut faire
« l'objet de concessions d'utilisation en vue de leur affectation à
l'usage du public, à un service public ou à une opération
d'intérêt général ». L'occupation privative du
domaine public maritime ne rentre donc pas en contradiction avec
l'inaliénabilité du domaine puisque les concessions ne sont pas
translatives de propriété, ni à
l'imprescriptibilité du domaine puisque les concessions ont une
durée ne pouvant excéder 30 ans (article 1 du décret) et
sont révocables par l'administration (article 9). Le motif
d'intérêt général ne semble pas poser de
problème en l'espèce puisque la circulaire du 20 janvier 2012 sur
la gestion durable et intégrée du domaine public naturel,
adressée aux préfets, considère que le DPM répond
à la nécessité de « favoriser les activités
liées à la mer et qui ne peuvent se développer ailleurs
» (article 2.1).
Ce ne sont cependant pas les seuls contrôles
réalisés avant d'accorder la concession de DPM. Le décret
de 2004 précise, tout comme pour les appels d'offres, que la demande
109 Art. 3 CMB
110 Décret n°2004-308 du 29 mars 2004
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de concession doit comporter, en substance, la nature des
travaux et leur coût, un calendrier de réalisation des
constructions, l'impact des installations sur l'environnement et les ressources
naturelles ainsi qu'un projet de remise en état du site en fin
d'utilisation. L'article L2124-1 du CGPPP ajoute que « les
décisions d'utilisation du DPM tiennent compte de la vocation des zones
concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que
les impératifs de préservation des sites et paysages du littoral
et des ressources biologiques ».
b) Diversité des avis nécessaires
à l'autorisation de concession
L'article 2 du décret de 2004 dispose que la demande de
concession est soumise au préfet. Ce n'est pas la seule personne
à décider de l'attribution de la concession. Il est en effet
prévu que le service gestionnaire du DPM conduit une instruction
administrative aux fins de consulter les administrations civiles et les
autorités militaires intéressées. Le service doit ensuite
recueillir l'avis du directeur des services fiscaux ainsi que celui de la
commission nautique locale ou de la grande commission nautique. L'avis des
communes et établissements publics de coopération intercommunale
intéressées doit également être recueilli. Une
enquête publique menée dans les formes prévues par le Code
de l'expropriation doit enfin être menée avant avis final du
préfet.
2) Des garanties insuffisantes apportées par
les textes aux investisseurs
Outre la lourdeur administrative, il ressort des textes que
deux éléments peuvent repousser les investisseurs désirant
exploiter des parcs EMR sur les littoraux français. D'une part, le
décret de 2004 prévoit, en son article 9, la possibilité
pour l'État de résilier le contrat de manière
anticipée pour motif d'intérêt général. Il
est alors prévu que le contrat de concession peut comporter « une
clause d'indemnisation des investissements non encore amortis ». Sans
même relever la rapidité avec laquelle le décret envisage
le sujet, il est surprenant que l'État dispose d'un droit de
révocation dès lors qu'il dispose de nombreux moyens de
contrôle durant toute l'élaboration du projet. Ce droit
apparaît comme disproportionné au regard de la
sécurité juridique que doivent comporter ces projets, même
si l'on peut supposer que l'État ne l'utilisera qu'en ultime recours.
D'autre part, le décret de 2004 et la circulaire de
2012 précisent tous deux que « la concession n'est pas constitutive
de droits réels au sens des articles L2122-5 à L2122-14
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du CGPPP », le régime des droits réels
n'étant pas applicable au domaine public maritime. Cependant, cela
voudrait dire que le titulaire d'un « titre d'occupation » ne
pourrait être propriétaire des installations immobilières
qu'il réalise pour l'exercice de l'activité autorisée par
le titre111. Cela semble improbable au vu des projets éoliens
en phase d'élaboration. De plus, le domaine d'exclusion semble concerner
les titres d'occupation temporaires (valables seulement 5 ans) et les biens
immobiliers. Doit-on en déduire que les concessions de 30 ans
d'installations flottantes, qui devraient pouvoir être qualifiées
de meubles, ne sont pas concernées ? Encore une fois, une harmonisation
législative doit être opérée avec l'arrivée
de projets EMR à grande échelle, faute de quoi la France
continuera à repousser les investisseurs.
La procédure française ayant été
vue, il convient de s'intéresser aux dispositions internationales prises
au sujet de l'occupation du domaine maritime.
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