II. Les règles de droit social international
applicables aux travailleurs opérant sur les installations EMR
Des questionnements de droit social international vont
nécessairement se poser au fur et à mesure du
développement de parcs EMR. Si la France dispose d'ingénieurs et
de techniciens capables de construire et d'installer les turbines d'un parc
éolien, elle ne dispose pas de toute la flotte nécessaire
à la réalisation de ses projets. Certains navires devront
certainement être affrétés et armés par nos voisins
d'outre-manche. A l'inverse, il est possible que certains pays désireux
d'installer des parcs EMR requièrent les compétences
françaises (l'éolienne flottante Windfloat au large des
côtes portugaises a été installée par Bourbon
Offshore). Enfin, il est envisageable que les technologies EMR soient
progressivement installées en haute mer. Le droit applicable aux
travailleurs détachés sera donc une des interrogations
récurrentes, au regard du droit européen (A), et
éventuellement au regard du droit des plates-formes de forage (B).
84 Art. 5 décret 25 août 2006
85 Chap. IV décret 25 août 2006
86 C. du travail maritime, art. 87
87 C. du travail maritime, art. 79
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A. Loi applicable au contrat de travail des
salariés détachés
La question des travailleurs détachés est
réglée en droit européen par le Règlement dit Rome
188, qui permet d'aborder la situation des travailleurs
français à l'étranger (1), des travailleurs
étrangers en France (2) et des travailleurs en haute mer (3).
1) La situation des travailleurs français
à l'étranger
Le travailleur détaché s'entend, selon le droit
européen, de toute personne travaillant dans un Etat membre de l'UE
parce que son employeur l'envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans
un autre Etat membre89.
L'article 8.1 du Règlement dispose que « le
contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les
parties conformément à l'article 3 », ce choix ne pouvant
toutefois avoir pour résultat de « priver le travailleur de la
protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être
dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut
de choix aurait été applicable ». Le paragraphe 2 dispose
que les règles plus favorables applicables sont celles de « la loi
du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le
travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son
travail ». Il est ajouté que le pays « dans lequel le travail
est habituellement accompli n'est pas réputé changer lorsque le
travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays
». Il faut en déduire que le travailleur français qui irait
travailler sur un site offshore à l'étranger peut
être soumis à un contrat de droit français ou
étranger, mais que celui-ci ne pourra jamais être moins favorable
qu'un contrat soumis au lieu où il est exécuté. Cependant,
les travailleurs envoyés sur les sites EMR seront très
probablement sur des sites étrangers pour des missions de courte
durée, consistant en la réalisation d'un tâche
précise réclament un haut niveau de compétences.
Dès lors, le droit applicable restera le droit français,
même si le travailleur exerce son activité dans des eaux
étrangères en vertu de l'article 8.1 §2.
2) Situation des travailleurs étrangers en
France
L'article 9.2 du Règlement Rome 1 prévoit que
« les dispositions du présent règlement ne pourront porter
atteinte à l'application des lois de police du juge saisi »,
étant précisé qu'une loi de police « est une
disposition impérative dont le respect est jugé crucial par
88 Règ. CE n°593/2008 du 17 juin 2008
89 Dir. 96/71/CE du Parlement et du Conseil européens, 16
décembre 1996
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un pays pour la sauvegarde de ses intérêts
publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au
point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ
d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat
d'après le présent règlement90 ».
Or, le Conseil d'État a pu juger que les dispositions
françaises relatives aux relations collectives sont des lois de
police91. Cette position a été confirmée par la
Cour de cassation, déclarant que « les lois relatives à la
représentation des salariés et à la défense de
leurs droits et intérêts sont des lois de police s'imposant
à toutes les entreprises et organismes assimilés qui exercent
leur activité en France92 ».
Les travailleurs étrangers détachés sur
des sites français (on pense en particulier aux anglais, ceux-ci ayant
une avance considérable en matière d'EMR) pourront donc
bénéficier de ces droits, tout en étant embauchés
par une entreprise de droit anglais.93
3) Le cas des travailleurs en haute
mer
En imaginant que des parcs éoliens puissent se
développer en haute mer, il convient de se demander à quelle loi
sera soumis le contrat de travail des personnels chargés de
l'installation et de l'entretien des parcs.
Tout comme pour les travailleurs détachés, la
loi du contrat sera applicable en vertu de l'article 8.1, tandis que l'article
8.2 sera inapplicable : le travailleur exerçant en haute mer n'accomplit
son travail habituellement dans aucun pays. L'article 8.3 va remédier
à ce problème en disposant que si le lieu d'exécution
habituelle est indéterminable, il convient de se référer
à la loi du pays de l'établissement d'embauche, sauf si le
contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays
(8.4).
Un travailleur français, travaillant en haute mer pour
une entreprise étrangère, et sous contrat de droit
étranger, bénéficiera donc des avantages du droit social
français si son contrat présente des liens plus proches avec la
France qu'avec le pays de son établissement d'embauche.
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