Section 3. Dérogation au
principe de double assurance
L'obligation de souscrire une assurance garantissant la
responsabilité décennale pèse seulement aux personnes
physiques ou morales de droit privé. Elles ont le devoir de le faire
avant l'ouverture du chantier à défaut duquel des sanctions
pénales peuvent s'en suivre. C'est ainsi que le maître de
l'ouvrage veillera au respect de cette obligation par les constructeurs en
exigeant par exemple l'attestation d'assurances et la justification du paiement
des primes au moment même de la conclusion du marché. Le
maître de l'ouvrage lui aussi est soumis à cette obligation
d'assurance faute de quoi il sera sanctionné au même pied
d'égalité que les constructeurs. En effet, il s'agit ici d'une
simple application du principe de double assurance ou double garantie
d'assurance applicable en assurance décennale.
Par ailleurs, il est admis que cette obligation d'assurance ne
s'applique pas à l'Etat lorsqu'il construit « pour son propre
compte ». Elles ne s'appliquent aussi qu'aux seuls gros ouvrages
(travaux de bâtiment) à l'exclusion des ouvrages du génie
civil et des menus ouvrages. Ensuite, les obligations d'assurance ne
s'appliquent pas aux particuliers qui font construire pour eux-mêmes ou
leurs familles (conjoint, ascendants, descendants).
Ce sont là les sujets qui bénéficient des
exonérations de l'obligation de souscrire une assurance du moins pour
les États qui reconnaissent cette obligation. En maintenant l'attention
sur l'exonération reconnue à l'Etat, il nous faut rappeler le
fameux principe suivant lequel «l'Etat est son propre
assureur», pour dire que l'Etat n'est pas tenu de s'assurer en
temps d'assurances obligatoires. Mais si nous revenons un peu en
arrière, une précision est que l'exonération ne profite
qu'aux seuls maîtres d'ouvrages publics construisant pour leur propre
compte. Ceci répond aux difficultés qui
apparaîtraient si des collectivités locales, des entreprises
publiques ou des établissements publics construisent ou font construire
des immeubles qu'ils passent dans la suite aux mains des particuliers avant
l'écoulement des dix ans dès la réception et sans qu'ils
aient souscrit une assurance dommages ouvrage à cet effet.
Il nous faut cependant analyser l'enjeu de dérogation
au principe de double assurance en s'imaginant de l'Etat (collectivités
locales, entreprises publiques et établissements publics) qui construit
d'une part, et de l'Etat qui fait construire d'autre part. Dans le premier cas
qui constitue le paragraphe premier de cette section, il s'agit de l'Etat-
constructeur, tandis que dans le second cas (§2), c'est l'Etat -
maître de l'ouvrage.
§1. Etat- constructeur
Avec le système économique actuel qui permet
à l'Etat d'intervenir dans les affaires économiques en se
considérant comme particulier, l'Etat par biais des collectivités
locales, des entreprises publiques, ou des établissement publics, peut
exécuter des travaux de construction ou intervenir par toute
manière à l'acte de construire et jouir ipso facto de la
qualité de constructeur. C'est ainsi que des services techniques publics
peuvent exercer des missions de conception ou de maîtrise d'oeuvre au
profit de collectivités ou d'organismes autres que celui ou ceux dont
ils relèvent organiquement. Dans ce cas, ces services techniques publics
peuvent voir leur responsabilité mise en cause dans les mêmes
conditions que les personnes physiques ou morales de droit privé
agissant en qualité de constructeurs. Évidemment, il est
difficile d'envisager des sanctions pénales en l'encontre d'un service
public qui enfreint l'obligation d'assurance. La seule probabilité est
cependant que les sanctions pénales puissent être encourues par
l'agent public qui a dirigé l'opération au nom du service.
Cela revient à dire donc que dans tous les cas
où l'Etat construit au profit des privés, il lui
reviendra également de souscrire obligatoirement l'assurance
responsabilité en vue de prouver l'efficacité et la
qualité de ses services. Il sera un succès pour le service
technique public qui aura participé à l'opération de
construire s'il coule une période des dix ans dès la
réception de l'ouvrage sans que celui-ci ne soit nullement compromis
quant à sa solidité. Dans le cas contraire, la
responsabilité décennale sera engagée à l'encontre
de ce service public quitte à lui de soumettre la personne qui l'a
représenté pendant l'opération afin qu'elle réponde
toujours à sa place. Seul donc, l'Etat- constructeur ne sera pas soumis
à l'obligation d'assurance s'il construit pour son propre compte. Une
question qui reste néanmoins sans réponse est de savoir la
portée du principe «l'Etat est son propre assureur».
L'Etat peut ne pas seulement agir en qualité
de constructeur mais aussi en qualité de propriétaire de
l'ouvrage en construction. Qu'en est-il alors de l'assurance dommages ouvrage
pouvant être imposée aux personnes qui font réaliser les
travaux de construction de bâtiment.
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