2. Dans la fonction de reliance
Je suis établi dans une fonction de reliance quand je
sers de pivot et porte-parole entre l'institution et les acteurs
extérieurs à l'institution (parents, famille
élargie, famille d'accueil ou de parrainage, amis et autres acteurs
sociaux du réseau de partenariat).
Même s'il est capital pour moi de bien distinguer
suppléance parentale et confusion des rôles
éducateur/parents, il y a cependant « un art de savoir-faire
avec le transfert » (Rouzel, 2004 : 206). Je prends parfois le risque
d'occuper ponctuellement un rôle qui n'est pas le mien, sans pour autant
tromper le jeune sur qui je suis par rapport à lui le reste du temps. En
voici une illustration concrète. Jonathan, 5 ans me réclame une
histoire lorsque je le couche. Je ne vais pas lui répondre : «
Il est l'heure de dormir, petit : nous nous reverrons demain ! ».
Non, je lui fais choisir un livre parmi ceux qui se trouvent sur
l'étagère de sa chambre. Je m'installe, prêt de lui, sur le
bord de son lit, pour m'exécuter. A certains moments du récit je
lui lance des regards et sourires complices. Il éclate de rire chaque
fois. Une fois la lecture achevée, j'allume la lampe de son évier
dont il a besoin en guise de veilleuse pour se sentir en
sécurité. Puis, je le borde après avoir
inséré ses peluches près de lui, sous sa couette. Je
l'embrasse sur le front. Il en redemande. Je le satisfais. Il en veut encore et
là je mets des limites en lui disant qu'il me reverra le lendemain et je
lui souhaite de faire de beau rêve dans cette attente. Oui, j'ai pris le
risque d'une implication affective. Il faut bien que je me mette à la
place du môme qui a besoin, pour s'endormir, d'un imago paternel ou
maternel. Toujours est-il qu'à force de répétition de mon
rituel du coucher, il arrive à Jonathan de m'appeler « Papa »
dans d'autres contextes du quotidien. Je mobilise alors chaque fois mon
habileté professionnelle pour faire comprendre à cet enfant que
ses parents restent ses parents et que je suis là passagèrement
pour l'aider à bien grandir. S'il y a une « bonne distance »
à instaurer, c'est à ce moment-là qu'elle doit
s'établir. Moins dans une situation où l'enfant a besoin d'un
appui rassurant pour s'endormir.
En outre, dans le cadre de mes investigations du terrain
familial, si je conserve une vision subjective de la famille type, alors je
pars d'un point de vue tronqué. Renoncer à mes
préjugés sur les normes et habitus d'un contexte familial
donné, c'est me « dépolluer » culturellement
et émotionnellement. Ainsi, je serai plus à même de
répondre aux besoins et attentes réels des protagonistes et de
pointer les ressources disponibles dans le système familial.
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