a) Les acteurs en présence
· François
· 1 fille de 9 ans du groupe vertical mixte
(dans la pièce à côté)
· Moi-même
b) Le contexte et les faits observables
L'événement a lieu un mercredi d'hiver, en
début d'après-midi, après le déjeuner. La neige
étant tombée de façon abondante la veille, elle a
laissé un tapis blanc bien ferme et durable au sol. Je décide de
saisir cette belle opportunité pour organiser une petite sortie à
luge avec trois volontaires. J'obtiens l'adhésion enthousiaste de
Michelle. Cherchant ensuite d'autres amateurs de glisse, je m'arrête au
salon où je trouve François très appliqué à
jouer avec sa console DS. Le garçon est enfoncé dans
l'angle d'un canapé (celui-ci est lui-même inséré
dans un angle de la pièce de telle façon à ce que le
visage du bénéficiaire soit visible de profil quand j'entre dans
la pièce) et ses genoux - où sont appuyés ses mains
pianotantes - sont ramenés vers sa poitrine. Pendant que je suis ensuite
installé à côté de lui pour l'aborder verbalement,
d'autres jeunes passent et repassent par le salon sans nous interrompre.
MOI (avec délicatesse) : « Tu
joues à quoi, François ? »
FRANÇOIS (brièvement, sans lever
les yeux vers moi) : « Pokémon... »
MOI : « Et tu es qui dans le jeu ?
Pikachu ? »
FRANÇOIS : « Non, chui dresseur
de Pokémon. »
MOI : « C'est quoi ta mission ?
»
FRANÇOIS : « Je dois attraper
des pokémons pour les mettre dans mon équipe. »
MOI : « Aha ! L'équipe a-t-elle
aussi une mission ? »
FRANÇOIS : « Oui !...
»
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MOI : « Laquelle ? »
FRANÇOIS : « Se battre pour
gagner des autres pokémons. »
MOI : « Tu me semble bien
concentré dans ta partie, mais tu ne voudrais pas venir avec
Michelle
et moi pour une balade en luge sur le ravel ? »
FRANÇOIS : « Non...
»
MOI : « Je pense que ce serait
vachement chouette. Je ferai comme la semaine dernière avec
Bryan et Michelle : vous êtes assis sur la luge et,
moi, je vous tire avec une corde attachée autour
de ma taille. On s'éclatera bien, qu'en penses-tu ?
»
FRANÇOIS : « Je n'ai pas envie.
»
MOI : « Ça ne
t'intéresse pas de jouer à l'extérieur, alors que nous
avons de la chance de pouvoir
profiter d'une neige qui ne fond pas ? »
FRANÇOIS (les yeux toujours rivés
sur sa machine) : « Non... »
MOI : « En plus c'est beau de voir la
nature et les arbres recouverts de blanc »
François reste muet et continue de faire aller ses doigts
sur les touches de sa console. La posture de
son corps n'a pas changé depuis que je suis arrivé
dans le salon.
MOI : « Pourquoi ne veux-tu pas
profiter d'une belle occasion de sortir pour t'éclater autrement
que de rester le nez dans ta console ? »
FRANÇOIS (connectant son regard sur le
mien) : « Parce que je suis aguik. »
MOI : « Tu veux dire "addict" ?
»
FRANÇOIS (son regard semble à
nouveau absorbé par l'écran numérique, et de rajouter
mélodieusement puis brièvement) : «
Non... Aguik ! »
MOI : « Et c'est quoi "aguik" ?
»
FRANÇOIS : « Ben aguik... Tu
vois... C'est aguik ! »
MOI : « Mais addict à quoi ?
»
FRANÇOIS : « Ben aguik aux
jeux. »
MOI : « Pour moi, tu n'es pas addict
aux jeux vidéo. Mais je n'ai pas le temps de rester pour en
discuter avec toi maintenant car Michelle m'attend pour
aller luger. J'aimerais en rediscuter avec
toi à un autre moment, ça te va ?
»
FRANÇOIS (débit de voix
mélodieux) : « Ça va... »
Je quitte la pièce afin de m'apprêter pour
rejoindre Michelle, qui m'attend dans la pièce à
côté.