Section 2. La primauté des résolutions
onusiennes sur le droit communautaire
L'évolution jurisprudentielle sur la question de savoir
si les résolutions du Conseil de sécurité des Nations
Unies peuvent être soumises au contrôle du juge communautaire a
connu deux étapes majeures. Il convient de s'intéresser au
raisonnement qui a conduit la Cour à
157 CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro
Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, arrêt
préc., point 53 et s.
158 CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro
Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, conclusions avocat
général Mengozzi, point 127.
159 « La Cour déclare au point 50 de l'arrêt
Segi que « [...] les traités ont établi un
système de voies de recours dans lequel les compétences de la
Cour sont, en vertu de l'article 35 UE, moins étendues dans le cadre du
titre VI du traité sur l'Union européenne qu'elles ne le sont au
titre du traité OE. Elles le sont d'ailleurs encore moins dans le cadre
du titre V. Si un système de voies de recours, et notamment un
régime de responsabilité extracontractuelle autre que celui mis
en place par les traités est certes envisageable, il appartient, le cas
échéant, aux États membres, conformément à
l'article 48 UE, de réformer le système actuellement en vigueur.
»
160 « La Cour de justice de l'Union européenne
n'est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives
à la politique étrangère et de sécurité
commune, ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur base.
Toutefois, la Cour est compétente pour contrôler
le respect de l'article 40 du traité sur l'Union européenne et se
prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues
à l'article 263, quatrième alinéa, du présent
traité
concernant le contrôle de la légalité des
décisions prévoyant des mesures restrictives à l'encontre
de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur la base du
titre V, chapitre 2, du traité sur l'Union européenne. »
39
affirmer le principe du contrôle de la
légalité des règlements qui assurent l'exécution
des résolutions onusiennes dans l'ordre communautaire (paragraphe 2) en
réponse au Tribunal qui avait conclu, face aux données du
problème, à l'immunité juridictionnelle des
résolutions dans l'ordre communautaire (paragraphe 1).
Paragraphe 1. Un contrôle délicat
La question de l'effet des résolutions du Conseil de
sécurité des Nations Unies dans l'ordre juridique communautaire
n'était pas nouvelle en 2005 lorsque furent portées devant le
prétoire du Tribunal de première instance les affaires
Yusuf, Al Barakaat International Foundation et Kadi
en septembre 2005161. En effet, la Cour européenne des
droits de l'homme dans l'affaire Bosphorus162, avait bien
remarqué que l'Irlande ne faisait qu'appliquer un règlement
communautaire lequel mettait en oeuvre un régime de sanctions contre la
Yougoslavie. Toutefois, la Cour de Strasbourg s'était bien gardée
de se prononcer sur les relations entre la CESDH et le droit des Nations Unies
ainsi que sur la prévalence des obligations découlant de la
Charte sur toute autre obligation des États membres. En filigrane
apparaissait bien sur le contrôle juridictionnel à l'aune de la
CESDH du contenu de la résolution onusienne.
Suite à ce silence, le Tribunal a estimé
nécessaire de livrer son point de vue sur sa compétence
juridictionnelle. Les affaires Yusuf et Kadi posaient la
question dans des termes différents par rapport à la position
commune. Dans la mesure où le règlement litigieux ne faisait que
« recopier » les obligations figurant dans les résolutions
onusiennes (la résolution 1267 (1999) et les résolutions
subséquentes la mettant à jour), le Tribunal se trouvait face
à un dilemme. Il était contraint dans un premier temps de
s'interroger sur l'existence d'une compétence liée ou
discrétionnaire des États membres et de la Communauté
vis-à-vis des résolutions du Conseil de sécurité.
Selon Denys Simon, cela l'amenait naturellement à se prononcer sur
l'articulation entre l'ordre juridique des Nations Unies et l'ordre juridique
communautaire163. Le Tribunal pouvait ainsi dans un second temps
livrer son interprétation
161 TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al
Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, et Yassin
Abdullah Kadi c./ Conseil et Commission, arrêts
préc.
162 CEDH, Gde Ch., 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yollari
Turizm Ve Ticaret Sirketi c./ Irlande, Requête n° 45036/98.
Rec. 2005-VI.
163 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de première
instance des Communautés : Professeur de droit international ? -
À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat International Foundation et
Kadi du 21 septembre 2005 », Europe, décembre 2005, comm.
12., p. 6.
40
sur l'étendue de sa compétence juridictionnelle
s'agissant du contrôle des actes communautaires d'exécution des
résolutions onusiennes. En résumé, le juge communautaire,
saisi d'un recours en annulation formé contre un règlement
assurant l'exécution d'une résolution n'était-il pas
amené à apprécier de la sorte, de manière
incidente, la validité de cette résolution ?
Sur la première interrogation164, le
Tribunal, conclut formellement que les « États membres ont la
faculté, et même l'obligation, de laisser inappliquée toute
disposition de droit communautaire, fût-elle une disposition de droit
primaire ou un principe général de ce droit, qui ferait obstacle
à la bonne exécution de leurs obligations en vertu de la charte
des Nations Unies »165.
Dans la suite du raisonnement du Tribunal, en constatant que
la Communauté n'exerce qu'une compétence liée dans
l'exécution des résolutions, celui-ci décline toute
compétence pour apprécier de manière incidente la
légalité des résolutions du Conseil de
sécurité. Il déclare ainsi que « [...] les
résolutions en cause du Conseil de sécurité
échappent en principe au contrôle juridictionnel du Tribunal et
[...] celui-ci n'est pas autorisé à remettre en cause, fut-ce de
manière incidente, leur légalité au regard du droit
communautaire. Au contraire, le Tribunal est tenu, dans toute la mesure du
possible, d'interpréter et d'appliquer ce droit d'une manière qui
soit compatible avec les obligations des États membres au titre de la
charte des Nations Unies »166. Si ce refus n'exclut pas un
possible contrôle de la légalité externe du
règlement, tout contrôle de la légalité interne
semble impossible car il reviendrait à contrôler de manière
incidente la résolution167.
Pourtant le Tribunal admet sa propre compétence pour
contrôler de manière incidente la légalité des
résolutions en cause « au regard du jus cogens, entendu
comme un ordre public international qui s'impose à tous les sujets du
droit international, y compris les instances de l'ONU, et auquel il est
impossible de déroger »168. Ce raisonnement «
incongru »169 et
164 Sur cette question, voir notamment SIMON D., MARIATTE F.,
« Le Tribunal de première instance des Communautés :
Professeur de droit international ? - À propos des arrêts Yusuf,
Al Barakaat International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 »,
article préc., et JACQUÉ J-P., « Le Tribunal de
Première instance face aux résolutions du Conseil de
Sécurité des Nations Unies Merci monsieur le
Professeur' », L'Europe des Libertés, 2006, n °19,
pp. 2-6.
165 TPICE, Yusuf, point 240 ; Kadi, point 190,
arrêts préc.
166 TPICE, Yusuf, point 276 ; Kadi, point 206,
arrêts préc.
167 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de
première instance des Communautés : Professeur de droit
international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat
International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », article
préc., p. 6.
168 TPICE, Yusuf, point 277 ; Kadi, point 226,
arrêts préc.
41
contradictoire170 permet de relativiser
l'immunité juridictionnelle des résolutions
onusiennes171. Pourtant, l'invocation du jus
cogens172 en tant que normes de référence semble
dès lors moins opportune lorsque le Tribunal va successivement examiner
la violation des droits fondamentaux soulevés en l'espèce
(protection de la propriété, droit d'être entendu et
protection juridictionnelle effective) pour affirmer qu'aucun d'entre eux ne
fait partie du jus cogens173 et finalement rejeter les
allégations des requérants.
Malgré la bienveillance174 du Tribunal,
c'est finalement un très fragile contrôle voire une absence de
contrôle qui est consacré dans sa solution. Dans deux
arrêts175 postérieurs dont les faits sont identiques,
le Tribunal confirme la vision restrictive qu'il a de sa mission
juridictionnelle. Il ajoute toutefois, en réponse aux requérants
qui invoquaient l'ineffectivité du mécanisme de réexamen
des mesures individuelles de gel des fonds devant le Comité des
sanctions du Conseil de sécurité, qu'il existe une obligation
pour les États membres d'assurer la « protection diplomatique
» des personnes visées par des sanctions internationales devant
ledit Comité176.
A la même période, lors d'un contentieux
très similaire, le juge a esquissé un progrès notable en
matière de contrôle juridictionnel. En effet, à propos de
l'inscription de l'OMPI (voir supra p. 37) par la position commune
2001/931/PESC, le juge était aussi amené à se
169 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de
première instance des Communautés : Professeur de droit
international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat
International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », article
préc., p. 7.
170 Un précédent peut cependant être
signalé, dans l'arrêt Racke de 1998, dans lequel la Cour admettait
qu'elle puisse contrôler la validité d'un règlement
communautaire au regard des règles du droit international coutumier, en
l'espèce au regard du principe coutumier de changement fondamental de
circonstances, voir CJCE, 16 juin 1998, Racke, aff. C-162/96,
Rec. I-03655.
171 JACQUÉ J-P., « Le Tribunal de Première
instance face aux résolutions du Conseil de Sécurité des
Nations Unies Merci monsieur le Professeur' », article
préc., p. 4.
172 L'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités précise qu'une norme de jus cogens se
définit comme : « [...] une norme impérative du droit
international général est une norme acceptée et reconnue
par la
communauté internationale des États dans son
ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est
permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du
droit international général ayant le même caractère.
»
173 Jean-Paul Jacqué ajoute à ce propos que
« [c]e qui fait le caractère impératif d'une règle
n'est pas son universalité, mais la reconnaissance par la
Communauté internationale dans son ensemble de ce caractère
impératif », « Le Tribunal de Première instance face
aux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies
Merci monsieur le Professeur' », article préc.,
p. 4.
174 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de
première instance des Communautés : Professeur de droit
international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat
International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », article
préc., p. 9.
175 TPICE, 12 juillet 2006, Chafiq Ayadi c./ Conseil,
aff. T-253/02, Rec. II-2139 ; TPICE, 12 juillet 2006, Faraj Hassan
c./ Conseil et Commission, aff. T-49/04, Rec. II-2139, voir aussi
MARIATTE F., « Sanctions économiques internationales, jus cogens et
droit à la protection diplomatique », Europe, octobre
2006, comm. 270.
176 TPICE, 12 juillet 2006, Chafiq Ayadi c./ Conseil,
points 141-149 ; Faraj Hassan c./ Conseil et Commission, points
111-119, arrêts préc.
42
prononcer sur la légalité d'une décision
d'inscription prise par le Conseil sur la base du règlement (CE) n°
2580/2001. L'inscription de la requérante reposait effectivement sur une
double base juridique. Refusant le contrôle de la position commune (voir
supra p. 38), le Tribunal acceptait néanmoins le contrôle
de la décision d'inscription177. A la différence des
arrêts Yusuf et Kadi, les instruments communautaires
mettaient en oeuvre la résolution 1373 (2001), laquelle confère
aux États ou à la Communauté le pouvoir d'édicter
la liste de manière discrétionnaire. En l'espèce, la
Communauté disposait donc d'une marge d'appréciation. Le Tribunal
annule donc la décision n° 2005/930/CE178 pour autant
que celle-ci concerne l'organisation requérante179.
Paragraphe 2. « L'internalisation »180
du différend
L'arrêt Kadi du 3 septembre 2008181
peut être vu de deux manières. La première veut qu'il ne
soit qu'une étape de plus dans le processus d'intensification du
contrôle juridictionnel des actes exécutant les régimes de
sanction instaurés par le Conseil de sécurité dans le
cadre de la lutte antiterroriste. Il serait dans ce sens, la continuation des
progrès effectués dans les affaires Segi et
OMPI. La seconde envisage la solution de l'arrêt Kadi
comme un réel renversement paradigmatique du raisonnement du juge
communautaire dans la relation qu'il entretient avec l'ordre juridique
international. L'arrêt de la Cour de justice apparaîtrait comme une
« force perturbatrice, au sens astronomique du terme, dont l'effet modifie
celui d'une
177 TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des
Modjahedines du peuple d'Iran (OMPI) c./ Conseil, arrêt
préc. Voir aussi, selon la même configuration, TPICE, 14
octobre 2009, Bank Melli Iran c./ Conseil, aff. T-390/08, non encore
publié au Recueil, JOUE n° C 282 du 21 novembre 2009.
178 Décision n° 2005/930/CE du Conseil du 21
décembre 2005 mettant en oeuvre l'article 2, paragraphe 3, du
règlement (CE) no 2580/2001 concernant l'adoption de mesures
restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et
entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la
décision 2005/848/CE, JOUE n° L 340/64 du 21
décembre 2005.
179 Ibid, point 108, « Dès lors que
l'identification des personnes, groupes et entités visés par la
résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité et
l'adoption de la mesure de gel des fonds qui s'ensuit relèvent de
l'exercice d'un pouvoir propre, impliquant une appréciation
discrétionnaire de la Communauté, le respect des droits de la
défense des intéressés s'impose en principe aux
institutions communautaires concernées, en l'occurrence le Conseil,
lorsqu'elles agissent en vue de se conformer à ladite résolution.
»
180 Expression empruntée au raisonnement de Pierre
d'Argent « Arrêt Kadi : le droit communautaire comme le droit
interne, Journal de droit européen, 2008, n° 153 pp.
265-268.
181 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat
International Foundation c./ Conseil et Commission, arrêt
préc.
43
force plus importante »182. Il se situerait
alors dans la lignée des grands arrêts Van Gend en Loos
et Costa 183dans le cadre du processus
d'autonomisation du droit communautaire.
De nombreuses études, auxquelles il convient de se
reporter184, ont largement traité l'aspect constitutionnel de
la solution de la Cour dans l'arrêt Kadi et la confrontation de
l'ordre communautaire avec l'ordre issu de la Charte des Nations Unies. Il ne
s'agit donc pas d'être exhaustif à ce sujet (dans un arrêt
comportant pas moins de 380 points) mais plutôt reste t-il à
envisager l'apport de l'arrêt quant au contrôle juridictionnel.
La prise de position de la CJCE revient donc à
confronter les ordres juridiques communautaire et international pour
définir un cadre de référence du contrôle
juridictionnel du règlement communautaire d'exécution du
régime de sanction instauré par les résolutions
onusiennes. Consacrant une « vision radicalement dualiste
»185 et une primauté « inversée »186 au
profit du droit communautaire, la Cour fait preuve de bon sens. Elle
réduit le problème de droit qui lui est posé à un
contrôle de la légalité de l'acte communautaire assurant
l'exécution de la résolution, et non à un contrôle
portant sur le droit issu du Chapitre VII des Nations Unies. Contrairement
à la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire
Behrami187, elle affirme ainsi qu' « [u]n
éventuel arrêt d'une juridiction communautaire par lequel il
serait décidé qu'un acte communautaire visant à mettre en
oeuvre une telle résolution [du Conseil de sécurité] est
contraire à une norme supérieure relevant de l'ordre juridique
communautaire n'impliquerait pas une remise en cause de la primauté de
cette résolution au plan du droit international »188.
182 MIRON A., article préc., p. 356.
183 CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos,
aff. 26/62, Rec. 00003 ; CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff.
6/64, Rec. 01141.
184 Voir notamment SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des
pourvois dans les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour le
Tribunal de première instance? », Europe, novembre 2008,
comm. 9., LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la
lutte contre le terrorisme », R.T.D.E., 2009, n° 45 (2), pp.
231-265, D'ARGENT P. « Arrêt Kadi : le droit communautaire comme le
droit interne », Journal de droit européen, 2008, n°
153 pp. 265-268, HALBERSTAM D., STEIN E., « The United Nations, the
European Union, and the King of Sweden : economic sanctions and individual
rights in a plural world order », C.M.L.R., 2009, Vol. 46, pp.
13-72, JACQUÉ J-P., « Primauté du droit international versus
protection des droits fondamentaux, à propos de l'arrêt Kadi de la
Cour de justice des Communautés européennes »,
R.T.D.E., 2009, n° 45, pp. 161-179.
185 SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des pourvois dans
les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour le Tribunal de
première instance? », article préc., p. 8.
186 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle
juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », article
préc., p. 245.
187 CEDH, Gde Ch., 31 mai 2006, Behrami et Behrami c./
France (Requête n° 71412/01) et Saramati c./ France,
Allemagne et Norvège (Requête n° 78166/01). La CEDH
s'était déclarée incompétente pour examiner les
recours devant elle au motif que les actes contestés étaient
attribuables aux Nations Unies.
188 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat
International Foundation c./ Conseil et Commission, arrêt
préc., point 288.
44
La Cour étoffe son raisonnement en renversant chaque
argument avancé par le Tribunal. Quant à la primauté des
engagements internationaux en vertu de l'article 103 de la Charte des Nations
Unies et de l'article 307 CE, la Cour précise que cela ne peut aboutir
à remettre en cause « des principes qui relèvent des
fondements mêmes de l'ordre juridique communautaire, parmi lesquels celui
de la protection des droits fondamentaux, qui inclut le contrôle par le
juge communautaire de la légalité des actes communautaires quant
à leur conformité avec des droits fondamentaux
»189. Elle conclut que le contrôle de la validité
des actes communautaire à l'aune des droits fondamentaux dont elle est
chargée correspond à « l'expression, dans une
communauté de droit, d'une garantie constitutionnelle découlant
du traité CE en tant que système juridique autonome à
laquelle un accord international ne saurait porter atteinte
»190. La Cour annule finalement le règlement litigieux
pour autant qu'il concernait les requérants.
Outre les risques que la solution de la Cour peut
engendrer191, le juge communautaire, en érigeant le
contrôle juridictionnel des mesures de gel des fonds en tant que garantie
constitutionnelle, met fin à l'immunité juridictionnelle des
résolutions onusiennes dans l'ordre communautaire192. Par
conséquent, la distinction opérée entre compétence
liée et compétence discrétionnaire n'a désormais
plus lieu d'être et le traitement des régimes de sanction
résultants d'une part de la résolution 1267 (1999), et d'autre
part, de la résolution 1373 (2001) est unifié dans l'ordre
communautaire. Le principe du contrôle juridictionnel étant
posé, le juge communautaire devait simultanément en
déterminer les modalités.
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