b) Rome
Rome fit appel à des mercenaires aux IIIe et IIe
siècles avant J.-C. Là encore, la raison principale réside
dans le manque d'effectifs « nationaux ». Et pourtant, Rome
connaissait le principe de la conscription obligatoire (chaque citoyen
âgé de dix-sept ans et plus était tenu de servir durant
seize campagnes hivernales s'il était versé dans l'infanterie et
durant dix années, s'il appartenait à la cavalerie11).
A titre d'exemple, en 225 avant J.-C., juste avant la Deuxième Guerre
Punique, l'Armée républicaine pouvait mobiliser 700 000 hommes
parmi lesquels seulement un tiers était de citoyenneté
romaine.
Un autre facteur doit également être pris en
compte, géopolitique cette fois-ci. Plus le territoire
contrôlé par Rome s'étendait, plus il devenait difficile de
faire assurer la défense des frontières par des citoyens romains.
C'est pourquoi, la Ville éternelle fit appel à des soldats des
pays nouvellement conquis pour assurer ce genre de missions. Du
côté des supplétifs, intégrer les légions
romaines présentait un intérêt certain puisque cela pouvait
leur permettre d'acquérir le fameux statut de citoyen.
10 ROSI Jean-Didier, Privatisation de la violence
- Des mercenaires aux sociétés militaires privées,
Editions L'Harmattan, Paris, 2009, p. 23.
11 AYMARD André et AUBOYER Jeannine., Rome
et son empire, Editions Quadrige / PUF, Paris, 1995, p. 97.
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c) Carthage
S'agissant de Carthage, son recours à des mercenaires
ne fut pas toujours heureux. En effet, à l'époque des guerres
puniques l'opposant à Rome (il y en eut trois en tout), Carthage fit
appel à un nombre croissant de soldats étrangers. Au début
de la Première Guerre Punique (264 - 241 avant J.-C.), l'ancienne
colonie phénicienne comptait dans ses rangs 150 000 hommes. Comme le
déclarent André Aymard et Jeannine Auboyer, « quelle qu'ait
été la population de la ville à cette époque, il
est évident que cette armée ne pouvait être
constituée des seuls carthaginois.12 »
Cependant, quand la guerre prit fin, Carthage perdit la Sicile
qui devint la première province romaine. 20 000 mercenaires
présents sur l'île décidèrent alors de regagner les
côtes d'Afrique pour se faire payer le prix de leurs services.
Ruinée économiquement, Carthage ne put les rétribuer, ce
qui engendra une révolte menée par les mercenaires et
menaçant l'existence même de la ville. C'est seulement en - 237,
soit quatre ans après la fin du conflit, que le général
Amilcar Barca réussit à mater cette rébellion. C'est
d'ailleurs cet épisode qui inspirera le célèbre roman
Salammbô (1862) de Gustave Flaubert.
En conclusion, il faut retenir que le recours au mercenariat
dans l'Antiquité est intimement lié à la question
démographique. A ce titre, les Egyptiens étaient surtout des
agriculteurs et les Carthaginois des marins et des commerçants. Par
conséquent, la survie de ces peuples dépendait étroitement
d'une défense assurée par des supplétifs étrangers.
De plus et d'un point de vue stratégique, le recrutement de mercenaires
était également un moyen pour les cités ou les princes de
disposer quasi instantanément d'une force déjà
expérimentée et aguerrie.
12 Op. cit., p. 34.
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