B) La Grèce, Rome et Carthage
« Tout empire périra. », Jean-Baptiste
Duroselle
a) La Grèce
Comme nous l'avons vu auparavant, les mercenaires grecs
étaient renommés dans tout le bassin méditerranéen
pour leur professionnalisme. Trois régions sont alors
considérées comme de véritables réservoirs de
guerriers : le Péloponnèse, pour ses hoplites (infanterie
lourde), la Thrace, pour ses peltastes (infanterie légère) et la
Crète, pour ses archers. Parce que les techniques de combat
nécessitent un long apprentissage, notamment le maniement des armes de
jet, le mercenariat permet de disposer rapidement d'une force armée
composée d'hommes endurants aussi bien qu'expérimentés.
Cependant, la Grèce n'a pas été qu'une
pourvoyeuse de mercenaires, elle y a également fait appel. Pour citer
Michel Debidour dans Les Grecs et la guerre (2002) : « D'abord,
on enrôla des esclaves [...]. Et plus encore, on se mit à engager
à prix d'argent des professionnels de la guerre : des mercenaires
(mistophoroï9). » Paradoxalement, on aurait pu
penser que la tradition grecque du « soldat-citoyen »
constituât un obstacle au développement du mercenariat. Or, il
n'en fut rien. Athènes et Sparte y ont ainsi largement recouru.
Cependant, ce processus d'externalisation avant l'heure a également
suscité de vives critiques. En effet, comme le note Jean-Didier Rosi
dans Privatisation de la violence - Des mercenaires aux
sociétés militaires privées (2009), « le
goût des mercenaires pour le pouvoir suscitait pourtant
9 DEBIDOUR Michel, Les Grecs et la guerre, Le
Rocher, Monaco, 2002. Cité par CHAPLEAU Philippe, Les mercenaires.
De l'Antiquité à nos jours, Ouest-France, Rennes, 2006, p.
14.
14
de sérieuses inquiétudes relayées
dès 356 AC par Isocrate comme par Aristophane et
Démosthène.10 » Ces inquiétudes
s'avérèrent fondées puisque vingt ans plus tard, lors de
la bataille du Granique, en 334 avant J.-C., Alexandre le Grand, roi de
Macédoine, dut combattre des mercenaires grecs engagés par le roi
perse Darius III qui avaient servi quelques années plus tôt, pour
Philippe II de Macédoine, son propre père.
Enfin, il faut rappeler que le mercenaire grec le plus
célèbre est sans aucun doute le philosophe athénien
Xénophon (426 - 354 avant J.-C.), qui dans l'Anabase («
montée » vers l'intérieur en venant de la mer), raconte la
campagne menée au profit du Perse Cyrus le Jeune. Ce dernier, cherchant
à détrôner son frère aîné,
Artaxerxès II, sollicita pour renforcer sa propre armée
près de dix mille mercenaires grecs qu'il obtint grâce à
ses bonnes relations avec Sparte. Malheureusement, l'expédition sera un
échec (Cyrus sera tué) et Xénophon et ses compagnons
seront contraints de fuir, sans avoir jamais vu une once du butin promis.
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