B) Un intérêt économique encore
incertain
a) Les incertitudes de la Cour des comptes
Comme nous l'avons vu précédemment, la Cour des
comptes pointe du doigt l'impossibilité d'établir un lien de
corrélation direct entre gains économiques et processus
d'externalisation,
181 Rapport d'information n° 3624, En conclusion des
travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les
externalisations dans le domaine de la défense, Louis Giscard
d'Estaing et Bernard Cazeneuve, p. 39, 5 juillet 2011.
182 Allemagne, Belgique, Canada, Danemark, France,
Grèce, Hongrie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal,
République-Tchèque, Slovaquie, Slovénie et Royaume-Uni.
183 Finlande et Suède.
107
faisant même valoir que ces gains pourraient être
liés davantage à la réorganisation et à la
réduction des prestations qu'à l'externalisation elle-même.
Ainsi, dans le cas du dossier de l'école de Cognac et du dossier des
véhicules de la gamme commerciale, les juges de la rue Cambon font
l'affirmation suivante : « les gains économiques importants qui
apparaissent [...] sont en grande partie liés à la transformation
importante des périmètres184 ». En d'autres
termes, la solution économique la plus viable résiderait dans une
rationalisation interne au ministère de la Défense.
b) L'absence de comparaisons objectives
Plusieurs paramètres ne sont jamais pris en compte pour
établir la preuve rationnelle de l'intérêt
économique de l'externalisation. Ces paramètres sont au nombre de
quatre.
Premièrement, d'après l'article 1er
du décret n°2010-1109 du 21 septembre 2010 : les agents civils ou
militaires, « lorsqu'ils exercent une activité du ministère
de la défense confiée, par contrat, à un organisme de
droit privé, ou à une filiale d'une société
nationale, peuvent [...] être mis à la disposition de cet
organisme ou de cette société ». Dans ce cadre, une
compensation financière est versée par l'administration à
l'entreprise. Elle correspond à la différence entre le
traitement/la solde de l'agent civil/militaire et le salaire que lui verse
l'entreprise. Quel est donc ici l'intérêt économique de
l'externalisation ?
Deuxièmement, le calcul des coûts des processus
d'externalisation n'inclut pas le coût des mesures sociales
d'accompagnement du personnel civil d'un établissement
restructuré. En effet, dès lors qu'il y a externalisation ou
rationalisation d'un service réalisé en régie, les
personnels civils remerciés peuvent bénéficier du Plan
d'accompagnement aux restructurations (PAR), destiné à faciliter
leur reconversion. En termes de chiffres, le coût du PAR (hors
surcoût chômage) sur la période 2008-2015
s'élève à 1,1 milliards d'euros.
Troisièmement, tout service externalisé se voit
soumis à la TVA, alors que ce n'est pas le cas pour les services
réalisés en régie.
184 Cour des comptes, Communication à la Commission
des finances, de l'économie générale du contrôle
budgétaire de l'Assemblée nationale, « Le coût et
les bénéfices attendus de l'externalisation au sein du
ministère de la défense », p. 24.
108
Quatrièmement, le prestataire privé doit
s'assurer quant aux risques dont il pourrait être rendu responsable, ce
qui n'est pas le cas de l'Etat qui est son propre assureur. Dans ces
conditions, le coût de l'assurance sera forcément
répercuté sur le coût final du contrat
d'externalisation.
Au final, l'externalisation ne doit pas être vue comme
une solution économique forcément avantageuse, notamment parce
qu'aucune étude à ce jour n'a été capable
d'englober tous les coûts mentionnés
précédemment.
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