2 / Limites économiques et sociales
« C'est la concurrence qui met un prix juste aux
marchandises, et qui établit les vrais rapports. », Montesquieu,
L'Esprit des lois, 1748
A) La nécessité d'une véritable
concurrence
Lorsqu'un pays décide d'externaliser certaines
fonctions, il doit auparavant vérifier que le marché n'est pas
aux mains d'oligopoles. S'il ne le fait pas, il encoure trois risques. Tout
d'abord, il risque de ne pas pouvoir discuter le coût de la prestation.
Ensuite, il peut être victime, une fois le contrat signé,
d'augmentations décidées unilatéralement et parfois
injustifiées. Enfin, il encourt le risque de se retrouver bloqué
si le titulaire du contrat vient à défaillir.
Dans le cas français, à cause du retard dans la
livraison de l'A400M (elle devait avoir lieu le 31 octobre 2009) et du
vieillissement des C-160 Transall, l'Armée de l'air n'a assuré en
2010
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que 46% du total du transport de fret nécessaire aux
opérations en Afghanistan181. Par conséquent, elle a
dû faire assurer plus de la moitié du ravitaillement des forces en
campagne (4000 hommes en tout) par des Antonov russes (Volga-Dnepr Airline) et
ukrainiens (Antonov Design Bureau). Cette externalisation a lieu dans le cadre
d'un consortium multinational dénommé SALIS (Solution
intérimaire pour le transport aérien stratégique) qui
réunit seize pays de l'OTAN182 et deux pays
partenaires183. Or, la co-entreprise de droit allemand Ruslan Salis
(qui regroupe Volga-Dnepr Airline et Antonov Design Bureau) a porté
unilatéralement le prix de l'heure de vol à 30 200 euros, soit
une majoration d'environ 20% et le volume d'heures de vol a été
fortement réduit.
A travers cet exemple, il s'agit de mettre en garde les forces
armées contre deux dangers avérés. Tout d'abord,
l'externalisation doit être choisie et non subie. Elle ne doit pas
être le fruit de l'urgence de la situation. Or, le retard du programme
A400M a contraint le ministère de la Défense à augmenter
sa commande d'heures de vol d'Antonov 124. Ensuite, il importe que la France
conserve « un socle minimal de capacités patrimoniales »,
comme le préconise d'ailleurs la Mission d'évaluation et de
contrôle (MEC) sur les externalisations dans le domaine de la
Défense.
Préconisation n°10 : à l'instar de
ce qui a été fait dans le cadre des compagnies aériennes,
il appartient au ministère de la Défense d'établir une
liste noire (blacklist) des ESSD jugées peu sûres (soit en raison
de dérives éthiques, de sous-performances, de
surfacturations...). Cette liste serait régulièrement
actualisée.
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