b) Les domaines hyper-spécialisés
Certaines ESSD peuvent proposer non seulement la fourniture de
personnels aux compétences rares mais aussi du matériel sans
cesse actualisé, « ce qui dispense les Etats d'engager des
personnels ou de mobiliser des infrastructures pour des besoins
ponctuels.162 » Cette offre dans des domaines
hyper-spécialisés représente par conséquent un
formidable levier d'intervention pour l'Etat qui décide d'y recourir.
Cette assertion est particulièrement vraie dans le
domaine des systèmes d'information et de communication (SIC). Dans ce
cadre, le recours à un prestataire privé permet de toujours
disposer de matériels récents. A ce titre, le groupe
français Thalès a obtenu le marché de la gestion des
réseaux de communication de l'OTAN en Afghanistan.
Mais l'offre des ESSD ne se limite pas qu'aux nouvelles
technologies de l'information et de la communication. Pour citer les
députés Ménard et Viollet, « En France, la
société Amarante fournit au MAE les services d'un expert en
explosifs pour les audits de sécurité des postes diplomatiques
(90 000 euros). Cette même société lui assure
également une prestation d'audit de sécurité pour les
logements d'agents de l'Etat en Afrique du Sud.163 »
Enfin, le déminage fait également partie des
domaines où le recours à une ESSD permet de recourir à des
compétences rares, avec un coût maîtrisé car
limité dans le temps. Par exemple, en Lybie, les Etats-Unis ont su
« mobiliser d'importants moyens privés pour la recherche des
162 Op. cit., p. 14.
163 Op. cit., ibid.
95
explosifs et leur destruction à l'appui d'un contrat
global de cinq ans liant le Département d'Etat à la
société Stirling.164 » Ce contrat permet ainsi
à la puissance américaine « de mobiliser des
capacités privées lorsqu'un besoin se fait sentir, partout dans
le monde, pour la destruction d'armes conventionnelles et le déminage
humanitaire. Le contractant a indiqué par avance quels seraient les
personnes et les moyens employés pour tous les scénarios
possibles. Selon les besoins, le Département d'État passe ainsi
des contrats supplémentaires par théâtre, en organisant un
contrôle sur place des travaux effectués.165 »
B) Réactivité et flexibilité
En fonction des législations nationales, le
déploiement de forces dans un pays en crise peut prendre plus ou moins
de temps, en particulier lorsqu'un vote parlementaire est nécessaire.
Dès lors, le recours à une firme privée améliore
les capacités de réaction car elle permet d'éviter cette
procédure parfois jugée trop lourde. Pour rappel, les contrats
entre le Pentagone et une ESSD ne sont soumis à l'examen du
Congrès que lorsqu'ils dépassent les 5 millions de dollars.
D'autre part, le GAO témoigne dans un rapport de mars
2010 comparant le coût d'utilisation des employés du DoS par
rapport à celui des contractors en Irak et que nous avons
déjà cité précédemment166, que la
main-d'oeuvre privée est disponible quasi-instantanément alors
que dans certains cas, le DoS doit recruter et entraîner les personnels
correspondants. En outre, ce rapport ajoute que le DoS est parfois dans
l'incapacité de fournir des individus ayant les compétences
requises. Il s'agit notamment des gardes, des screeners167,
des maîtres-chiens spécialisés dans la détection
d'équipements militaires et des armuriers. Il faudrait alors
développer de nouveaux programmes d'entraînement pour chacune de
ces spécialités et construire les infrastructures
adéquates, ce qui augmenterait considérablement les
coûts168.
164 Op. cit., p. 14
165 Op. cit., p. 15
166 GAO, Warfighter Support : A Cost Comparison of Using
State Department Employees versus Contractors for Security Services in
Iraq (March 2010).
167 Un screener est un opérateur de
sûreté qui effectue le contrôle des passagers et de leurs
bagages dans les gares et aéroports.
168 Op. cit., p.11.
96
Par ailleurs, le recours à une ESSD présente un
autre avantage décisif sur le plan de la flexibilité. Alors qu'en
temps de paix, un militaire percevra sa solde, le contractor ne
représentera un coût pour son employeur que lorsqu'il sera
effectivement utilisé. Toutefois, il faut reconnaître que les
armées ont de plus en plus recours à des personnels sous contrat.
Dans le cas de la France, le personnel militaire d'active se compose en 2011 de
63% de militaires sous contrat169 et de 37% de militaires de
carrière170 (cf. figure 3).
Figure 3 : Répartition entre militaires de
carrière et militaires sous contrat par catégorie en
2011
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Source : Secrétariat Général pour
l'Administration.
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Cependant, l'importance des chiffres mentionnés
auparavant doit être nuancée par deux paramètres. Tout
d'abord, s'agissant des militaires sous contrat, la durée de leur
engagement ne pourra jamais rivaliser, en termes de flexibilité, avec
celle des contractors. En effet, alors que le contrat du militaire se
compte toujours en années, celui du contractor peut se calculer
en mois ou en semaines, voire même en jours (au même titre que
n'importe quel travailleur
169 Les contrats vont de 3 à 10 ans et sont renouvelables
sous conditions et dans une limite de durée.
170 Secrétariat Général pour
l'Administration, Bilan social 2011, Chapitre 1 - Le personnel de la
Défense.
97
intérimaire). Ensuite, s'agissant des militaires de
carrière, leur état ne cesse que lorsqu'ils sont radiés
des cadres (article L4139-12 du Code de la défense)171.
Dans ces conditions, le recours à une ESSD
représente un avantage de taille pour celui qui veut disposer d'une
main-d'oeuvre déjà formée pendant un laps de temps ne
l'engageant pas au-delà de ses besoins. Comme convenu par contrat, la
fin de la mission entraînera la fin de l'engagement du
contractor.
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