F) Le coût de la modernisation technologique : la
loi d'Augustine
Dans les années 1970 aux Etats-Unis, le directeur de
Lockheed Martin fit part de ses inquiétudes quant à
l'augmentation incontrôlée du coût d'acquisition des
systèmes d'armes : « le coût unitaire des produits
aéronautiques militaires a crû à un rythme étonnant
et intenable tout au long de l'histoire. Considérons l'exemple des
avions tactiques. Comparant l'évolution du coût unitaire par
rapport au temps, [...] nous observons que le coût d'un avion tactique a
été multiplié en moyenne par 4 tous les dix ans. En
extrapolant le budget de la défense selon les tendances de ce
siècle, on découvre qu'en 2054 la courbe du coût d'un avion
rejoindra celle du budget. Ainsi, au rythme actuel, le budget de la
défense entier ne permettra d'acheter [en 2054] qu'un seul avion
tactique98 ».
Si l'on prend au sérieux la loi d'Augustine,
l'équilibre qualité/quantité risque d'être rompu
à l'avenir. Les armées disposeront d'un équipement de plus
en plus sophistiqué mais aussi de plus en plus rare. Les débats
ont d'ailleurs déjà commencé, que ce soit en France avec
la question du coût du Rafale ou aux Etats-Unis avec la question du
coût du F-35. Or, il apparaît que si la modernisation technologique
représente un coût qui ne peut être maîtrisé,
il est toutefois toujours possible de « jouer » sur la variable
humaine. Cela implique forcément une réduction des effectifs.
D'ailleurs, le Livre blanc de 2008 prévoyait déjà une
réduction de 54 000 personnels de la Défense99 et
l'annonce par le gouvernement Ayrault de la suppression en 2013 de 7 200 postes
n'a fait que confirmer cette volonté de maîtriser les coûts
en diminuant les dépenses de fonctionnement.
D'autres possibilités peuvent être
également envisagées pour maintenir le niveau
d'équipements au sein des forces armées françaises. La
mutualisation des forces en fait partie.
97 FOUCAULT Martial, « Les budgets de
défense en France, entre déni et déclin », Focus
stratégique, n°36, avril 2012, p. 14.
98 Voir l'article d'Augustine sur l'industrie
aéronatique américaine intitulé « Unhappy Birthday :
America's Aerospace Industry at 100 », Aerospace America,
February 1997.
99 Cette réduction des effectifs permettrait
de dégager 2,7 milliards d'euros de crédit, sans augmentation du
budget.
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Par exemple, les trois corps de commissaires de l'armée
de Terre, de la Marine et de l'Armée de l'air ont été
regroupés le 1er janvier 2013 pour donner naissance au corps
unique des commissaires des armées. Toutefois, qu'il s'agisse de
l'externalisation ou de la mutualisation, il est fort possible que cela ne soit
pas suffisant pour faire face au coût de la modernisation technologique.
Si l'on prend le cas de l'Australie, on constate que malgré le recours
à des externalisations massives dans les fonctions administratives, le
soutien logistique et le soutien médical, le coût d'acquisition du
F-35 leur semble encore trop élevé100. C'est pourquoi,
si l'externalisation peut apparaître comme une réponse à la
question budgétaire, elle ne doit certainement pas être
considérée comme la panacée et ne doit pas empêcher
de réfléchir plus en profondeur sur les moyens d'affronter les
futurs défis économiques en matière de défense.
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