2 / L'externalisation de la Défense : un processus
en deux temps
« La politique et les intérêts
économiques sont des choses trop liées pour être
traitées séparément. », Paul
Deschanel
L'idée d'externalisation était déjà
en germe à partir du moment où l'Etat, soumis à des
contraintes budgétaires de plus en plus fortes, s'est interrogé
sur les moyens de continuer à
79 Rapport d'information n° 3595, Sur
l'externalisation de certaines tâches relevant du ministère de la
Défense, Michel Dasseux, 12 février 2002, p. 11.
80 Op. cit., ibid.
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assurer ses missions de service public à un moindre
coût. En cela, le processus de décentralisation territoriale
débuté à l'aube des années 1980 peut être vu
comme un prélude à l'externalisation. Une fois cette
dernière engagée, il ne restait plus qu'à l'étendre
au domaine de la défense.
A) La décentralisation comme prélude à
l'externalisation
Les deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979 ainsi que
le « tournant de la rigueur » en 1983 ont montré, et cela
indépendamment de la couleur politique du parti au pouvoir, que l'Etat
français n'était pas omnipotent. Passée cette prise de
conscience, les premières tentatives de réorganisation des
pouvoirs publics sont apparues. Ainsi, l'acte I de la décentralisation
date de 198281. Cette réforme de l'Etat est une
véritable remise en cause directe du modèle jacobin
hérité de la Révolution de 1789. Fondée sur
l'intérêt local, la décentralisation territoriale donne
naissance à des collectivités publiques distinctes de l'Etat
(région, département, commune) auxquels ce dernier confie un
pouvoir de décision et de gestion, sous le contrôle de la
loi82.
Il ne s'agit pas ici, bien évidemment, de mettre sur
le même plan la décentralisation et l'externalisation. Cependant,
il est possible de voir dans la première un prélude à la
seconde. En effet, ces processus sont tous les deux le fruit d'une même
logique de la pensée. Dans les deux cas, l'Etat s'interroge s'il peut
réaliser ses missions de service public avec une meilleure
efficacité, un moindre coût et une plus grande qualité.
Dans les deux cas, l'Etat souhaite confier à une autre entité des
compétences qui lui appartenaient autrefois en propre. Les approches qui
ont guidé la décentralisation ont donc de nombreux points communs
avec celles qui guident actuellement l'externalisation.
B) L'extension de l'externalisation au domaine de la
Défense
Une fois le processus d'externalisation engagé dans la
fonction publique, il ne restait plus qu'à l'étendre aux forces
armées. En effet, la mise en oeuvre, à partir du 10 juillet 2007,
de la
81 Loi n°82-213 dite loi « Defferre »
promulguée le 2 mars 1982 par le gouvernement de Pierre Mauroy.
82 Contrôle de simple légalité
assuré par les tribunaux administratifs et les chambres
régionales des comptes.
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révision générale des politiques
publiques (RGPP) ne pouvait pas exiger de la part des ministères des
réformes structurelles (baisse des dépenses publiques et
amélioration des politiques publiques) sans que le ministère de
la Défense n'y prît part.
Si l'on étudie les différents rapports RGPP, la
partie consacrée au ministère de la Défense souligne que
« le Livre Blanc sur la défense et la sécurité
nationale et la Révision générale des politiques publiques
ont conduit à réformer profondément les politiques
conduites par le ministère, avec 10 objectifs principaux :
- 1) Améliorer la gouvernance du ministère ;
- 2) Renforcer le pilotage des investissements de défense
;
- 3) Adapter les capacités opérationnelles aux
nouveaux conflits ;
- 4) Accroître l'efficacité du soutien de toutes
les entités opérationnelles du ministère en mutualisant le
soutien par zone géographique ;
- 5) Renforcer l'efficacité du soutien aux
opérations ;
- 6) Favoriser une gestion optimale des ressources humaines
;
- 7) Contribuer à la maîtrise du coût de
fonctionnement ;
- 8) Renforcer l'efficacité du soutien commun ;
- 9) Mobiliser efficacement toute une classe d'âge sur
la défense et la citoyenneté ;
- 10) Simplifier les démarches des usagers. »
De façon plus concrète, la question de
l'externalisation est maintes fois abordée. Dans les différents
rapports RGPP, ses modalités d'application sont
précisées.
Dans le 4e rapport RGPP de juin 2010, le recours
à l'externalisation est envisagé dans le cadre de
l'accomplissement de trois objectifs (soit presqu'un tiers du total, ce qui est
loin d'être négligeable). Ainsi, le cinquième objectif
visant à « Renforcer l'efficacité du soutien aux
opérations » invite au « recentrage des armées sur leur
coeur de métier » et fait directement référence
à un « recours ad hoc aux externalisations 83
». Le septième objectif ayant pour finalité de «
contribuer à la maîtrise du coût de fonctionnement »
rappelle que « la rationalisation des fonctions relatives à la
restauration, l'hôtellerie et les loisirs se poursuivra et sera
complétée par des externalisations qui seront mises en oeuvre
à partir d'octobre
83 4e rapport RGPP : partie défense, juin 2010, p. 3.
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201084 ». Enfin, le huitième objectif
(« renforcer l'efficacité du soutien commun ») prévoit
que la maintenance des infrastructures pourrait être assurée par
des sociétés privées.
Dans le 5e rapport RGPP publié en mars 2011,
il est rappelé que les principales opérations d'externalisation
ont eu lieu en matière de restauration (« huit sites ont
été externalisés et 11 restaurants sont exploités
par un prestataire privé depuis le 10 janvier 201185 »),
ce qui permettrait de réaliser une économie d'exploitation de
18%. Toutefois, l'état d'avancement des mesures prises dans le cadre de
la RGPP n'est pas toujours optimal et le Conseil de modernisation des
politiques publiques insiste sur la nécessité de «
moderniser la fonction habillement au sein des forces
armées86 ».
Enfin, dans le 6e et dernier rapport RGPP
publié en décembre 2011, le cinquième objectif («
Renforcer l'efficacité du soutien aux opérations ») prend
forme avec l'externalisation du maintien en condition opérationnelle
(MCO) d'une partie du matériel aéronautique. En effet, c'est
aujourd'hui la société Cassidian Aviation Training Services
(CATS), filiale d'EADS implantée à Cognac, qui assure les «
services de réparation, d'entretien et services connexes relatifs »
aux 41 Xingu présents sur les bases d'Avord, de Lann-Bihoué et de
Hyères.
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