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Du mercenariat aux entreprises de services de sécurité et de défense : la question de l'externalisation dans les forces armées françaises

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par François Le Gallic
Ecole de l'air - Sciences Po Aix - Diplôme de Sciences Po Aix 2013
  

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c) Bob Denard : le « sultan blanc des Comores37 »

Si les Anglais peuvent se vanter d'avoir eu David Stirling, la France peut également se glorifier d'avoir eu Bob Denard. Toutefois, elle ne semble pas particulièrement fière de celui qui se définissait lui-même comme un « corsaire de la République 38 », comme s'il représentait à lui seul un « passé qui ne passe pas 39 ». Or, il est intéressant de se demander comment on a pu passer d'un Bob Denard dont les compétences étaient requises dans le cadre de la politique étrangère française à un Bob Denard dont le nom ne doit surtout pas être prononcé.

Pour commencer, Bob Denard est à l'origine de l'organisation en 1979 de la Garde Présidentielle des Comores40, forte de 600 Comoriens. Comme le rappelle François-Xavier Sidos41 lors d'une conférence s'étant tenue le 22 novembre 2012 à Sciences Po Aix, cette unité militaire est équipée et financée par l'Afrique du Sud (de 1979 à 1989) sur des budgets militaires (deux tiers provenant de la South African Defence Force) et diplomatiques (un tiers provenant du ministère des Affaires étrangères), et cela en échange d'une station d'écoute42. Cette opération se fait en total accord avec la France car la République Fédérale Islamique des Comores permet de contourner l'embargo international qui pèse sur l'Afrique du Sud. De plus, la Garde Présidentielle est encadrée par une poignée d'officiers européens dont d'anciens cadres formés en France (y compris au Groupe d'Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN)). Au final, cette organisation est contrôlée par les services français et sud-africains avec une antenne à Paris, une autre à Pretoria et une unité opérationnelle à Moroni (capitale des Comores) à partir de laquelle des opérations clandestines sont montées.

Toutefois, à partir de 1989, le vent tourne pour Bob Denard. Cette année-là, le président Ahmed Abdallah est abattu dans son bureau. Son décès est imputé au mercenaire qui sera finalement acquitté. Said Mohamed Djohar devient alors président par intérim jusqu'au 11 mars 1990, date à laquelle il est élu président dans des élections contestées face à Mohamed Taki Abdulkarim. Il décide alors de chasser Bob Denard et ses mercenaires. Cinq années plus

37 Titre d'un documentaire diffusé sur France O le 9 juin 2012 et réalisé par Laurent Boullard.

38 Denard Bob, Corsaire de la République, Fixot, Paris, 1999

39 L'expression est également le titre d'un ouvrage d'Eric Conan et d'Henry Rousso sur la période vichyste.

40 Les Comores sont un ancien protectorat français.

41 Ancien officier de la Garde Présidentielle des Comores sous les ordres de Bob Denard.

42 Le Mozambique est alors plongé dans une guerre civile depuis 1977 et l'Afrique du Sud soutient l'un des deux belligérants, à savoir la ReNaMo (Résistance nationale du Mozambique).

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tard, dans la nuit du 27 au 28 septembre, le « corsaire de la République » débarque avec une trentaine d'hommes sur les côtes comoriennes et renverse le président Djohar. A la suite de quoi, Bob Denard met en place un comité militaire de transition qui remet le pouvoir à deux membres de l'opposition, Mohamed Taki Abdulkarim et Saïd-Ali Kemal. Une semaine après et suite aux protestations de la communauté internationale, la France lance l'opération militaire Azalée qui s'achève par l'arrestation le 6 octobre de Bob Denard et de son équipe. Curieusement, le président Djohar est exilé « pour sa sécurité » à la Réunion. Il ne regagnera jamais la présidence. En 1996, Mohamed Taki Abdoulkarim est élu président de la République fédérale islamique des Comores.

Le 20 juin 2006, la 14e chambre du Tribunal correctionnel de Paris a rendu un jugement concernant vingt-sept prévenus, dont Bob Denard. Malgré la gravité des faits reprochés (il s'agit d'un coup d'Etat militaire), il faut s'étonner que toutes les peines prononcées n'aient été que des peines avec sursis. Sans doute faut-il y voir l'incapacité des juges à clairement démontrer la part de responsabilité de Bob Denard dans cette affaire. Agissait-il de son propre chef ou était-il un simple exécutant ? La réponse n'est pas évidente car le jugement fait valoir les faits suivants : « Il est évident que les services secrets français avait eu connaissance du projet de coup d'Etat conçu par Robert Denard, de ses préparatifs et de son exécution ». Et d'ajouter, « Il est tout aussi manifeste qu'au moins ils n'avaient rien fait pour l'entraver et qu'ils l'avaient donc laissé arriver à son terme. En conséquence, c'est que les responsables politiques l'avaient nécessairement voulu ainsi ».

En conclusion, il faut noter que la collaboration entre les services français et Bob Denard n'a pas été aussi fructueuse que dans le cas des pays anglo-saxons. Cet échec est d'ailleurs sans doute ce qui a durablement occulté le débat français puisque dès lors qu'on parlait de recours à des sociétés privées pour assurer la formation de troupes militaires étrangères, l'association avec les coups d'Etat de Bob Denard et la « Françafrique » était systématique. Et même si les mentalités ont évolué, le poids de cette histoire demeure encore bien présent. Comme le disait l'un des protagonistes du film Magnolia (1999) de Paul Thomas Anderson : « Même si nous en avons fini avec le passé, le passé lui, n'en a pas fini avec nous. »

Pour terminer sur cette approche historique, il convient de souligner l'hétérogénéité du mercenariat. Si le terme de « mercenaire » est de nos jours galvaudé, une brève étude

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historique démontre que les choses sont plus complexes. Penser le contraire reviendrait à nier la dimension héroïque de nombreux mercenaires : Xénophon, Surcouf, Garibaldi, Malraux... « La vérité pure et simple est rarement pure et jamais simple » écrivait Oscar Wilde. Par ailleurs, on pense souvent que le mercenariat a profité de l'inexistence du droit. Cette idée doit être combattue. En effet, les condottieri étaient liés par la condotta, les corsaires par la lettre de marque, etc. Par conséquent, il apparaît plus pertinent de parler d'une évolution légale allant dans le sens de la condamnation du mercenariat plutôt que d'une création ex nihilo d'un cadre juridique répressif.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld