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Du mercenariat aux entreprises de services de sécurité et de défense : la question de l'externalisation dans les forces armées françaises

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par François Le Gallic
Ecole de l'air - Sciences Po Aix - Diplôme de Sciences Po Aix 2013
  

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Chapitre 2 - Le mercenariat : approche légale

Dans les années d'instabilité qui ont suivi la décolonisation, le droit international s'est particulièrement intéressé au mercenariat, considéré comme un instrument de déstabilisation politique. Au niveau national, les Etats ont également légiféré. Enfin, les six dernières années ont vu naître une volonté internationale de standardisation des pratiques des ESSD à travers l'adoption de chartes éthiques qui, en l'absence de portée juridique contraignante, contribuent néanmoins à éloigner l'accusation de mercenariat qui pèse souvent sur ces sociétés.

1 / La notion de mercenaire au regard du droit international

« Considérer toujours autrui comme une fin en soi et non comme un moyen. », Kant, Fondements de la

métaphysique des moeurs, 1785

Trois conventions internationales ont eu pour objet le mercenariat. Les deux premières furent adoptées en 1977 et eurent pour mission de définir la notion de mercenaire afin que celui-ci ne bénéficiât pas du statut de « combattant » ou « du prisonnier de guerre ». La troisième convention fut adoptée en 1989 et fut la première à criminaliser le mercenariat.

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A) Le premier protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, 8 juin 1977

Le 8 juin 1977, la Conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés (Genève 1974-1977) adoptait deux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatifs à la protection des victimes de la guerre. Le premier protocole donne une première définition du « mercenaire » en droit international. A l'article 47, §2, il circonscrit le soldat de fortune autour de six critères cumulatifs. « Le terme `mercenaire' s'entend de toute personne :

a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans un conflit armé ;

b) qui en fait prend une part directe aux hostilités ;

c) qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une Partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette Partie;

d) qui n'est ni ressortissant d'une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une Partie au conflit;

e) qui n'est pas membre des forces armées d'une Partie au conflit ; et

f) qui n'a pas été envoyée par un Etat autre qu'une Partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit Etat.43 »

Remarque 1 : l'objectif premier de ce protocole n'est pas d'incriminer l'activité de mercenaire mais d'exclure ce dernier des procédures humanitaires prévues pour les personnes impliquées dans un conflit (article 47, §1 : « Un mercenaire n'a pas droit au statut de combattant ou de prisonnier de guerre. »). En d'autres termes, les mercenaires capturés par des forces ennemies doivent être considérés comme des civils et non comme des militaires. Dès lors et selon l'article 5 de la Convention de Genève du 12 août 1949 (appelée aussi «

43 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits internationaux (Protocole 1), disponible sur le site internet du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme à l'adresse suivante : http://www2.ohchr.org/french/law/protocole1.htm

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Quatrième convention de Genève »), ces personnes seront traitées « avec humanité et, en cas de poursuites, ne seront pas privées de leur droit à un procès équitable et régulier.44 »

Remarque 2 : le second critère qui exige que le mercenaire prenne « une part directe aux hostilités » est assez flou. A partir de quel moment la participation devient-elle directe ? Quel degré d'implication est nécessaire pour qu'un individu puisse être considéré comme un mercenaire ? La question n'est pas tranchée même si des éléments de réponse ont été apportés par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)45.

Remarque 3 : le troisième critère selon lequel le mercenaire recherche « un avantage personnel ou une rémunération personnelle nettement supérieure » à celle des combattants réguliers peut laisser dubitatif, et cela pour deux raisons.

Tout d'abord, c'est considérer que l'appât du gain est ce qui motive le mercenaire. Comme nous l'avons vu auparavant, les motivations des individus sont trop complexes pour pouvoir être appréhendées de manière aussi rigide. Pour citer Jean-Christophe Couvenhes, maître de conférences à l'université Paris IV-Sorbonne : « Dans l'Athènes classique déjà, il [le mercenaire] lui était possible de vivre du modeste misthos qui lui était versé pour participer à des expéditions. L'appât du butin et la propension au pillage ne constituaient pas un critère de distinction si pertinent qu'on a voulu le voir. En réalité, mercenaires et soldats-citoyens s'adonnaient pareillement au pillage dont la pratique était déjà présentée comme normale chez Homère. De même, Aristote théorisa le butin comme un `mode naturel d'acquisition'46 » et non comme un trait propre aux mercenaires.

Ensuite, ce troisième critère n'interdit pas qu'un pays riche fasse appel à des soldats de fortune issus de pays en voie de développement pour aller guerroyer dans une contrée lointaine. En effet, ces hommes ne seront jamais qualifiés de mercenaires car leur rémunération personnelle sera toujours largement inférieure à celle des militaires réguliers de l'Etat qui les a engagés.

44 Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949,

disponible sur le site Internet du CICR à l'adresse suivante :
http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/380?OpenDocument

45 Selon le CICR, il est nécessaire qu'il y ait « un lien de cause à effet entre l'activité exercée et les coups qui sont portés à l'ennemi, au moment où cette activité s'exerce et là où elle s'exerce », SANDOZ Yves, SWINARSKI Christophe, ZIMMERMANN Bruno, Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1948, CICR, Genève, 1986, p. 522.

46 COUVENHES Jean-Christophe, Armées privées, armées d'Etat : Mercenaires et auxiliaires d'hier et d'aujourd'hui, « Mercenaires et soldats-citoyens dans le monde grec à l'époque hellénistique », IRSEM, Paris, 2008, p. 18.

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Remarque 4 : la nécessité de ne pas être « ressortissant d'une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une Partie au conflit », ni « membre des forces armées d'une Partie au conflit » évite certes de considérer les légionnaires comme des mercenaires mais peut être contournée facilement. De façon anachronique, il faut se souvenir que l'Américain Frederick Townsend Ward prit la nationalité chinoise et se maria avec l'une des filles de l'Empire Céleste. De même, l'Allemand Rolf Steiner obtint la nationalité biafraise en 1968. Par ailleurs, de 1960 à 1963, Bob Denard fut membre de l'Armée katangaise (alors appelée « Gendarmerie katangaise ») de Moïse Tshombe et, de 1965 à 1967, il fit partie de l'Armée nationale congolaise du général Mobutu. Dans ces trois cas, l'article 47 du Premier protocole additionnel aux Conventions de Genève n'aurait pas trouvé à s'appliquer.

Remarque 5 : de nombreux pays, les Etats-Unis en tête, ont refusé d'adopter ce texte.

En conclusion, Il est possible de constater que si cette première définition issue du droit international public permet d'affiner la définition du mercenaire, elle n'en demeure pas moins insatisfaisante et cela pour deux raisons. D'une part, pour être reconnu comme mercenaire, il faut répondre à l'ensemble des six critères, ce qui reste exceptionnel. D'autre part, ces critères pris individuellement restent largement discutables.

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