3 / Le mercenariat à l'époque
contemporaine
« Les petits hommes qui gouvernent, Ils font la pluie et le
beau temps. Ils ont de l'or et des casernes, Mais leur pouvoir n'aura qu'un
temps. N'écoutez pas les tortionnaires Trahir n'est pas dans leur mandat
Vous n'êtes pas des mercenaires, Mais des Français, peuple et
soldats. Gloire au grand jour de la Commune, Peuple et soldats main dans la
main. La République il n'en est qu'une, Celle du peuple souverain.
», Chant de la Commune
Le mercenariat au XIXe siècle se caractérise
surtout par un exil des soldats européens partout dans le monde.
Plusieurs raisons expliquent cette « diaspora ». Tout d'abord, il y a
ceux qui partent servir à l'étranger car ils ne peuvent plus
servir sur le territoire national. Ce fut le cas notamment des Emigrés
qui fuirent la Révolution française27 ou encore des
anciens soldats de la Grande Armée après 1815. Dans d'autres cas,
l'exil pouvait être provoqué par la pauvreté voire la
misère. Par exemple, entre 1815 et 1845, un million d'Irlandais franchit
l'Atlantique. Entre 1845 et 1854, la Grande Famine provoque 2,3 millions de
départs supplémentaires (80% de ces nouveaux émigrants
s'installèrent en Amérique, dont 63% aux Etats-Unis). Ainsi,
durant la guerre de Sécession (1861-1865), on retrouva des Irlandais
dans les deux camps, mais surtout chez les Nordistes. Enfin, il pouvait tout
simplement s'agir d'un exil provoqué par l'appât du gain.
Par ailleurs, et comme nous l'avons mentionné plus
haut, le XIXe siècle fut surtout le temps des révolutions
nationales sur les continents européen et américain. Dans ce
contexte, de nombreux soldats furent appelés pour former et encadrer les
armées en cours de création, voire pour soutenir les mouvements
révolutionnaires eux-mêmes. Par souci de concision, nous nous
intéresserons ici au plus emblématique des mercenaires de
l'époque, celui qui fut appelé le « héros des Deux
Mondes », à savoir Giuseppe Garibaldi (1807-1882).
27 Entre 1789 et 1800, la France voit environ 140 000
personnes quitter le territoire en raison des troubles
révolutionnaires.
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A) Garibaldi, mercenaire au service de la
liberté
« Je n'offre ni argent, ni maison, ni nourriture ; j'offre
seulement la faim, la soif, les marches forcées, les batailles et la
mort. Que celui qui aime son pays de tout son coeur, et non pas seulement du
bout des lèvres, me
suive. », Giuseppe Garibaldi
Si le cas de Garibaldi est particulièrement
intéressant, c'est avant tout parce qu'il incarne parfaitement la notion
de soldat de fortune. En effet, toute sa vie durant, ce natif de Nice, encore
italienne à l'époque28, fut un combattant inlassable
au service de la liberté et de l'indépendance des peuples.
En mars 1833, Garibaldi rencontra Giuseppe Mazzini, dirigeant
de la Giovine Italia (la Jeune Italie), mouvement républicain
et unitaire. Au début de l'année suivante, les deux hommes
projetèrent de s'emparer de l'arsenal de Gênes. La conspiration
échoua. Condamné à mort, Garibaldi dut fuir et gagna
l'Amérique du Sud, où il mènera une vie d'aventures et de
combats. De 1837 à 1841, il fut au Brésil aux côtés
de l'armée de la jeune république du Rio Grande do Sul, en lutte
pour son indépendance contre l'autorité centrale de l'empereur
brésilien. Il y commanda la « flotte », alors composée
de seulement deux bâtiments ! En 1842, il rejoignit l'Uruguay,
république fondée en 1830 au prix d'une longue guerre
d'indépendance contre l'Argentine. Toutefois, le dictateur argentin
Rosas n'avait pas renoncé à ses prétentions sur ce
territoire. Garibaldi combattit donc sur terre et sur mer les forces
conjuguées de l'Argentine et de l'Angleterre (1841-1846). C'est
d'ailleurs durant la défense de Montevideo en 1843 et en l'absence de
vrais uniformes pour vêtir sa légion de volontaires italiens, que
Garibaldi fit distribuer à ses hommes des tuniques de drap rouge
destinées aux saladeros (ouvriers des abattoirs et saloirs
argentins), faisant ainsi de la chemise rouge le symbole des combattants de la
liberté (les camicie rosse). Toutefois, c'est surtout en 1846,
après la bataille de San Antonio del Salto qui opposa 168 volontaires du
condottiere républicain à une armée argentine forte d'un
millier d'hommes, que Garibaldi bâtit sa propre légende.
Rentré en juin 1848 à Nice à l'annonce
des premiers frémissements révolutionnaires, Garibaldi mit son
épée au service du royaume de Sardaigne (qui deviendra par la
suite le
28 Ce n'est qu'en 1860, avec le traité de
Turin, que Nice fut rattachée au territoire français.
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royaume d'Italie), non pas parce qu'il avait cessé
d'être républicain, mais parce que la priorité était
de chasser l'envahisseur autrichien. Garibaldi se lança donc dans ce
qu'on appellera plus tard la première guerre d'indépendance
italienne (1848-1849). Celle-ci ne tourna cependant pas à l'avantage du
roi de Sardaigne Charles-Albert (père de Victor-Emmanuel II) qui signa
un armistice avec l'Autriche le 9 août 1848. Garibaldi refusa cependant
de cesser les combats. Il décida de se rendre à Rome avec sa
légion pour défendre la jeune République romaine.
Malheureusement, il ne put l'emporter face aux assauts conjugués des
Autrichiens, des soldats des Bourbons de Naples et du corps
expéditionnaire français du général Oudinot. Il
prit le chemin de l'exil et ce n'est qu'en 1854 qu'il fut autorisé
à rentrer à Nice. A partir de là, il reprit la lutte
durant la deuxième guerre d'indépendance italienne (1859) qui
aboutit à la réunion de la Lombardie au royaume de Sardaigne et
posa les bases de la constitution du royaume d'Italie.
Au final, si la vie de Garibaldi peut être difficilement
résumée en quelques mots, il est toutefois possible de voir dans
son parcours l'illustration d'un combattant engagé, d'un soldat qui mit
ses armes au service d'intérêts supérieurs et non
d'intérêts particuliers. En cela, Garibaldi est le héraut
des mouvements de volontaires internationaux qui verront le jour au XXe
siècle.
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