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Le pouvoir de standard and poor's, illustration de la raison néolibérale

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par Elise Fraysse
Université Lyon 2 Lumière - Master 1 2012
  

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A) L'élaboration d'un Code de bonne conduite par les acteurs eux-mêmes : le rêve d'une autorégulation

Standard and Poor's, ainsi que les autres agences de notation, n'a pendant longtemps fait l'objet d'aucune réglementation - même non-contraignante. Standard and Poor's fonctionnait donc selon ses propres principes, et ceux-ci n'étaient pas même connus des investisseurs ou du public. Ce n'est qu'en 2003, à la suite de la faillite de la société Enron, que l'Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV et IOSCO en anglais) va prendre conscience de cette lacune réglementaire. Si c'est Standard and Poor's, entre autres, qui est chargée de réguler le marché obligataire, il faut également que le marché de la notation financière soit réglementé, ou régulé, d'autant plus que les agences de notation ont acquis un pouvoir non-négligeable. L'OICV va ainsi établir et proposer aux agences différents principes, regroupés autour de quatre grands thèmes que sont la qualité et l'intégrité du processus de notation, l'indépendance et la prévention des conflits d'intérêts, la transparence et l'opportunité de la diffusion des avis, et enfin la confidentialité des informations195. Cette volonté de réglementer un tant soit peu le marché de la notation financière apparait donc comme le signe que l'autorégulation n'est pas la solution. Il faut toutefois se méfier des apparences, et ce pour deux raisons principales.

D'une part, l'OICV, qui a rédigé ces règles, regroupe les régulateurs des principales bourses dans le monde196, c'est-à-dire les homologues de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) française. Elle regroupe donc des autorités de régulation indépendantes qui, même si elles sont sous la surveillance des Etats, demeurent indépendantes de leur politique. En posant de tels principes pour les agences de notation, l'OICV n'exprime donc pas directement la volonté de l'Etat ; il ne s'agit pas d'une régulation publique à proprement dit.

D'autre part, et c'est là le point le plus important, ces principes ont été proposés et non pas imposés aux agences de notation197. En effet, ces principes ne sont pas censés exposer une

195 Comité technique de l'OICV, IOSCO statement of principles regarding the activities of credit rating agencies, 25 septembre 2003, p. 2 s.

196 OICV, About IOSCO ; en ligne : < http://www.iosco.org/about/>

197 Comité technique de l'OICV, IOSCO statement of principles regarding the activities of credit rating agencies, op. cit., p. 1

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approche « one-size-fits-all »198. Ainsi, l'OICV incite à ce que les moyens pour relayer ces principes soient les plus pertinents possibles, en fonction des circonstances (voie législative, intervention de régulateurs, Code de conduite ...). Les Etats n'ont pourtant initié aucune réforme, estimant sans doute que cette tâche ne leur revenait pas. Standard and Poor's a donc relayé les grands principes dessinés par l'OICV dans un Code de bonne conduite, qu'elle édicte en 2004, ce qui lui permet indubitablement de lui conférer une plus grande légitimité. Il définit plusieurs règles concernant le recrutement des analystes, leur comportement, leur indépendance et leur impartialité, mais également le processus de notation. Le champ d'application du Code de conduite est particulièrement restreint puisque la contrainte relayée par le Code de conduite ne porte pas tant sur la règle en elle-même que sur les conditions d'application de la règle199. C'est seulement la façon de procéder à la notation des entités qui est surveillée, mais pas le fond même de la notation.

Dès lors, il ne semble pas que, sur ce point, le marché de la notation financière soit sorti de l'autorégulation puisque la contrainte ne vient pas du haut ; elle vient des personnes elles-mêmes. Cela est le signe d'une « individualisation de la régulation »200, particulièrement révélatrice du néolibéralisme dans la mesure où la force politique, qui venait du haut, n'intervient plus. L'homo oeconomicus est le mieux à même de savoir ce qui est bon pour lui et pour le marché ; l'Etat ne peut s'y immiscer que pour normaliser (ou inciter à normaliser) la mise en oeuvre des règles existantes201. Les règles édictées dans le Code de bonne conduite sont le fruit d'un consensus si bien que personne ne peut réellement s'y opposer. La mise en oeuvre d'un tel consensualisme, outre le fait qu'il permet d'éviter un potentiel conflit, remplace la délibération, la prise de choix, qui est propre à la politique. L'édiction d'un tel Code de conduite est l'expression d'une défiance vis-à-vis de la politique, incapable d'édicter des règles qui ne nuisent pas à l'efficacité économique. En faisant de l'évalué « le producteur des normes qui serviront à le juger »202, le Code de bonne conduite se veut efficient, et non plus seulement efficace.

Le Code de conduite de Standard and Poor's est une illustration du fait que le droit, sous la pression néolibérale, est dorénavant endogène et endogamique. L'Etat n'est plus apte à percevoir, grâce à son recul, l'intérêt général et à le retranscrire dans des lois, qui s'imposent à tous. Le schéma est tout à fait renversé : l'intérêt général devient la somme des intérêts particuliers ; il est immanent.

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