L'engagement unilateral( Télécharger le fichier original )par Ramsès VOUGAT Université de Ngaoundéré (Cameroun) - Master II 2010 |
1- Les cas admis d'engagement par volonté unilatérale de l'employeur68.Pour la bonne marche de l'entreprise, l'ordre juridique habilite l'employeur à prendre de multiples actes « innommés » qui auront signification de décision ou créeront des règles (règlement intérieur, notes de services, circulaires, etc.). Sices normes privées sont opposables et s'imposent en tant que telles aux salariés comme à l'employeur, ce dernier est cependant maître de leur validité car il détient la prérogative de les « abroger » conformément aux dispositions du droit qui le fondent à les édicter. Mais il en va autrement aujourd'hui si l'on peut déceler dans ces actes normateurs un véritable engagement par déclaration unilatérale. La jurisprudence en a récemment découvert une variété importante. 69.Une telle qualification d'engagement unilatéral a d'abord concerné des accords conclus entre un employeur et des partenaires autres que des syndicats représentatifs116(*) et ne pouvant donc pas constituer des accords collectifs. La Cour avait pu recourir à l'idée d'usage, mêmes si parfois affleurait l'idée « d'engagement de l'employeur envers ses salariés »117(*). Aujourd'hui, le mot y est sans aucun doute plus clair, il convient de voir dans cet acte un « engagement unilatéral de l'employeur » qui suffit à obliger celui-ci et fonde les salariés à obtenir le bénéfice de cet engagement118(*).Sans doute est- il préférable de dire que l'accord recèle un engagement unilatéral portant sur l'avantage consenti par l'employeur119(*) ou que l'accord « a (n'a que) valeur d'engagement unilatéral »120(*). Une décision prise donc par le chef d'entreprise, représentant de l'employeur, devant le comité, les délégués du personnel ou les délégués syndicaux s'analyse en un engagement unilatéral de l'employeur121(*). 70.La qualification d'engagement unilatéral a été également reconnue à une déclaration de la Direction de limiter le nombre de licenciement à intervenir jusqu'à une certaine date, interprétée par la chambre sociale de la Cour de cassation en « un engagement unilatéral de l'employeur de ne pas procéder à d'avantage de licenciement pendant la même période »122(*). Le plan de sauvegarde de l'emploi recèle d'ordinaire un certain nombre d`engagements unilatéraux, créateurs de droits pour les salariés qui peuvent donc en réclamer l'exécution de la sanction devant le Conseil de prud'homme123(*). De même, de tels engagements ont été découverts dans les dispositions des règlements intérieurs qui ne peuvent plus, depuis 1982 en France, contenir des clauses relatives à des avantages124(*), dans des règles internes de la personne morale employeur125(*). En somme, l'engagement unilatéral de l'employeur peut porter sur un mode de calcul ou un élément du salaire, la prise en charge de certains frais, l'octroi de congés supplémentaires, l'organisation d'un élément de protection sociale non imposé par la loi ou la convention collective, un traitement de licenciement plus favorable que celui imposé par la loi , l'absence de licenciement pendant une période déterminé. Bref, un engagement unilatéral ne sera valable que s'il apporte une garantie ou un avantage aux salariés, il ne peut créer d'obligations à leur charge et ne peut déroger à la loi ou à la convention collective qu'en leur faveur126(*) : c'est l'application du principe de faveur sous réserve des dispositions impératives auxquelles nul ne peut déroger127(*). L'employeur peut donc accorder des avantages s'ajoutant à ceux résultant d'une convention ou d'un accord collectif sans qu'un salarié ne puisse renoncer, sauf disposition contractuelle plus favorable.128(*) 71.Si les engagements unilatéraux de l'employeur se situent en droite ligne des avantages consentis dans le cadre du principe de faveur nous avons la faiblesse de penser qu'ils peuvent aisément être transposés en droit du travail camerounais qui n'est pas indifférent à ce principe. Mais la conception patrimoniale de l'entreprise adoptée au Cameroun et le paternalisme exacerbé dont fait preuve le législateur camerounais ne vont- ils pas aller à l'encontre de la conception de l'engagement unilatéral de l'employeur ?129(*) En tous cas, de tels avantages consentis à l'endroit des salariés sont favorables à une plus grande productivité des entreprises d'autant plus qu'ils révèlent un caractère in futurum. * 116 Notamment le délégué du personnel, le comité d`entreprise, le comité de grèves, les salariés directement consultés. * 117Soc.14 juin 1984, Dr. Soc. 1985.188, 2e esp., note J. Savatier ; 7 janvier 1988, Dr. Soc. 1988.464, note Ch. Freyria. * 118Soc. 23 Oct. 1991, Bull. Civ. V, n°433. * 119 Soc. 18 mars 1997, Dr. Soc. 1997.544, obs. G. Couturier et J. Savatier; D. 1998, Somm. 256, obs. Lyon-Caen. * 120Soc.19 nov.1997, Dr. Soc. 1998.89, 1ère esp., obs. G. Couturier; v° aussi: 4 fevr.2003, Dr. Soc. 2003.532, obs. C. Radé. * 121V° par exemple : Soc.16 Déc.1992, Dr. Soc. 1993.156, note J. Savatier ; 19 nov.1997, Dr. Soc. 1998.89, 2e esp., obs. G. Couturier ; rappr. Crim. 28 mars 1995, Bull. Crim., n°130. * 122 Soc. 25 Nov. 2003, Bull. Civ. V, n° 294. * 123 Soc. 7 févr. 2007 préc.; Soc.23 févr.1994, Dr. Soc. 1994.516 * 124Soc.22 janv.1992,D.1992.378, note B. Mathieu;10 janv.1995,Bull. civ.V,n°18 ; D.1995,Somm.357,obs.E.Dockès : cas d'un engagement qu'un nouveau règlement n'avait pu remplacer faute de mesures de publicité régulière; 7 juill.1998, Dr.Soc.1998.955, obs. J. Savatier; D.1999,Somm.176,obs.M.-C. Amauger-Lattes. * 125Soc. 27 Mars 2001, Bull. civ. V, n°106 : clause du règlement de copropriété disposant que le concierge serait logé gratuitement par les copropriétaires; 23 janv.2002, n°00-41.478. * 126 Soc. 23 Oct. 1991, préc.; Soc. 26 Oct.1999, Dr. Soc. 2000.381, note C. Radé; 17 mai 2006, n°04-965. * 127Soc.5 mars 2008,n°07-60.305P,D.2008,AJ.926: c'est le cas par exemple de l'augmentation du nombre de délégués syndicaux * 128Soc.5 juin 2001, Bull civ. V, n°208 ; D.2001, Somm. 3014, obs. M.-C. Amauger-Lattes; 4 févr.2003, préc.; 18 Oct.2006, Dr.Soc.2007.108, obs. A. Mazeaud. * 129P.-G. POUGOUE et J.-M. TCHAKOUA, « Le difficile enracinement de la négociation en droit du travail camerounais », Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale,Université Montesquieu-Bordeaux IV,1999, p.217. |
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