Section 2 : L'intervention du juge des libertés et
de la détention
Le contrôle systématique des mesures
d'hospitalisation complète par le juge des libertés et de la
détention constitue sans aucun doute un des apports majeurs de la loi du
5 juillet 2011 (§1). Ce contrôle vient s'ajouter
à la possibilité de saisir le juge des libertés et de la
détention à tout moment de la procédure et ce, pour
l'ensemble des mesures de soins sans consentement
(§2).
§1 - Le contrôle systématique des
hospitalisations complètes
L'institution d'un contrôle systématique des
mesures de soins sans consentement en hospitalisation complète par le
juge des libertés et de la détention découle directement
de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre
201053. En effet, les sages considèrent à cette
occasion que le maintien d'une personne en hospitalisation complète sans
son consentement pour une période de plus de quinze jours, sans aucun
contrôle judiciaire, méconnait les exigences de l'article 66 de la
Constitution. Est instaurée une procédure
52 Rapport d'information déposé par
la Commission des affaires sociales sur la mise en oeuvre de la loi
n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prose en charge, 22 février 2012.
53 Cons. const., décision n°2010-71, QPC,
26 novembre 2010
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stricte de saisine (A) puis de contrôle
de la mesure de soins par le juge des libertés et de la détention
(B).
A. Les modalités de la saisine de plein
droit
Conformément aux exigences du Conseil constitutionnel,
la loi du 5 juillet 2011 prévoit que dorénavant,
l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre au
delà de quinze jours sans que le juge des libertés et de la
détention ne statue sur la mesure privative de liberté. Ce
contrôle s'applique à toutes les mesures d'hospitalisation
complète, peu important que la décision d'admission ait
été prise par le préfet (SDRE) ou par le directeur
d'établissement (SDT). Conformément au nouvel article L.3211-12-1
du Code de la santé publique, ce contrôle intervient avant
l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la
décision d'admission ou de la décision renouvelant
l'hospitalisation complète, puis à l'issu de chaque
période de six mois à compter de la dernière
décision judiciaire confirmant la mesure de soins.
Le décret du 18 juillet 201154 explicite
plus en détail la procédure qu'il convient d'appliquer devant le
juge des libertés et de la détention. Selon la nature de la
mesure d'admission, le préfet ou le directeur d'établissement
doivent saisir le juge par une requête « transmise par tout
moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal de grande
instance »55. La saisine doit de plus s'effectuer au moins
trois jours avant l'expiration du délai de quinze jours et au moins huit
jours avant l'expiration du délai de six mois56. Ces
délais stricts sont imposés afin d'assurer une saisine
suffisamment anticipée de telle sorte que le juge soit en mesure de
statuer dans les délais légaux. Le directeur de
l'établissement d'accueil transmet au juge toutes les pièces du
dossier médical du patient depuis son admission, y compris le certificat
de huitaine, afin de permettre au juge de se prononcer en ayant connaissance de
« l'historique médical » de l'intéressé.
54 Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011
relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de
contrôle des mesures de soins psychiatriques.
55 Article R.3211-8 du Code de la santé
publique.
56On peut bien sûr saisir le juge avant, mais
l'idée reste quand même que ce dernier puisse statuer au vu de
certificats et d'avis médicaux les plus récents possibles.
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La saisine doit être accompagnée d'un avis
conjoint57 rendu par deux psychiatres de l'établissement
désignés par le directeur, dont un seul participe à la
prise en charge du patient. Les psychiatres doivent par cet avis se prononcer
sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation
complète58. Attention, il ne s'agit pas de deux avis
individuels mais bien d'un seul avis cosigné par les psychiatres. Cette
modalité interpelle sur l'intérêt de cet avis conjoint qui
est de fournir au juge l'avis d'un psychiatre connaissant le patient et l'avis
d'un psychiatre qui ne l'a jamais vu, afin de garantir une certaine
objectivité dans l'appréciation de l'état du patient. Or,
suivant cette forme, on peut craindre que le psychiatre participant à la
prise en charge rédige cet avis seul, et le soumette simplement à
la signature du second, ce qui irait totalement à l'encontre de
l'intérêt premier de l'avis conjoint.59
Concernant les modalités de transmission au tribunal
des documents à verser au dossier, l'idéal reste la voie postale,
mais compte tenu des délais, il est possible d'utiliser la
télécopie ainsi que la voie électronique à
condition que ces documents numériques soient cryptés.
En outre, un projet de système d'information
dédié aux échanges entre les établissements de
santé et les tribunaux est en cours d'instruction.60Il s'agit
de mettre en place un échange sécurisé assurant la
confidentialité et l'imputabilité des documents versés au
dossier. Ce projet vise sans aucun doute à garantir davantage de
rapidité dans la transmission des pièces, afin d'optimiser les
délais très courts imposés par les textes.
Les services en charge des soins sans consentement de l'agence
régionale de santé interviennent ici en tant que services
instructeurs du préfet et constituent le dossier en vue de la saisine du
juge des libertés et de la détention. Les délais
étant particulièrement courts, les services compétents
insistent sur la nécessité de réactivité de la part
des directeurs d'établissement et des services préfectoraux qui
transmettent les pièces à l'agence. En effet, tout retard de
saisine entraine la levée immédiate de la mesure de soins sans
57 En pratique, les délais étant
très courts, l'avis conjoint est souvent rédigé au
même moment que le certificat de huitaine.
58 Article L.3211-12-1 II du Code de la santé
publique.
59 Réflexion tirée d'un mémoire
en défense dans le cadre d'un dossier de patient suivi et
préparé par les services de l'ARS NPDC.
60 Circulaire n°DGOS/R4/2011/312 du 29 juillet
2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant
l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en
charge.
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consentement, de même lorsque le juge ne statue pas dans
les délais prévus. Dans ce cas, le juge constate que la
mainlevée est acquise de plein droit. La loi prévoit tout de
même un garde fou : le juge pourra statuer si deux conditions de droit et
de fait sont réunies : s'il est fait état de circonstances
exceptionnelles expliquant la saisine tardive et à condition que le
débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.
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