B. Le programme de soins
La loi du 5 juillet 2011 a introduit la possibilité de
recourir à d'autres formes de prise en charge que la traditionnelle
hospitalisation complète. Il s'agit de la principale
44 Les territoires de santé sont
définis par chaque agence régionale de santé : «
Le territoire de santé constitue l'espace de référence
pour l'analyse des besoins de santé de la population et l'organisation
des moyens dédiés à la santé : activités de
santé publique, soins, équipements, établissements de
santé, prise en charge et accompagnement médico-social, soins de
premiers recours. » Définition proposée par le site de
l'agence régionale de santé Alsace.
45 Article L.3222-1 du Code de la santé
publique.
46 Article L.3221-4 du Code de la santé
publique.
47 Article L.3211-11-1 du Code de la santé
publique
32
innovation de la loi nouvelle concernant la prise en charge
des patients en soins sans consentement. L'idée était de mettre
en adéquation la loi avec l'évolution des modes de prise en
charge en psychiatrie. En effet, les pouvoirs publics se sont rendu compte que
d'autres formes de prise en charge avait en réalité vu le jour
sur le terrain, en l'absence de tout cadre juridique. Sous l'empire de la loi
du 27 juin 1990, les médecins utilisaient le dispositif des sorties
d'essai comme mode alternatif de prise en charge. La sortie d'essai constituait
un aménagement des conditions de traitement des patients en
hospitalisation complète dans le but de favoriser leur guérison,
leur réadaptation ou leur réinsertion sociale. Ne pouvant
excéder trois mois, la sortie d'essai était associée
à une surveillance médicale éventuellement au sein de
services ou d'équipements ne comportant pas d'hospitalisation à
temps complet.48Certains patients demeuraient ainsi plusieurs
années en sortie d'essai.
C'est la raison pour laquelle le législateur a
souhaité prévoir et encadrer les alternatives à
l'hospitalisation complète, afin de prendre en compte les
diversifications des modes de prise en charge depuis longtemps
entérinés sur le terrain.
Dès lors que le patient est pris en charge sous une
autre forme que l'hospitalisation complète, il bénéficie
alors d'un programme de soins élaboré par un psychiatre
participant à sa prise en charge. Le programme de soins est un document
administratif qui prévoit les types de soins, les lieux de leur
réalisation ainsi que leur périodicité.49
Toutefois, afin de préserver le secret médical, ce document ne
peut mentionner ni la pathologie dont souffre le patient, ni la nature ou le
détail du traitement, ni les formes que peut prendre le trouble mental,
ni la mention ou les résultats d'examens complémentaires. De
plus, étant un document médical, seul un psychiatre est en droit
de modifier son contenu.50 En effet, ce programme de soins peut
être modifié à tout moment, afin de tenir compte de
l'évolution de l'état de santé du patient.
48 Ancien article L.3211-11 du Code de la santé
publique
49 Article L.3211-2-1 du Code de la santé
publique.
50 PECHILLON (E), Publication de la loi sur le
soin sous contrainte - Un texte adopté en urgence avant
l'échéance fixée par le Conseil
constitutionnel, La Semaine Juridique Administrations et
Collectivités Territoriales n°29, 18 juillet 2011.
33
Le programme de soins indique donc quelle modalité de
prise en charge est la plus adaptée au patient. Voici les
différentes modalités que le psychiatre peut choisir d'appliquer
:
- une hospitalisation à temps partiel ;
- des soins ambulatoires ;
- des soins à domicile ;
- un traitement médicamenteux prescrit dans le cadre des
soins psychiatriques.
Notons que le psychiatre peut à tout moment revenir sur
sa décision, et proposer l'hospitalisation complète du patient si
celui-ci ne respecte pas le programme de soins et si cette inobservance est
susceptible d'entrainer une dégradation de son état de
santé, conformément à l'article R.3211-1 du Code de la
santé publique.
Le psychiatre doit par ailleurs transmettre ce programme de
soins ainsi que tout programme modificatif lorsque celui change de
manière substantielle la prise en charge du patient au directeur
d'établissement. Cette transmission est purement informative, car on
rappelle que le directeur d'établissement a compétence
liée pour toutes les décisions de modification de prise en charge
des patients comme pour toutes les décisions d'admission ou de
levée des mesures de soins sans consentement.
A noter que s'il s'agit d'une mesure de soins sur
décision du représentant de l'Etat, le psychiatre doit informer
le préfet car dans ce cas, la décision de modifier la forme de la
prise en charge relève de sa compétence. Il doit de même
être informé de toute modification du programme de soins lorsque
celle-ci a pour effet de modifier de manière substantielle la prise en
charge du patient, puisque dans ce cas, le préfet prendra un nouvel
arrêté. La circulaire du 11 août 201151
précise ce qu'il convient d'entendre par modification substantielle :
« une modification peut être considérée comme
substantielle dès lors qu'un des éléments constitutifs de
la décision (du préfet) évolue notablement par sa
fréquence, par sa nature ou par la durée de la prise en charge.
»
51Circulaire relative aux droits et à la
protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux
modalités de leur prise en charge, NOR : IOCD1122419C, 11 août
2011.
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On en déduit que le préfet peut donc s'opposer
à la modification du programme de soins lorsque la modification est
d'une importance telle qu'elle pourrait induire des conséquences
notamment au regard de l'ordre public (par exemple, dans le cas ou un patient
passerait d'une hospitalisation partielle à une consultation
médicale mensuelle). Cette liberté d'appréciation
laissée au préfet est de l'avis de certains observateurs,
potentiellement source de contentieux52 : en effet, comment un
patient pourrait-il réagir lorsque le préfet s'oppose à un
allègement de sa prise en charge, alors même que son psychiatre
considère que médicalement, il n'y a plus lieu de poursuivre la
prise en charge initiale ?
Si le préfet refuse malgré tout la modification
du programme de soins, cela a pour effet de maintenir le protocole initialement
élaboré.
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