2. Les soins psychiatriques sur décision du
représentant de l'Etat
L'admission en soins psychiatriques sur décision du
représentant de l'Etat qui succède au régime de
l'hospitalisation d'office ne révèle pas de profond changement
par rapport au dispositif antérieur. L'article L.3213-1 du Code de la
santé publique prévoit que le représentant de l'Etat,
c'est-à-dire le préfet, prononce par arrêté
l'admission « des personnes dont les troubles mentaux
nécessitent des soins et compromettent la sûreté des
personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre
public. » Le préfet devra établir un
31 Dans les trois derniers jours de la
période.
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arrêté motivé en précisant les
raisons précises l'ayant poussé à prendre la
décision d'admission en soins sous contrainte.
Il se prononce au vu d'un certificat médical
circonstancié qui ne peut être établi par un psychiatre
exerçant dans l'établissement d'accueil, afin de prévenir
l'éventualité d'un conflit d'intérêt. Sur ce point,
les commentateurs soulignent l'inconvenance d'une telle rédaction car
celle-ci prête à une interprétation a contrario :
en effet, on pourrait en déduire que ce certificat peut être
établi par un médecin non psychiatre exerçant dans
l'établissement32. Or, cette interprétation irait
certainement contre l'esprit du texte qui vise bien à empêcher que
le certificat soit rédigé par un personnel soignant, qu'il soit
médecin ou psychiatre, exerçant dans l'établissement au
sein duquel est accueilli le patient.
Certains auteurs dénoncent par ailleurs un
déséquilibre entre le pouvoir médical et le pouvoir
administratif dans la prise de décision d'admission en soins sans
consentement.33Le préfet ne se base en effet que sur un seul
certificat médical, ce qui laisserait subsister une certaine
prédominance du pouvoir administratif dans le processus de
décision.
Le législateur a également prévu un
dispositif d'urgence, en cas de danger imminent pour la sûreté des
personnes : le maire (à Paris, les commissaires de police) peut
arrêter toutes les mesures provisoires nécessaires «
à l'égard des personnes dont le comportement
révèle des troubles mentaux manifestes ».34
A cet égard, le texte prévoyait qu'à défaut
d'être attesté par un avis médical, le danger imminent
pouvait être attesté par la « notoriété
publique ». Cette disposition a fait l'objet d'une question prioritaire de
constitutionnalité. La requérante contestait la
constitutionnalité notamment de l'article L.3213-2 du Code de la
santé publique en ce qu'il ne respectait pas les exigences de l'article
66 de la Constitution et considérait que les conditions permettant au
maire de prendre des mesures provisoires étaient trop peu
encadrées. Mais ce n'est pas la première fois que cette notion de
notoriété publique fait débat. En effet, le
sénateur Robert VIZET contestait déjà cette
possibilité de recourir à la notoriété publique
pour justifier de
32 COUTURIER (M), La réforme des soins
psychiatriques sans consentement : de la psychiatrie disciplinaire à la
psychiatrie de contrôle, Revue de droit sanitaire et social 2012 p.
97
33 CASTAING (C), Pouvoir administratif versus
pouvoir médical, AJDA, 2011. 2055
34 Article L.3213-2 du Code la santé
publique.
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l'admission en soins sans consentement lors des débats
parlementaires précédent le vote de la loi du 27 juin 1990. Selon
le sénateur VIZET, l'ancien article L.343 du Code de la santé
publique (aujourd'hui L.3213-2) donnait « le pouvoir au maire ou au
commissaire de police de prendre des mesures totalement discrétionnaires
à l'encontre de n'importe quel citoyen.(...) Cette notion,
éminemment vague, ne pourrait qu'entrainer des abus . »35
Saisi de cette question le 16 juillet 2011 par la Cour de
cassation, le Conseil constitutionnel considère dans sa décision
du 6 octobre 201136 qu'« en permettant qu'une telle mesure
puisse être prononcée sur le fondement de la seule
notoriété publique, les dispositions de cet article n'assurent
pas qu'une telle mesure est réservée aux cas dans lesquels elle
est adaptée, nécessaire et proportionnée à
l'état du malade ainsi qu'à la sureté des personnes ou la
préservation de l'ordre public.» Le Conseil constitutionnel
censure ainsi la notion de notoriété publique et les mots «
ou à défaut par la notoriété publique
» sont déclarés contraires à la Constitution.
Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend
effet dès la publication de la décision et la
référence à la notoriété publique est alors
supprimée de l'article L.3213-2.
Le maire doit signaler la mesure provisoire au
représentant de l'Etat dans le département dans les vingt quatre
heures, à charge pour ce dernier de prononcer s'il l'estime
nécessaire, un arrêté d'admission en soins psychiatriques.
A défaut d'une telle décision, ces mesures provisoires sont
caduques au terme d'un délai de quarante-huit heures.
Si le patient est admis en soins psychiatriques par
arrêté préfectoral, s'ensuit la même procédure
que celle précédemment exposée pour l'admission et le
maintien en soins psychiatriques à la demande d'un tiers : la
période initiale de vingt quatre heures d'observation et de soins
à l'issue de laquelle le psychiatre doit établir un certificat,
puis le certificat des soixante-douze heures et enfin le certificat devant
être établi entre le cinquième et le huitième jours
suivant l'admission confirmant ou non la nécessité des soins et
l'adaptation de la prise en charge37.
35 Commentaire aux Cahiers du Conseil, op. cit.,
p.3
36 Conseil const., décision n°2011-174,
QPC, 6 octobre 2011, AJDA 2011, p.1927.
37 Voir supra : 1. A. du
présent paragraphe.
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Si un des certificats propose la levée de la mesure, le
préfet dispose de deux options : soit il suit l'avis du psychiatre et
lève la mesure de soins (il établi alors un nouvel
arrêté), soit il refuse de suivre l'avis du médecin. Dans
ce cas, il doit en informer sans délai le directeur de
l'établissement qui demande alors l'examen du patient par un second
psychiatre. Si ce dernier conclut à la possibilité de lever
l'hospitalisation du patient, le préfet est alors dans l'obligation de
lever la mesure. A contrario, si ce second avis ne confirme par le
premier, le préfet peut décider de maintenir la mesure de
soins.
Enfin, notons que dans le cadre de ses pouvoirs en
matière de sécurité publique, le préfet peut
décider de modifier le cadre juridique de soins psychiatriques sans
consentement d'un patient faisant l'objet d'une telle mesure suite à la
demande d'un tiers. En effet l'article L.3213-6 du Code de la santé
publique, tel que modifié par la loi du 5 juillet 2011, permet au
préfet de transformer une procédure de soins psychiatriques
à la demande d'un tiers en une procédure de soins psychiatriques
sur décision du représentant de l'Etat, sur la base d'un
certificat ou d'un avis médical d'un psychiatre de
l'établissement. Deux critères cumulatifs exigent toutefois
d'être réunis : l'état mental du patient doit
nécessiter des soins et, soit compromettre la sûreté des
personnes, soit porter atteinte de façon grave à l'ordre public.
Toute la procédure de maintien dans le dispositif de soins
rythmée par les différents certificats médicaux recommence
alors à nouveau.
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