B. Les difficultés relatives à
l'appréciation par le juge des certificats médicaux
Le juge n'étant par définition pas
médecin, les seuls éléments lui permettant de se faire une
opinion sur le bien fondé de la mesure de soins sont les certificats
médicaux figurant au dossier du patient. Or, le problème majeur
des JLD est la motivation très insuffisante, voire inexistante, d'une
grande partie des certificats médicaux148. Il est dans ce cas
très difficile pour le juge d'évaluer la pertinence de la mesure
de soins pour un patient déterminé et de procéder à
un contrôle approfondi de la situation du patient. A motivation
insuffisante, contrôle superficiel. Face à des certificats
médicaux ne mentionnant pas avec précision les troubles de la
personne, et en quoi ces troubles peuvent être dangereux pour elle ou
pour les tiers, les juges auront davantage tendance à prononcer la
mainlevée de soins, faute d'avoir assez d'éléments leur
permettant de se faire une idée. De plus, certains magistrats peuvent se
laisser influencer par l'attitude du patient lorsque celui-ci se
présente à l'audience. Grâce au comportement, à la
gestuelle, à la cohérence dans les idées et du discours,
certains juges affirment pouvoir se faire rapidement une opinion sur un malade,
en le voyant quelques minutes... inutile de préciser que ce genre de
pratique va à l'encontre de tout bon sens, comme des règles
déontologiques et professionnelles des magistrats. Un magistrat n'est
pas médecin et ne peut se permettre de faire le diagnostic du patient
à sa place, même face à un certificat médical
incomplet.
Souvent, les certificats se bornent en effet à
mentionner que le patient est dangereux, mais sans expliquer en quoi et
pourquoi se patient est dangereux. Les psychiatres doivent prendre le temps
d'établir un véritable raisonnement, et surtout de dresser des
éléments factuels concernant par exemple le comportement du
patient, ses actes ou encore son investissement dans les soins. Il faut
expliquer en quoi le trouble psychologique du patient est susceptible de
caractériser un danger pour lui ou pour l'ordre public. Autre mise en
garde : les médecins doivent être vigilants dans la
rédaction de leurs certificats médicaux à utiliser des
termes aisément compréhensibles pour les non initiés. Un
certificat médical rédigé en termes exclusivement
scientifiques ne sera d'aucun secours pour le juge. Il y a là un effort
de vulgarisation à mener, afin de délivrer des certificats
exploitables par les magistrats.
148 D'après le témoignage d'un JLD recueilli au TGI
de Lille.
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La raison régulièrement avancée par les
médecins pour justifier ces certificats « bâclés
» est un cruel manque de temps, dû en partie au fait que la
réforme des soins psychiatriques sans consentement a
considérablement augmenté la charge de travail des soignants d'un
point de vu administratif. En effet, la question du nombre de certificats
médicaux reste pour la plupart des médecins un problème
majeur, source d'une surcharge de travail trop importante. Ce qui est
étonnant, c'est que le projet de loi initial prévoyait au
contraire un allègement du nombre de certificats médicaux, dans
l'idée de simplifier les procédures. Mais c'était sans
compter l'intervention du Conseil constitutionnel qui dans sa décision
du 26 novembre 2010149, a considéré ces certificats
médicaux comme autant de garanties à l'égard des patients.
Leur nombre a donc finalement été augmenté.
Il semble toutefois qu'on ne passera pas outre une
réflexion quant à la possibilité de supprimer un ou
plusieurs de ces certificats. Les rédacteurs du rapport d'information
sur la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2011150 S.BLISKO et
G.LEFRAND propose en ce sens la constitution d'un groupe de travail sur les
certificats médicaux, en vue de proposer une réduction de leur
nombre. Ils précisent cependant qu'il sera nécessaire de faire en
sorte qu'une telle suppression ne mette pas en péril les droits des
patients que la loi du 5 juillet 2011, encouragée par les
décisions du Conseil constitutionnel, a entendu renforcer.
Les nouvelles missions du juge judiciaire se heurtent d'ores
et déjà à de multiples difficultés que le
législateur n'avait pas anticipées. Hors les problèmes
organisationnels liés aux audiences du JLD, celui-ci rencontre aussi des
conditions de travail difficiles, qui ne seront pas pour contribuer à la
bonne application de la loi du 5 juillet 2011. De l'avis de chacun, les
pouvoirs publics doivent maintenant prendre leurs responsabilités afin
de soutenir financièrement une réforme qui ne saurait produire
toutes ses améliorations sans l'octroi d'un minimum de moyens.
149Cons. const., décision n° 2010-71, QPC,
26 novembre 2010.
150 BLISKO (S) et LEFRAND (G), Rapport d'information de la
Commission des affaires sociales sur la mise en oeuvre de la loi
n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prise en charge, 22 février 2012.
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