§2 - Les conditions d'intervention du juge
judiciaire
L'entrée en vigueur de l'unification du contentieux des
soins sans consentement a été repoussée au 1er
janvier 2013 afin de permettre aux juges et aux services administratifs
compétents de se préparer à ce bouleversement. Pour
autant, ce délai visant à mettre en place une meilleure
organisation et à permettre aux juges de se former suffira-t-il à
pallier le manque de moyens si souvent dénoncé ?
(A) De plus, le juge judiciaire doit aujourd'hui affronter de
nombreux obstacles à l'accomplissement de son contrôle, qui ne
sont pourtant pas de nature financière (B).
A. L'insuffisance des moyens mis en oeuvre pour le
juge
La loi du 5 juillet 2011 a confié au juge judiciaire,
et en particulier au JLD, une mission de contrôle lourde tant en
matière de responsabilité que de charge de travail. 80 000
hospitalisations contraintes étant réalisées chaque
année dans notre pays, on entrevoit à quel point les JLD vont
être à l'avenir, débordés.
144 TGI de Paris, jugement du 8 février 2012,
n°11/01631.
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Certains syndicats de magistrats ont pu ainsi souligner que
« les efforts initialement et temporairement consentis pour faire en
sorte que la loi soit appliquée, ne pourraient perdurer durablement sans
moyens nouveaux. »145Par moyens nouveaux, on entend les
moyens financiers accordés afin de renforcer les effectifs de la justice
(magistrats et greffiers). Le ministère de la justice a toutefois mis en
place des concours exceptionnels en vue de recruter davantage de magistrats et
de greffiers. 90 nouveaux magistrats devraient ainsi entrer en fonction en
septembre 2013, puis 350 de l'Ecole nationale de la magistrature deux ans plus
tard. Cela signifie qu'il faudra encore attendre au moins un an avant de voir
arriver des « renforts » au sein des tribunaux. Or, la crispation des
magistrats est déjà palpable tant la réforme des soins
sans consentement a contribué à désorganiser les TGI. En
effet, les délais de saisine étant extrêmement courts dans
ce contentieux, celui-ci s'est révélé être
prioritaire, au détriment d'autres contentieux civils qui restent donc
en attente. La situation de certains TGI est donc très tendue
aujourd'hui.
Des moyens supplémentaires sont aussi attendus depuis
le 1er août 2011 (date d'entrée en vigueur de la loi)
afin d'aménager des salles d'attente et d'audience spéciales pour
les patients devant être entendus par le JLD. Ne voyant venir aucune aide
de la part de l'Etat, les tribunaux se sont pour la plupart organisé
avec les moyens dont ils disposaient déjà, mais comme nous
l'avons vu précédemment146, les conditions de
sécurité à l'égard des patients sont encore loin
d'être acceptables.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme,
bien qu'approuvant l'instauration du contrôle systématique des
hospitalisations complètes par le juge judiciaire, s'inquiète
elle aussi de la mise en oeuvre de la réforme. La CNCDH relève
sans surprise qu'un « manque de moyens » est «
dénoncé de tous côtés »147.
Se pose dès lors la question de la « pérennité
des dispositifs mis en place » si aucuns moyens
supplémentaires ne sont accordés rapidement par les pouvoirs
publics à l'application efficace de cette loi.
145 BLISKO (S) et LEFRAND (G), Rapport d'information de
Commission des affaires sociales sur la mise en oeuvre de la loi
n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prise en charge, 22 février 2012.
146 Voir supra : §1 de la Section 1 du présent
Chapitre.
147 Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme,
Avis sur les premiers effets de la réforme des soins psychiatriques sans
consentement sur les droits des malades mentaux, Rapport 2012.
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