Section 2 : Les droits fondamentaux reconnus aux patients
souffrant de troubles mentaux
Parmi les objectifs de la loi du 5 juillet 2011, figurent en
première ligne le renforcement des droits des patients et la garantie du
respect de leurs libertés individuelles. Si la diversification des
modalités de prise en charge avec l'instauration du programme de soins
ont permis d'offrir aux patients la possibilité de se faire soigner tout
en préservant au maximum leur liberté d'aller et venir, comment
assurer le respect des droits individuels du patient en dans le cadre des soins
psychiatriques (§1) ? La loi nouvelle a surtout mis
l'accent sur la délivrance d'informations au patient autant sur les
décisions relatives à ses soins auxquelles il doit participer,
que sur sa situation juridique et voies de recours
(§2).
§1 - Respect des droits individuels de la personne
souffrant de troubles mentaux
En 2000 a été signée la Charte de
l'usager en santé mentale115 : ce texte non contraignant
porte toutefois des valeurs qui paraissent importantes à rappeler pour
la prise en charge des patients en psychiatre, ceux-ci étant du fait de
leur état d'extrême vulnérabilité, plus enclins
à se trouver lésés dans leurs droits que les autres
patients. La
115 Charte de l'usager en santé mentale, signée
à Paris le 8 décembre 2000. Voir annexe II.
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Charte rappelle en premier lieu que « l'usager en
santé mentale est une personne qui doit être traitée avec
le respect et la sollicitude dus à la dignité de la personne
humaine. (...) C'est une personne qui ne doit pas être
infantilisée ou considérée comme handicapée
physique ou mentale. »
La loi du 5 juillet 2011 a pour sa part tenté de
concrétiser les grands principes énoncés dans la Charte et
de les adapter à la situation très particulière des
patients hospitalisés sans leur consentement. Précisons au
préalable que la plupart des droits des personnes soignées en
hospitalisation psychiatrique libre s'appliquent aux patients en soins sous
contrainte. Ces droits ont notamment été consacrés par la
loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé, dite « loi Kouchner
».116Cette loi a considérablement renforcé les
droits de la personne malade en exigeant notamment le respect de sa
dignité, le respect du droit à la vie privée, le secret
médical et le droit à l'information du patient.
Les droits garantis à la personne en soins sans
consentement ont donc été codifiés à l'article
L.3211-3 du Code de la santé publique. Conformément aux principes
posés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26
octobre 2010, les restrictions à l'exercice des libertés
individuelles de la personne malade « doivent être
adaptées, nécessaires et proportionnées à son
état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis.
» Le texte ajoute que, quelles que soient les circonstances, la
dignité de la personne doit être respectée, sa
réinsertion, recherchée (d'où l'intérêt de
privilégier le programme de soins à l'hospitalisation
complète). Le texte détaille ensuite les droits de la personne
faisant l'objet d'une mesure de soins sans consentement. Il insiste sur
l'information de la personne sur les modalités de soins mises en oeuvre
et sur la situation juridique qui en découle.117
Par ailleurs, le patient dispose du droit de communiquer sur
sa situation, à tout moment, avec le préfet ou son
représentant, le président du tribunal de grande instance, le
procureur de la République ou encore le maire. Ces différentes
autorités doivent donc être à même de recevoir les
réclamations de ces patients et de procéder si besoin est,
à toute
116 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé.
117 Pour le développement consacré à
l'information du patient en soins sans consentement, voir le §2 de la
présente Section.
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vérification utile, notamment sur le respect des droits
garantis par les textes législatifs et règlementaires.
Le patient a également la possibilité de saisir
la Commission des relations avec les usagers de la qualité et de la
prise en charge (CRUQPC).118 Celle-ci « a pour mission de
veiller au respect des droits des usagers et de contribuer à
l'amélioration de la qualité de l'accueil des personnes malades
et de leurs proches et de la prise en charge. »119 Lorsque
la Commission est saisie par une personne faisant l'objet de soins
psychiatriques sans consentement, elle peut alors transférer la demande
à une commission spécialisée : la commission
départementale des soins psychiatriques.120Implantée
dans chaque département, elle est chargée d'examiner la situation
des personnes en soins psychiatriques, et plus spécifiquement du respect
de leur dignité et de leurs libertés individuelles. Le patient
peut d'ailleurs saisir directement cette commission qui a, depuis la loi du 5
juillet 2011, un large pouvoir en matière de protection et
d'investigation sur le déroulement des soins psychiatriques sans
consentement.121
Autre autorité susceptible d'intervenir auprès
du patient faisant l'objet d'une hospitalisation complète : le
Contrôleur général des lieux de privation de
liberté, autorité indépendante, qui a également
compétence en matière de respect de droits fondamentaux des
personnes privées de liberté, ce qui incluent les personnes
hospitalisées sans leur consentement. Le Contrôleur
général veille ainsi à ce que ces dernières soient
traitées avec humanité et dignité. Suite à la
saisine d'un patient, il peut ainsi procéder à des visites et
investigations de l'établissement visé par la saisine, et ce
à tout moment, sans que l'établissement ne puisse lui refuser
l'accès à ses locaux et à ses documents. Il peut
également porter à la connaissance du procureur de la
République les faits laissant présumer l'existence d'une
infraction pénale.
Demeurant un citoyen à part entière, le patient
dispose des droits fondamentaux reconnus à toute personne
physique122 ainsi qu'à tout malade hospitalisée. Les
personnels
118 Les commissions des relations avec les usagers de la
qualité et de la prise en charge (CRUQPC) ont été
créées par la loi du 4 mars 2002 et sont implantées dans
chaque établissement de santé public ou privé.
119 Article L.1112-3 du Code de la santé publique.
120 Article L.3222-5 du Code de la santé publique.
121 Voir annexe I pour les missions de la CDSP.
122 Article 9 du Code civil : « Chacun a droit au
respect de sa vie privée. »
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soignants sont donc dans l'obligation de respecter la vie
privée du patient, même si cela n'est pas simple, compte tenu des
impératifs d'ordre et de sûreté publics et de la
nécessité de protéger la santé physique et mentale,
parfois contre la volonté du patient. Concrètement, plusieurs
droits entrent dans la sphère de la vie privée. Le respect de
l'intimité et de la vie affective et sexuelle du patient, qui se heurte
à la problématique du degré d'intimité que l'on
peut obtenir au sein d'un hôpital ou d'un service psychiatrique :
rappelons que la chambre du patient a été assimilée par la
jurisprudence au domicile privé.123 Toutefois, le droit
à la protection de la vie privée se confronte en pratique aux
nécessités médicales de la prise en charge d'un patient
contre sa volonté. Celui-ci ne peut pas dans ce cadre refuser
l'accès du personnel soignant à sa chambre ou faire ce que bon
lui semble dans sa chambre d'hôpital. Il s'agit bien ici d'une
conciliation, d'une balance, entre d'un côté les droits du
patient, et de l'autre, les impératifs de protection de la personne
malade mais aussi des tiers qu'impose son état de santé mental.
Le trouble mental fausse ainsi considérablement les relations entre le
patient et les praticiens qui se voient dans l'obligation de porter atteinte
à ses droits fondamentaux et à sa liberté d'aller et
venir... pour le protéger contre lui-même.
Malgré le contexte très particulier du soin en
psychiatrie, les personnels soignants doivent poursuivre la recherche de cet
équilibre. En quelque sorte, la liberté du patient
s'arrête, lorsqu'elle commence à mettre en péril sa
santé mentale et physique. D'autres droits et libertés sont
également à protéger : on peut citer le droit
d'émettre ou de recevoir des courriers ; le droit de prendre conseil
d'un avocat ou d'un médecin extérieur à
l'établissement ; la liberté de culte ; le droit de recevoir des
visites ; le droit de librement disposer de ses biens personnels ; le droit
d'exercer ses droits et devoirs citoyens (sous réserve de l'existence
d'une mesure de protection des majeurs) etc. Il convient autant que faire se
peut de respecter la personne dans son intégrité morale et
physique, dans sa culture et son histoire et de ne pas la réduire
à une maladie mentale. La personne souffrant d'une maladie mentale reste
avant tout une personne, et l'atteinte à ses droits ne doit pouvoir
se
123 CA Paris 17 mars 1986 Affaire « Chantal Nobel »
: « Une chambre d'hôpital occupée par un malade constitue
pour lui au sens de l'article 184 du code pénal [article 226-4 du
code pénal actuel] un domicile protégé en tant que tel
par la loi, qu'il occupe à titre temporaire mais certain et privatif et
où, à partir du moment où cette chambre lui est
affectée, il a le droit, sous la seule réserve des
nécessités du service, de se dire chez lui et notamment
d'être défendu de la curiosité publique. »
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justifier que dans la mesure où cette atteinte est
nécessaire à la protection de la santé du patient.
Il en résulte que cette personne doit également
être informée de son état de santé, d'une
façon adaptée, claire, loyale et régulière et elle
doit être en mesure de donner son avis sur ses soins, autant que son
état mental le lui permet.
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