B. Saisine du JLD en cas de désaccord entre le
représentant de l'Etat et le psychiatre
C'est la décision du Conseil constitutionnel du 9 juin
2011, dans laquelle les sages ont examiné la question du
désaccord entre le préfet et le psychiatre quant à la
nature ou la nécessité d'une mesure de soins psychiatriques, qui
a conduit le législateur à prévoir une procédure
particulière en cas de conflit. Le Conseil a considéré que
dans ce cas, il est nécessaire de procéder à un
réexamen du patient confirmant la nécessité des soins afin
de pouvoir maintenir la mesure. Dans le cas contraire, la mesure doit
être immédiatement levée.
L'article L.3213-5 du Code de la santé publique
prévoit la situation suivante : lorsque le psychiatre du patient
considère qu'au vu de l'évolution de l'état de
santé de celui-ci, une mesure de soins en hospitalisation
complète n'est plus nécessaire, et que la mesure de soins peut
être levée, il en informe le directeur de l'établissement
qui lui même en réfère dans les vingt quatre heures au
préfet. Ce dernier dispose alors de trois jours francs pour ordonner, ou
non, la levée de la mesure de soins. En effet, le préfet peut
décider qu'il n'est pas opportun, au vu de la dangerosité ou du
risque de troubles à l'ordre public, de lever la mesure. Dans ce cas,
l'article visé ci-dessus prévoit qu'il en informe le directeur
d'établissement, qui saisi directement le juge des libertés et de
la détention qui statue « à bref délai
» aux fins de décider si oui ou non la mesure doit être
maintenue. Il peut bien sûr ordonner une expertise psychiatrique afin de
l'aider à trancher le désaccord.
75 Voir supra : B. paragraphe 1 de la
présente Section.
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Toutefois, on relève un problème au niveau de
l'articulation de cet article avec l'article L.3213-9-1 du même Code qui
prévoit une procédure administrative de résolution des
conflits entre psychiatre et représentant de l'état,
répondant à la décision du Conseil constitutionnel du 9
juin 2011. En effet, L.3213-9-1 dispose que si le préfet décide
de ne pas suivre l'avis du psychiatre, il en informe le directeur
d'établissement qui demande alors un second examen du patient par un
autre psychiatre. Ce deuxième avis doit être rendu dans un
délai maximal de soixante douze après la décision du
préfet.
Ainsi, si cet avis confirme le premier, à savoir, qu'il
est inutile de poursuivre les soins en hospitalisation complète, le
préfet se retrouve dans une situation de compétence liée
et prononce la levée de la mesure de soins ou sa transformation en une
autre forme de prise en charge. Si le second psychiatre rend un avis contraire
au premier, considérant que le patient doit être maintenu en
hospitalisation complète, dans le silence du texte, il semble ainsi que
l'hospitalisation complète soit automatiquement maintenue.
Cette procédure entre donc en concurrence avec celle de
l'article L.3213-5. Dès lors, comment concilier les deux
procédures ?
Le ministère chargée de la santé a
donné son interprétation concernant cette difficulté : il
considère que, dans le cas où le second psychiatre ayant
examiné le patient oppose un avis différent du premier (cas
prévu ni par L.3213-9-1 ni par L.3213-5), le directeur
d'établissement doit alors saisir le juge des libertés et de la
détention en application de L.3213-5.76Il est donc
demandé aux directeurs d'établissement de ne pas saisir le juge
avant qu'un second avis médical ne soit produit.77
76Ministère du travail, de l'emploi et de la
santé, La réforme des hospitalisations sans consentement,
Courrier juridique des Affaires sociales et des sports n°89, Rapport
2011.
77 Circulaire du 21 juillet 2011 relative à
la présentation des principales dispositions de la loi n°2011-803
du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes
faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise
en charge et du décret n°2011-846 du 18 juillet 2011 relatif
à la procédure judiciaire de mainlevée ou de
contrôle des mesures de soins psychiatriques.
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Le dispositif tel qu'instauré par la loi du 5 juillet
2011 démontre la volonté du législateur d'encadrer au
maximum les procédures d'admission et de prise en charge des patients en
soins sans consentement. Entre augmentation significative du nombre de
certificats médicaux exigés attestant de la
nécessité de soins psychiatriques et les contrôles
systématiques des mesures de soins les plus restrictives de
liberté par le juge judiciaire, jamais le régime de soins
contraints n'avait été aussi exigeant quant à la
protection des droits des patients. Pourtant, tous ne semblent pas
bénéficier des mêmes faveurs du législateur. Les
patients les plus vulnérables, les plus gravement atteints et les plus
démunis sont soumis à des procédures dites « de suivi
renforcé », qui pour certains observateurs, relèvent plus
d'une volonté sécuritaire de la part des pouvoirs publics que
d'un véritable souci des droits de ces patients particuliers.
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