3. Le coût économique de la
diversité juridique.
Dans un rapport d'information en date du 24 mars 2009, la
Commission des finances, de l'économie générale et du plan
relatif au financement en fonds propres des PME décrit un système
français de financement complexe, caractérisé par une
profusion de dispositifs. Et
21 FCPR contractuel : Un nouveau véhicule
d'investissement en private equity », Fusion et Acquisitions Magazine,
Bruno Bertrand, F. Moulin, F.X. Naime, 5 mars 2009.
17
d'ajouter : « A cette profusion s'ajoute la
complexité des dispositions réglementaires d'application, que
l'investisseur ou le contribuable sont pourtant supposés connaître
! ».
Diversité n'est pas nécessairement synonyme de
flexibilité. L'existence de différents véhicules
d'investissement semble suggérer une certaine flexibilité
permettant aux investisseurs potentiels d'utiliser l'instrument qu'ils jugent
le plus adéquat. Néanmoins, cette apparente souplesse doit
être tempérée par la rigidité des conditions
d'emploi inhérentes à chacun de ces véhicules
nommés. Du calcul des quotas aux différentes conditions
nécessaires pour bénéficier des régimes de faveur
en matière fiscale, le régime applicable est empreint de
complexité et de technicité.
Cette fragmentation de l'outillage juridique mis à
disposition des investisseurs risque de nuire à la visibilité
globale du système. La réalisation de tels investissements
nécessite au préalable d'importants efforts de recherche
d'information. Il est nécessaire pour les acteurs d'envisager la
structure la plus adaptée à leur besoin et donc d'effectuer un
arbitrage entre les différentes formes envisageables. Avoir le choix
n'est pas en soi critiquable, en revanche la grande complexité des
dispositions légales et réglementaires en la matière
engendre une forte consommation de temps et de savoir pour pouvoir effectuer
les choix les plus appropriés. Ce raisonnement peut s'appliquer aux
investisseurs comme aux gestionnaires eux-mêmes. De nombreux
économistes contemporains soulignent l'importance de ces «
coûts » dans le processus rationnel des acteurs. Dans sa
théorie des coûts de transaction, Olivier Williamson22
considère que toute transaction économique engendre des
coûts préalables à sa réalisation, coûts
liés à la recherche d'information par exemple. Ce constat
s'avère ici pertinent, les opérations de capital-risque
engendrant un coût élevé, notamment au niveau de leur
structuration. Ces coûts sont bien sûr pris en considération
par les acteurs économiques qui peuvent, de ce fait, se détourner
des activités de capital-risque au profit d'activités moins
complexes.
Certains efforts semblent néanmoins avoir
été réalisés dans cette optique, comme nous l'avons
analysé (Cf. supra : la flexibilité croissante des fonds communs
de placement).
Si la critique relative à la complexité
inhérente à chaque véhicule n'est pas dépourvue de
fondements, celle relative au trop grand nombre de véhicules doit
néanmoins être tempérée. Il semble en effet possible
d'affirmer que chaque véhicule est lié à une
réalité économique distincte. Le FCPR permet des
investissements moins ciblés que les FCPI, mais favorise tout de
même les investissements dans les sociétés non
cotées. Les FCPI ont un périmètre d'application plus
restreint, potentiellement plus risqué, et donc
bénéficiant d'un régime plus favorable. Les FIP sont
destinés à favoriser les investissements à une
échelle régionale tandis que les sociétés de
capital-risque furent conçues dans l'optique de ne pas délaisser
les sociétés ayant une activité relative à
l'acquisition d'actions de sociétés non cotées. Ce paysage
juridique donne certes l'impression d'une superposition d'instruments
dépourvue de cohérence et d'harmonie, mais l'analyse
séparée de chaque véhicule semble pourtant faire
émerger une logique économique sous-jacente. La diversité
juridique est donc peut-être un moindre mal en comparaison de la
rigidité que pourrait engendrer un système de structuration
uniforme.
22 Economiste américain, prix Nobel d'économie le
12 octobre 2009 pour ses travaux sur la gouvernance économique.
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