L'interventionnisme public dans le développement contemporain du capital-risque français( Télécharger le fichier original )par Pascal MOLINELLI Université Panthéon Assas - Magistère de juriste d'affaires - DJCE 2012 |
B. Le capital-risque d'entreprise, victime de la réaffectation des liquidités au sein des grandes sociétés.Autre source potentielle de financement, le capital-risque d'entreprise, ou corporate venture capital désigne la gestion d'un fonds de capital-risque par une entreprise ou un groupe de sociétés. La gestion peut alors être directement assurée par une équipe spécialisée au sein du groupe, ou externalisée au sein d'un groupe de capital-risque reconnu, lequel s'occupera de la prospection et de la présélection des projets selon des critères préétablis par leur client. Plusieurs types de motivations peuvent être à l'origine de la mise en oeuvre du capital-risque d'entreprise61. La motivation peut tout d'abord être liée à l'innovation, il s'agit alors 58 AFIC, dossier Venture Loan, Juin 2008 59 « Capital-investissement : guide juridique et fiscal », François-Denis Poitrinal. 60 Note « Venture Loan » publiée par l'AFIC en 2008 61 Ben Haj Youssef A., Ouziel J. Théorie des écosystèmes & Corporate Venture Capital, La Revue du Financier (2002). AP d'une motivation d'ordre stratégique. L'idée est pour la société d'assurer une veille technologique afin de détecter l'apparition de nouvelles technologies, mais c'est également un moyen de compléter la R&D interne, voire même de procéder à une externalisation de cette dernière. La motivation peut aussi être de nature financière, à l'image des fonds d'investissement classiques dont l'objet est bien la perception de dividendes et la réalisation de plus-values. Enfin, cette motivation peut parfois résulter d'un engagement sociétal. Certaines sociétés se regroupent parfois dans l'optique de créer des fonds plus conséquents. C'est à titre illustratif le cas du fonds de capital-risque « Aster Capital » lancé en 2010 par les groupes Schneider Electric et Alstom et doté initialement de plus de 70 millions d'euros. La société Rodhia a récemment rejoint ce projet. Une même entreprise à fort potentiel ciblée peut ainsi développer des technologies ayant des applications multiples auprès des trois entreprises62. Mais le « corporate venture » ne constitue pas une véritable alternative au capital-risque classique. A titre illustratif, les investissements corporate représentaient 4% du total des investissements en capital-risque en Europe sur la période 2003 - 200763. Malgré l'absence de données post-crise, la forte exposition de la plupart des grandes entreprises aux conséquences de la crise suggère une réaffectation des liquidités disponibles par ces dernières vers des activités bien moins risquées. Le capital-risque d'entreprise a donc très probablement suivi cette tendance généralisée de désaffection du capital-risque et il semble même raisonnable de penser que ce mouvement fut encore plus marqué s'agissant des grandes entreprises compte tenu de la forte exposition qui fut la leur. Quant à l'étendue même de cette source de financements, elle est par définition limitée. En effet, seules les très grandes entreprises sont susceptibles de mobiliser suffisamment de fonds pour prétendre pouvoir mener des opérations de capital-risque. Le nombre de sociétés susceptibles d'effectuer de telles opérations est donc considérablement limité par rapport au nombre total de sociétés. Mais la véritable limite du capital-risque d'entreprise se trouve peut-être dans sa nature même. En prenant des participations dans des sociétés innovantes, les grandes entreprises répondent potentiellement à deux objectifs. Le premier consiste certes, comme nous l'avons mentionné, à développer des sociétés à fort potentiel en vue de générer des futures sources de revenus et des retombées en matière technologique. Néanmoins, la notion spécifique de « co-ompétition », à savoir ce mélange particulier de coopération et de compétition ne confère pas à l'opération un alignement parfait des intérêts des différents acteurs64. Ce paradoxe, entre complémentarité et concurrence, ne peut aboutir sur un modèle de capital-risque pleinement efficient. La crise économique a donc totalement redessiné le paysage financier du capital-risque. Le tarissement des sources privées de financements se révèle être une véritable menace pour la survie du capital-risque. Certaines alternatives se développent, à l'image de la cotation en bourse de sociétés de private equity dans l'optique d'attirer un spectre plus large d'investisseurs et de favoriser la liquidité des investissements. C'est par exemple le cas de la société Carlyle en matière de capital-investissement. Mais ici encore, l'impact de la crise 62 Friedland Papers, lettre de prospective n°31, Avril 2011, par Hélène Perrin Boulonne 63 Source : http://www.evca.eu 64 Barbier, 2000 dQ assombrit les perspectives de telles démarches. En effet, les données relatives aux sociétés de capital-investissement cotées sont sur ce point révélatrices : les cours des français Altamir-Amboise, Eurazeo et Wendel sont en chute de 45%, 60% et 55%, au cours des cinq dernières années, dans le sillage de l'américain Blackstone (-58%). Le britannique 3i fait pire, avec une dégringolade de 83%, talonnant l'américain Fortress (-87%)65. La question de l'émergence d'un nouveau modèle de financement des opérations capital-risque prend dès lors une toute autre ampleur. |
|