§2. La diminution des financements d'origine
institutionnelle.
L'affaiblissement des investisseurs institutionnels est
perceptible de deux points de vue.
A. Les conséquences de la crise sur les
investisseurs institutionnels.
1. L'importance des investisseurs institutionnels sur
le paysage du capital-risque.
Les banques et autres investisseurs institutionnels
n'interviennent pas que dans le cadre de l'octroi éventuel de
crédits. En effet, il est possible que ces acteurs agissent en tant
qu'investisseurs au sein de fonds communs de placement. L'importance de leurs
investissements est d'ailleurs primordiale.
Malgré l'absence de données précises sur
le poids des investisseurs institutionnels au sein du capital-risque, leur
présence évaluée à l'échelle plus
générale du capital-investissement suggère une forte
implication de ces derniers. En effet, les banques, les compagnies !"#%"&'
)+,-d'assurance et mutuelles et les caisses de retraite
représentent quasiment 45% des capitaux levés en 2011.
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(5 043M€ en 2010)
(126) (762)
(481)
(490)
(767) 134)
(918) (331)
(France) (Etranger)
AFIC Data - Grant Thornton
44
Les banques apparaissent même selon certaines
études comme des investisseurs stratégiques. Comme le
démontrent T. Hellman, L. Lindsey et M. Puri dans le cadre d'une
étude empirique49, il existe une
complémentarité entre l'activité de banquier et celle de
capital-risqueur, les banques utilisant leurs investissements par
capital-risque afin de construire une relation avec les entreprises
financées dans l'optique de développer, par la suite, leur
activité de prêt.
2. L'influence des restrictions imposées aux
investisseurs institutionnels sur le financement du capital-risque : de
Solvabilité II à Bâle III.
La crise des subprimes révéla les faiblesses du
système bancaire tel qu'il était conçu durant cette
période. La faillite de Lehman Brothers démontra la
fragilité de nombreuses banques. L'insuffisance de fonds propres de ces
établissements constitua donc l'un des principaux chantiers de
rénovation du système bancaire. Ce mouvement de renforcement des
fonds propres des banques, et donc de leur capacité à absorber
d'éventuelles défaillances, fut initié bien avant la
survenance de la crise, avec l'apparition bien connue du ratio Cooke dans le
cadre du Comité de Bâle en 1988. Constatant l'insuffisance des
ratios de solvabilité modernisés existants, le Comité de
Bâle préconisa un renforcement des fonds propres des banques, et
ce en intégrant dans le calcul des ratios de solvabilité
existants des facteurs de risque non pris en considération, jusque
là. Ce fut le cas dans le cadre de Bâle II avec la prise en compte
du risque opérationnel dans le calcul des exigences de fonds propres, ou
encore dans Bâle III avec une amélioration qualitative des fonds
propres pris en considération dans les calculs. Les déclarations
faites dans le cadre des Comités de Bâle, dépourvues
d'effet juridique, furent reprises par la Commission européenne,
laquelle les transpose sous forme de directive ou règlement.
L'Institut de finance international (IIF) a
réalisé une estimation des conséquences des exigences de
Bâle III et a constaté que ces dernières auraient un impact
négatif sur la croissance de la zone euro de 0,5 % de PNB sur la
période 2011 à 2015, soit 4, 5 % en
cumulé50.
Surtout, la mise en place de ces dispositifs prudentiels et
leur renforcement conséquemment à la crise ont une incidence
directe sur la capacité d'investissement des banques, comme l'affirme
Eric Harlé, président de la commission capital-risque de
l'Afic51 : "Nous n'avons pas encore de chiffres en ce qui
concerne les collectes FCPR mais les dispositifs européens Bâle
III et Solvency 2 imposent aux investisseurs institutionnels de renforcer leurs
fonds propres, ce qui leur laissera d'autant moins d'argent à investir.
Par conséquent, les FCPR vont également connaître des
baisses très significatives de leurs levées". Ce dernier
constate que les banquiers et les assureurs s'éloignent donc de plus en
plus du métier d'investisseur. Les textes prudentiels sur les compagnies
d'assurance («Solvabilité II») et les banques
(règlement et directive sur les exigences de fonds propres) assimilent
en effet les investissements en capital-risque à des opérations
à haut risque pour le calcul des exigences de fonds propres. Le
49 « Building relationships early : banks in venture
capital », T. Hellman, L. Lindsey et M. Puri, NBER Working paper series,
n°10535, 2004.
s0 « Interim Report on the cumulative Impact on the
Global Economy of Proposed Changes in the Banking Regula-tory Framework »,
Institut of International Finance, juin 2010
s1 Association Française des Investisseurs en Capital.
A.5
défaut de liquidité de ces actifs justifierait
cette exigence de fonds propres. Néanmoins, en imposant un chargement de
leurs fonds propres pour les investissements en actions non cotées, le
régulateur dissuade les assureurs d'investir dans cette classe d'actifs
au profit des investissements immobiliers ou titres d'État pour lesquels
les exigences en fonds propres sont très inférieures. Pourtant,
comme le souligne certains praticiens, l'immobilier, qui représente 80 %
des investissements des compagnies d'assurances, est lui aussi illiquide, et ne
subit pas pour autant un tel traitement52
La Commission a en ce sens déclaré qu'elle
évaluerait les incidences de ces exigences de fonds propres afin
d'établir s'il est nécessaire de les modifier à moyen ou
à long terme.
L'incertitude inhérente à ces investissements en
matière de capital-risque justifie la nécessité de
disposer de fonds propres corrélatifs pour ces établissements.
Néanmoins, un tel mécanisme conduit inéluctablement
à une réduction desdits investissements. Le choix politique est
alors complexe puisqu'il doit concilier stabilité du système
financier d'une part et financement de l'économie et de l'innovation
d'autre part. La solution n'a pas nécessairement à favoriser
uniquement l'un au détriment de l'autre, une solution
intermédiaire pouvant consister à fixer un montant de fonds
propres nécessaires qui ne découragerait pas les investisseurs.
Or, précisément sur ce point, les ratios adoptés sont
contestés. Par exemple, l'étude EDHEC | AFIC a
démontré que les ratios retenus pour les calculs de
Solvabilité II, notamment celui de 49 %, ne correspondaient pas au
risque effectif d'un investissement dans le non coté comparé, par
exemple, à un placement dans des actions cotées en
Bourse53.
L'AFIC propose dans cette optique de créer un fonds de
garantie mutuelle destiné à couvrir les différents
investissements en fonds propres auprès des PME, et ce afin de
réduire la contrainte en fonds propres des établissements soumis
à des règles de solvabilité54. Les
investisseurs institutionnels pourraient ainsi s'assurer auprès de ce
fonds et ainsi réduire leur risque.
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