PARTIE II : L'influence de l'interventionnisme public
sur le financement des opérations de capital-risque
Section 1 : Les conséquences de la crise sur les
sources privées de financement
1. Le financement par capital-risque fragilisé par
la crise.
La crise des subprimes puis plus récemment la crise
liée aux dettes souveraines ont, entre autre,
généré deux effets négatifs sur l'environnement du
capital-risque. Tout d'abord, elles ont engendré un ralentissement de
l'activité économique, voire une réduction de cette
dernière. De façon générale, elles ont
considérablement restreint les capacités d'investissement des
acteurs économiques.
Surtout, ces crises participent à la dégradation
de l'environnement financier en instaurant un climat de méfiance et
d'incertitude. Ce doute quant aux perspectives de rétablissement des
économies européennes pèse inéluctablement sur les
décisions d'investissement des acteurs, quelle que soit leur
qualité. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le
mentionner, les investissements en capital-risque sont fondés sur la
notion d'incertitude, et ce dans le sens où le risque inhérent
à l'investissement ne peut être évalué.
L'investissement repose généralement sur un jugement, une
appréciation du potentiel de l'entreprise ciblée. Dès
lors, ce jugement se trouve extrêmement exposé aux fluctuations de
la situation économique. De sombres perspectives économiques ont
corrélativement un effet néfaste sur les investissements
potentiels.
Il est dès lors plus aisé de comprendre la
diminution des investissements effectués au sein de véhicules
d'investissement dédiés au capital-risque. En effet, sans prendre
en considération la situation économique de certains pays
européens tels que la Grèce, l'Espagne ou encore le Portugal,
pays dont il est bon de rappeler l'interconnexion commerciale avec la France,
la situation économique française n'offre pas non plus
matière à inciter grandement les investissements d'avenir. Avec
des prévisions gouvernementales de croissance fixées à
0,7% en 2012, puis 1,75% en 201347, le climat économique
français s'avère peu incitatif.
Après une forte baisse des dépenses en
capital-risque intervenue lors de la crise des subprimes, ces dernières
passant de 758 millions d'euros en 2008 à 587 millions d'euros en 2009,
soit une baisse de 23%, les montants investis semblent se stabiliser, mais
représentent tout de même un montant relativement faible.
*
EVOLUTION DES INVESTISSEMENTS 2006 -- 2011
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
Variation
|
Variation
|
2010/2011
|
2008/2011
|
en millions d'euros
|
10 164
|
12 554
|
10 009
|
4 100
|
6 598
|
9 738
|
48%
|
-3%
|
@3EA %<G>A<H )>8I47
|
JKL
|
LMM
|
MJN
|
JNM
|
LOJ
|
JPM
|
?QR
|
?SQR
|
VOAFIC Data - Grant Thornton
SMR MNR
47
http://www.investir.fr/infos-conseils-boursiers/actus-des-marches/infos-marches/france-croissance-2012-relevee-a-0-7-2013-baissee-a-1-75-417836.php
A2
L'Association Française des Investisseurs en Capital
(AFIC) et l'Association Française de la Gestion financière (AFG)
ont publié, le 23 février 2012, les résultats d'une
enquête relative à l'évaluation des montants de capitaux
levés en 2011 par les fonds d'investissements de proximité (FIP)
et les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI)48. Il
résulte de cette enquête que la collecte des FCPI et des FIP
représentait 757 millions d'euros, soit une baisse de 15% en valeur et
de plus de 26% en volume de particuliers souscripteurs par rapport à
2010. Tendance baissière également perceptible à
l'échelle européenne puisque les sommes levées par les
fonds ont diminué de 58% entre 2007 et 2010.
L'analyse des levées de fonds sur l'ensemble des
segments du capital-investissement est également
révélatrice de ce phénomène baissier lié
à la crise des subprimes puisqu'en 2006 quelques 10 280 millions d'euros
furent levés, tandis qu'en 2011 ce nombre est réduit à
6456
millions. Néanmoins, entre 2010 et 2011, les levées
de fonds semblent à nouveau augmenter,
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notamment grâce aux levées effectuées
à l'étranger, sans pour autant égaler le niveau qui
était le leur avant crise.
'()*+,-). /'0 *'(1'0 /' 2)./0 3445 -- 3466
|
|
|
|
|
|
|
("DF">F<=
|
("DF">F<=
|
3445
|
344W
|
344&\
|
344U
|
3464
|
3466
|
3464T3466
|
344&T3466
|
2<=:9 @$AB9 G7E B>HH>3E @I"4538J
|
64 3&4
|
U UUV
|
63 WX4
|
X 5W3
|
V 4YX
|
5 YV5
|
3&Z
|
[YUZ
|
AFIC Data - Grant Thornton
Le système actuel de capital-risque s'avère donc
extrêmement exposé aux fluctuations de l'activité
économique. Le capital-risque, en période de crise, est soumis
à l'effet conjugué
#3467 :::<=>6?@A<;63B C D5<EA /
d'une baisse des investissements et d'une réduction des
fonds levés et destinés à l'innovation. C'est donc un
segment entier du financement des entreprises qui est considérablement
affecté. 7"899$ :$9 ;<=>"=>9 :$ ?<=:9 @$AB9 C<=C$=>DB$
98D E8$E8$9 <!BD">F<=9 ;"G$8D$9 Un cercle vicieux semble alors
initié, les sociétés innovantes ayant un rôle
essentiel dans le 8=$ >DI9 ?<D>$ !<#$99F<= :$9 ;<=>"=>9
@$AB9 J<D9 :$ 2D"=C$Kdéveloppement économique et
notamment dans le cadre d'une reprise économique, la forte L"F9 @$9
;<=>"=>9 @$AB9 $= 2D"=C$ D$C8@$=> $> @$9 ;<=>"=>9
><>"8M @$AB9 D$9>$=> F=?B diminution de leurs financements
accentue l'assombrissement des perspectives économiques.
;<=>"=>9 F=A$9>F9 $> >DI9 $= D$>D"> :$9
;<=>"=>9 @$AB9 "A"=> @" CDF9$ :$9 O 98P! Dans un pays où le
développement du capital-risque demeure un phénomène
récent ne disposant pas, contrairement aux Etats-Unis, d'une solide
assise culturelle fondée sur des valeurs de prise de risque et de pari
sur l'innovation, un tel recul du capital-risque pourrait
!"#$ & !"#$ &
bien contribuer à détourner
définitivement les investisseurs d'un tel type d'opération, alors
même que son utilité économique fait l'objet de bien peu de
contestations. Le paradoxe semble alors flagrant. Alors que le contexte actuel
de crise est l'occasion pour un grand nombre d'acteurs de la sphère
économique de prôner l'amélioration de la régulation
financière, de réclamer un système plus transparent et
revêtant un aspect plus humain, il est frappant de constater que l'une
des principales victimes collatérales de cette crise s'avère
être un système dont la logique pourrait potentiellement servir de
modèle aux mécanismes actuels.
48 Etude AFIC---AFG sur la levée de capitaux,
communiqué de presse 23 février 2012.
Le capital-risque est en effet pourvu de ce qui semble
aujourd'hui faire le plus défaut à la logique de marché,
à savoir un investissement dans une idée, dans un projet, dans
des hommes. Alors même que le capital-risque pourrait constituer une
source d'inspiration pour repenser la finance, il est troublant de constater
que le capital-risque se trouve aujourd'hui menacé par les
conséquences d'une crise résultant d'une logique
financière dont il n'a jamais été l'apôtre.
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