2. Articulation entre label et véhicules
français de capital-risque.
Le règlement envisagé ne crée pas
à proprement parler un véhicule dédié au
capital-risque mais opte pour une solution plus subtile. Au lieu d'imposer la
création d'un véhicule spécifique, le règlement
propose un label. Ce système suggère le maintien des
véhicules nationaux de capital-investissement, leur dénomination
resterait ainsi inchangée. En revanche, sous réserve du respect
de certaines exigences, ces véhicules pourraient exercer un droit
d'option et ainsi bénéficier du label « FCRE ». Il y a
aurait donc une superposition de qualificatifs, avec un véhicule de
droit national à l'origine, et l'octroi possible d'un label « FCRE
» en supplément. Cette idée évite la création,
par les Etats, d'un régime fiscal dédié aux fonds de
capital-risque européen. Une telle acception de la notion de label
pourrait
41 Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du
Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments
financiers
permettre aux gestionnaires d'envisager la création
d'un véhicule national disposant d'un régime fiscalement
incitatif, tel qu'un FCPI, pour permettre aux souscripteurs soumis à
imposition française de bénéficier des dispositifs fiscaux
du véhicule, et par la suite d'obtenir le label FCRE dans l'optique de
procéder à une commercialisation du fonds dans toute l'Union.
Chaque pays de commercialisation réservera alors l'accueil fiscal qu'il
souhaite à ces fonds. Toute la difficulté de l'opération
consisterait alors pour le gestionnaire à faire coïncider les
exigences liées au maintien de la qualification de véhicule
national (FCPI en l'occurrence) avec celles liées au FCRE. A tel point
que les gestionnaires de fonds de capital-risque pourraient
préférer opter pour l'agrément lié à
directive AIFM, dont les exigences sont déjà largement
appliquées en droit français.
La principale contrainte inhérente à l'octroi du
label concerne la composition de l'actif du fonds. En effet, 70% des apports en
capital et du capital souscrit non appelé doit être investi dans
des PME. Plus précisément, l'actif éligible est
défini comme suit : « entreprise de portefeuille
éligible»: une entreprise qui, à la date où elle fait
l'objet d'un investissement par le fonds de capital-risque éligible,
n'est pas cotée sur un marché réglementé au sens de
l'article 4, paragraphe 1, point 14), de la directive 2004/39/CE, emploie moins
de 250 personnes, a un chiffre d'affaires annuel qui n'excède pas 50
millions d'EUR ou un total du bilan annuel qui n'excède pas 43 millions
d'euros, et qui n'est pas elle-même un organisme de placement collectif
».
L'actif éligible n'est donc pas strictement similaire
à celui pris en considération dans le cadre de certains
véhicules français tels que les FCPI, les FCPR ou encore les FIP.
En effet, le FCPI vise certes des PME, mais ces dernières doivent
présenter un caractère innovant, lequel est
apprécié soit par un organisme spécifique (OSEO), soit par
appréciation des dépenses de recherche et développement.
De plus, les critères relatifs à la taille de la
société ne s'appliquent pas aux FCPI, contrairement au calcul
lié au label. Les sociétés composant le portefeuille des
FCPI ne sont donc pas nécessairement prises en considération dans
le calcul du seuil nécessaire à l'obtention du label. Donc, outre
des seuils différents (60% dans un cas et 70% dans l'autre), le calcul
de ces derniers s'opère à partir de données
différentes.
FCPI
|
FCRE
|
Seuil : 60%
Composition de l'actif éligible : Société
non
cotées issues de l'UE et présentant
un caractère innovant.
Investisseurs : toutes qualités.
|
Seuil : 70%
Composition de l'actif éligible : Société
non cotée employant moins de 250 personnes, ayant un CA inférieur
à 50M ou un total de bilan annuel inférieur à 43M.
Investisseurs : professionnels.
|
Par conséquent, le label FCRE s'apprécie
indépendamment des qualifications juridiques nationales et des
conditions qui leur sont propres. Le risque étant que le respect des
critères nécessaires au label ne soit pas compatible avec le
respect des critères du FCPI, auquel cas l'obtention du label ne
pourrait s'effectuer qu'au détriment de la qualification de FCPI. Tout
sera alors question de composition de portefeuille, mais également de
qualité des souscripteurs. En effet, les FCRE sont
réservés à des investisseurs professionnels et, en
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27
certaines hypothèses, à des personnes
fortunées, tandis que les FCPI ne distinguent pas selon
la qualité de l'investisseur.
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-'Ainsi, le raisonnement lié à
l'obtention du label peut être schématisé de la
façon suivante : ( ) J + ( (
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|
Modélisation réalisée par
Hiram-Finance42
Un autre cas de figure semble envisageable. Il concerne
l'hypothèse où les Etats opteraient
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L3-27&pour la création directe en droit interne d'un
véhicule nommé FCRE. Cette création
A)3@ ,/27' 4$#'
impliquerait la création d'un cadre fiscal attractif, sur
la base des modèles FCPR ou FCPI. Ce
\
nouveau véhicule, non coordonné par nature, sera de
toute façon soumis à la plupart des
S;3,43-$,
exigences applicables aux OPCVM coordonnés, et
évoluera donc dans un cadre réglementaire
\
national exigeant.
Cette comparaison entre véhicules nationaux et FCRE
démontre également une différence de perception pouvant
exister sur la notion de capital-risque. Les critères de l'actif
éligible en vue de bénéficier de la qualification de FCRE
sont principalement liés à la taille de l'entreprise. La notion
de capital-risque semble ainsi à première vue
déconnectée de celle d'innovation. Investir dans une PME
relève dès lors de la notion de capital-risque. Une telle
conception s'émancipe d'une définition fondée sur
l'innovation et le potentiel de développement. Conceptuellement, le FCRE
semble plus proche du FCPR que du FCPI, l'idée étant de favoriser
le financement de PME. Le capital-risque européen semble donc avant tout
se définir comme une source financement pour les PME,
généralement jeunes. Ces fonds de capital-risque pourraient donc
être utilisés aussi bien en matière de capital-risque qu'en
matière de capital-développement.
Ce constat peut néanmoins être
tempéré. Cette définition adoptée par la commission
n'atteste pas nécessairement d'une différence de conception.
Les critères retenus par la Commission dans sa
proposition ne mentionnent pas la nécessité
42 Hiram Finance, Revue technique, régulation des
marchés financiers, Janvier 2012, n°9, publication du 16 janvier
2012
3S2
d'investir dans de jeunes sociétés innovantes.
Néanmoins, ce choix ne signifie pas pour autant que la Commission
s'éloigne d'une conception du capital-risque fondée sur
l'innovation. D'ailleurs, dans le premier considérant de la proposition
de règlement, le capital-risque est ainsi défini : « Le
capital-risque constitue un mode de financement d'entreprises,
généralement de très petite taille, qui se trouvent aux
premiers stades de leur existence et qui présentent un fort potentiel de
croissance et de développement ». En fixant des
critères fondés uniquement sur la taille de l'entreprise, et sur
un investissement direct au sein de cette dernière, la proposition de
règlement confère en réalité aux investisseurs une
grande liberté d'appréciation. Le critère d'innovation ne
disparaît pas nécessairement, il est simplement fondé sur
la libre appréciation des investisseurs, et non sur
l'appréciation d'un tiers (OSEO par exemple dans le cas de la France).
Par définition, l'attrait inhérent à une PME est
inéluctablement lié au potentiel offert par cette
dernière. On pourrait dès lors considérer qu'un
investissement dans une PME relève souvent du capital-risque.
Une telle conception du capital-risque peut surtout être
liée à des considérations pratiques. Il semble en effet
difficile d'apprécier le caractère innovant d'une
société in abstracto. Les critères liés au montant
des dépenses de recherche et développement pourraient
s'avérer arbitraires, notamment au sein d'une Union européenne
dont les cultures sont considérablement variables, certains pays
favorisant de telles dépenses, d'autres moins. Un tel critère
pourrait donc pénaliser les sociétés de certains Etats.
Quant à la création d'une agence spécialisée dans
la qualification de sociétés innovantes, elle impliquerait des
moyens conséquents, et devrait mettre en oeuvre des critères qui
seraient par définition difficilement harmonisables à
l'échelle européenne. Cette définition adoptée par
la Commission est donc probablement motivée par un certain
pragmatisme.
La logique est similaire s'agissant des FCPR. Non seulement le
seuil diffère, mais l'actif éligible n'est pas exactement
identique puisque dans un FCPR de simples actions non cotées sont prises
en considération tandis que le FCRE ajoute des conditions
supplémentaires.
3. Les prémices d'une institutionnalisation des
activités de capital-risque en Europe.
L'adoption de ce règlement permettrait également
d'organiser les activités de capital-risque à l'échelle
européenne. L'Autorité Européenne des Marchés
Financiers (AEMF) devrait ainsi être chargée de gérer une
base de données centrale contenant tous les fonds de capital-risque
éligibles enregistrés au titre du présent
règlement43.
La notion de confiance mutuelle, indispensable à la
mise en place de passeports européens, impliquerait également une
obligation de transparence entre les différentes autorités de
contrôle impliquées. Transparence qui serait
concrétisée, dans le cadre de ce règlement, par des
échanges d'informations entre autorités compétentes des
Etats membres d'accueil et d'origine, ainsi qu'avec l'AEMF. Mais le principe de
confiance mutuelle serait avant tout perceptible au stade de l'agrément
et des contrôles effectués par les autorités
compétentes.
L'autorité compétente de l'État membre
d'origine se verrait ainsi investie de la charge de veiller à ce que le
gestionnaire de fonds de capital-risque respecte les exigences qui lui sont
imposées en vue de bénéficier du label44.
43 Considérant 23 proposition de règlement de la
Commission.
44 Considérant 20 proposition de règlement de la
Commission.
|