B. L'influence potentielle du règlement sur la
structuration des opérations de capital-risque.
1. L'européanisation des levées de fonds : la
création d'un label.
La proposition de règlement engendrerait, en cas
d'adoption, la création d'un label européen nommé : «
fonds de capital-risque européen ». Sous réserve d'exigences
définies par la directive, au premier rang desquelles figure la
nécessité de gérer un fonds dont 70% des apports en
capital et du capital souscrit non appelé est investi dans des PME, les
sociétés de gestion pourront obtenir un agrément unique
leur permettant notamment de commercialiser les fonds concernés au sein
de toute l'Union européenne, mais également d'effectuer leur
activité de gestion sur le territoire de l'Union.
Ce passeport européen spécialement conçu
pour les fonds de capital-risque faciliterait considérablement les
levées de fonds à l'échelle européenne.
Entravée par la nécessité de respecter les conditions
restrictives imposées par la directive AIFM, ou, à défaut,
par le nécessaire respect des conditions édictées par
l'Etat dans lequel la société de gestion souhaite commercialiser
son fonds, les levées de fonds effectuées au sein de l'Union
européenne sont empreintes de complexité, de coûts
économiques et de risques. Ces facteurs se révèlent
particulièrement dissuasifs dans un domaine déjà fortement
empreint d'incertitude.
La suppression de ces barrières juridiques favoriserait
donc l'émergence de fonds de plus grande taille, le champ de
levée de fonds étant élargi d'autant. Ce
périmètre de levée potentielle de fonds n'est cependant
pas incommensurable. La proposition de règlement délimite en
effet clairement les investisseurs susceptibles de souscrire à ce type
de fonds. Soucieuse de préserver l'investisseur peu informé ou
considéré comme vulnérable de par sa taille, la Commission
européenne, dans sa proposition, réserve la commercialisation des
fonds à deux types d'investisseurs.
Tout d'abord, les investisseurs dits « professionnels
» seront seuls admissibles. Le terme de
40 Proposition de règlement relatif aux fonds de CR
européens, Commission européenne, 7 décembre 2011.
2~
«professionnels» est entendu au sens de la directive
de 2004 concernant les marchés d'instruments financiers41. Il
s'agit donc des entités tenues d'être agréées ou
réglementées pour opérer sur les marchés financier,
la directive précisant certaines catégories
présumées professionnelles : établissements de
crédit, entreprises d'investissement, autres établissements
financiers agréés ou réglementés, entreprises
d'assurance, organismes de placement collectif et leurs sociétés
de gestion, fonds de retraite et leurs sociétés de gestion,
négociant en matières premières et instruments
dérivés sur celles-ci, entreprises locales, autres investisseurs
institutionnels, mais également les gouvernements nationaux et
régionaux, les banques centrales, les organismes publics gérant
la dette, les institutions internationales, mais aussi des personnes ou
entités pouvant opter pour une telle qualification.
Mais certains autres investisseurs sont également
concernés, contrairement à la directive AIMF, tels que des
particuliers fortunés ou des business angels. L'idée est de
veiller à ce que les fonds bénéficient d'une
clientèle suffisante. Ces particuliers devront investir un montant
minimum de 100 000€ et reconnaître par écrit dans un document
séparé être informés des risques associés
à leur investissement. De plus, le gérant du Fonds de
Capital-Risque Européen concerné devra s'être assuré
de l'adéquation de l'investissement proposé à
l'expérience de l'investisseur avec confirmation écrite du
gérant d'avoir procédé à ces
vérifications.
Il est également prévu que « à
tout moment, les gestionnaires de fonds de capital-risque détiennent des
fonds propres suffisants et recourent à des ressources humaines et
techniques adéquates suffisantes pour assurer la bonne gestion des fonds
de capital-risque éligibles ». La proposition de
règlement ne mentionne donc pas de montant précisément
défini. Cette condition constitue ainsi une exigence potentiellement
plus souple que la directive AIMF qui prévoit pour sa part des montants
chiffrés. S'il est probable que les fonds de capital-risque
français (fonds non coordonnés) demeurent soumis aux exigences de
fonds propres applicables aux OPCVM coordonnés, ce qui ne modifierait
donc pas la situation, les termes adoptés par la proposition de
règlement pourraient néanmoins constituer un assouplissement dans
les autres Etats membres. Notons cependant que la Commission disposera en vertu
du règlement de la faculté d'édicter des normes techniques
en vue de la bonne application du règlement. Reste à savoir si
cette dernière concrétisera ces termes peu précis ou si
elle laissera l'appréciation de ces derniers aux autorités
nationales. S'il revient effectivement aux autorités nationales
d'apprécier, en résulterait une certaine insécurité
juridique, à défaut de montants explicitement fixés.
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