Les entraves au processus d'animation dans les projets de développement à la base au Togo: cas du projet de construction de bà¢timents scolaires à Anamé-Gbaganmé dans la Préfecture des lacs au Togo( Télécharger le fichier original )par Kossi Mawulé ATCHOTIN Université de Lomé - Matrise en sciences humaines, option sociologie 2011 |
CHAPITRE IV: INTERPRETATION DES RESULTATS ET SUGGESTIONS4.1 - Interprétation des résultats
Cette partie consiste à dévoiler le contenu des données recueillies sur le terrain. Il s'agit d'une démarche explicative dans le contexte de l'étude et à la lumière des travaux antérieurs. C'est également une analyse de contenu des informations recueillies à partir des méthodes quantitatives et qualitatives. Ceci nous permet de voir si l'hypothèse posée au départ s'avère vraie ou fausse. Ainsi, selon le contexte de l'étude notre interprétation se résumera autour de deux points à savoir : les réalités socioculturelles et économiques du village, l'implication et la participation de la population au microprojet. A cet effet, nous nous réfèrerons aux travaux d'Emile Durkheim et à deux paradigmes12(*) qui ont marqué les discours et les pratiques du développement, dans le tiers monde en général et en Afrique en particulier depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Il s'agit d'une part du paradigme déterministe fortement influencé par le positivisme13(*) et d'autre part, le paradigme interactionniste de type Weberien14(*). 4.1.1 - Les réalités socio-culturelles et économiques du villageIl est bien connu en sciences sociales que la monographie ou l'étude du milieu est indispensable pour la réussite des projets de développement communautaire destinés à répondre aux besoins des populations les plus défavorisées se trouvant dans les milieux ruraux. En admettant une similitude entre les réalités sociales, culturelles et économiques des communautés à la base des pays africains, il n'en demeure pas moins qu'elles varient également d'une communauté à une autre, selon le contexte social dans lequel se trouvent ces acteurs sociaux de la paysannerie africaine et qui sont dotés d'une rationalité relative. Autant de relativité dans les réalités socioculturelles et économiques, autant de besoins et de problèmes qui minent le développement des communautés à la base. Au rang des réalités socioculturelles, on peut citer l'analphabétisme, l'illettrisme, l'inexistence des infrastructures socio-communautaires, les querelles intestines, les conflits identitaires pour ne citer que ceux-là. Les réalités économiques quant à elles sont caractérisées en majeure partie par l'extrême pauvreté, le manque de moyens de subsistance. La communauté d'Anamé-Gbaganmé ne fait pas exception. A la lumière des informations recueillies sur le terrain, la majorité des enquêtés est illettrée et analphabète. Une minorité a une éducation primaire et secondaire tandis que la majorité est agriculteur ; ce qui montre que l'agriculture est la principale activité du milieu.
L'approche participative vise à associer les populations bénéficiaires des projets de développement afin d'assurer l'autopromotion de leur milieu. L'autopromotion des populations à la base n'est possible s'il n'existe pas une instance suprême qui garantit le respect des valeurs traditionnelles et des normes sociales.
Le garant de cette instance suprême est le chef du village. L'absence de l'autorité d'un chef du village est source de division, de désordre, d'anarchie et de situation conflictuelle entre les fils d'une même communauté entraînant la faiblesse du contrôle social (ensemble des moyens mis en oeuvre dans une société ou groupe social pour faire en sorte que ses membres se conforment aux normes et aux règles dominantes). Ce point de vue prend appui sur les travaux d'Emile Durkheim (1893) en matière de la cohésion sociale. Selon Emile Durkheim, la cohésion sociale résulte de l'intériorisation de normes et valeurs communes par les individus, par une conscience collective et par le contrôle social.
La population d'Anamé - Gbaganmé semble connaître cette situation ou la majorité des enquêtés affirme que le village ne dispose pas d'un chef (Tableau N°4) et reconnait qu'il n'y a jamais eu d'intronisation d'un chef du village et que cela est dû à une mésentente de la population sur son intronisation (Tableau N° 6a et N° 6b). Dans cette situation, la majorité des personnes interrogées refuse de répondre aux appels du dirigeant du village (Figure N° 2) et respecte rarement ses décisions (Figure N° 3). A la lumière de ce qui précède, il apparaît une existence de petites querelles entre les fils du village d'Anamé - Gbaganmé. Ces querelles qui divisent la population d'Anamé - Gbaganmé ne leur permettent pas d'être ensemble pour prendre en main le développement local de leur village. De plus ces querelles constituent une source de division et de mésentente entre ladite population. Par ailleurs, la mise en place d'une dynamique de développement d'un milieu doit plutôt prendre appui sur les logiques aussi bien socioculturelles qu'économiques du milieu à développer qu'aux logiques des développeurs. S'inspirant du paradigme déterministe : « La conception dominante du développement est déterministe. C'est celle d'Aguste Comte, pour qui la marche du progrès suit un cours naturel et nécessaire, tracé par la loi de l'organisation humaine » Ce paradigme a dominé au cours de ces trente dernière années en Afrique, les pratiques du développement en général et du développement communautaire en particulier, le processus du développement se réduit, grosso modo, à une simple question de transfert « mécanique » des facteurs définis comme les déterminants des transformations sociales nécessaires à « l'évolution » d'une société sous-développée : la technologie et le capital financier. Les perceptions, les valeurs et l'univers symbolique des populations ne sont guère pris en considération dans les opérations du développement. Yao Assogba (1988b). Si l'on veut garantir l'autopromotion d'un milieu à travers la mise en place des projets de développement communautaire, la démarche des agents de développement communautaire doit plutôt consister à bien analyser les relations sociales existant entre les acteurs sociaux dans un système social, de manière à reconstituer les intérêts, les stratégies, les enjeux qui s'organisent par rapport aux objectifs que chaque individu ou groupe cherchent à atteindre. Ce type d'intervention, inspiré du paradigme interactionniste demande à ce que les agents de développement qu'ils fassent partie de la communauté locale ou qu'ils soient extérieurs à celle-ci entre en contact direct avec les populations rurales ou urbaines, d'abord pour les écouter et les comprendre, ensuite pour chercher avec elles les voies et moyens d'une véritable autopromotion paysanne. Les structures sociales et les valeurs traditionnelles des villages constituent généralement le point de départ d'une dynamique de développement. Yao Assogba (1988b). Dans le cadre du projet de construction de bâtiments scolaires à Anamé - Gbaganmé, cette démarche ne semble pas être entreprise à l'étape d'identification dudit projet, car bien que les bâtiments scolaires fassent partie des besoins de la communauté, d'autres besoins sont plus prioritaires. Pour une population où l'agriculture est la principale activité (tableau N° 3), les activités génératrices de revenu (tableau N° 11) constituent une autre source de subsistance. La majorité des personnes interrogées expriment le besoin de financement de leurs AGR afin qu'elle parvienne à couvrir leurs besoins alimentaires (tableau N° 13). Cette situation explique la faible mobilisation de la communauté autour du projet de bâtiments scolaires. * 12 Pour Thomas kuhn, dans La structure des révolutions scientifiques (1962), le paradigme est un modèle théorique de pensée qui oriente l'ensemble de la recherche et de la réflexion théorique dans un domaine donné et pendant une période donnée. * 13 Le classique du paradigme déterministe, W.W. ROSTOW (1963). Les étapes de la croissance économique, Paris, Seuil. * 14 Raymond BOUDHON (1984). La place du désordre critique des théories du changement social, Paris, PUF. |
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