De la psychanalyse du sujet connaissant à l'objectivité scientifique dans l'épistémologie Bachelardienne( Télécharger le fichier original )par Merleau NSIMBA NGOMA Université chrétienne Cardinal Malula RDC - Licence en philosophie et lettres 2009 |
II.1.8. Le mythe de la digestionEn matière de la connaissance, les objets et les hommes relèvent du même diagnostique. Partant, le réel est conçu comme aliment : « l'enfant porte à la bouche les objets avant de les connaître, pour les connaître »140(*). Mais cela n'est pas le problème ; il s'agit de la digestion, propriété pivot autour de laquelle tourne sans fin l'esprit préscientifique. La digestion est conçue comme une lente et douce cuisson ; en ce sens « toute cuisson plongée est une digestion »141(*). « La digestion, poursuit Bachelard, est difficile à expliquer, preuve certaine de la majesté de la nature mais pour les esprits préscientifiques, elle ne s'explique que dans le règne des valeurs. Une telle explication cesse de donner prise à la contradiction. C'est aimer profondément que d'aimer des qualités contradictoires »142(*). Une telle conception des choses est évidement loin de favoriser le progrès de la science. II.1.9. Libido et une connaissance objectiveSi la presque totalité des élèves, pendant le cours de chimie, attribuent le rôle actif à l'acide et le rôle passif à la base, c'est parce qu'un esprit en formation, devant une expérience nouvelle, trouve de prime abord des pensées sexuelles. Et en creusant l'inconscient, on s'aperçoit que la base est féminine et l'acide est masculin. Et, on parlera de sels hermaphrodites, le fait que le produit soit un sel neutre. Ce sont là des véritables obstacles, car on attribue aux phénomènes physico-chimiques une propriété sexuelle. Voilà pourquoi « une psychanalyse complète de l'inconscient scientifique devrait entreprendre une étude de sentiments plus ou moins directement inspirés par la libido »143(*). En effet, nous avons que « c'est l'homme, tout entier, écrit Bachelard, avec sa lourde charge d'ancestralité et d'inconscience, avec toute sa jeunesse confuse et contingente, qu'il faudrait considérer si l'on voulait prendre la mesure des obstacles qui s'opposent à la connaissance objective, à la connaissance tranquille. Hélas ! Les éducateurs ne travaillent guère à donner cette tranquillité ! Partant, ils ne guident pas les élèves vers la connaissance des objets, ils jugent plus qu'ils enseignent... Ils ne font rien pour guérir l'anxiété qui saisit tout esprit devant la nécessité de corriger sa propre pensée et de sortir de soi pour trouver la réalité objective »144(*). La connaissance objective immédiate est qualitative selon Gaston Bachelard. En tant telle, elle apporte une erreur à rectifier car elle a chargé inutilement l'objet à connaître par des impressions et images subjectives. C'est ce qui nécessite une psychanalyse afin de la décharger. A la fin de son ouvrage `'la formation de l'esprit scientifique'' Bachelard cite les autres aspects d'obstacles épistémologiques qui, à notre avis, ne concernent pas directement l'esprit qui cherche à connaître. Car, nous nous sommes intéressés jusque là, aux obstacles qui freinent l'esprit scientifique dans son élan vers l'abstraction. Mais ce sont des obstacles portent, pour mieux dire, la réflexion sur les instruments de mesure qui, d'après la physique moderne, comportent toujours des erreurs. Ces obstacles sont appelés les obstacles de la connaissance quantitative. Il écrit, à cet effet, « la grandeur n'est pas automatiquement objective... Et il suffit de quitter les objets usuels pour qu'on accueille les déterminations géométriques les plus bizarres, les déterminations quantitatives les plus fantaisistes »145(*). Autrement dit la connaissance quantitative recèle, elle aussi des obstacles épistémologiques entre autres « l'excès de précision et les instruments de mesures, l'abus de déterminations réciproques, la méconnaissance des réalités d'échelles ».146(*) Car, en effet, poursuit-il, « les relations d'objet échappent dès qu'on prétend épuiser d'un seul coup la détermination quantitative. C'est en deçà et non au-delà de la mesure en tant méthode discursive, que l'objectivité est alors affirmée en tant qu'instruction directe d'un objet... Il faut réfléchir pour mesurer et non pas pour réfléchir »147(*). Des lors, nous comprenons que l'attachement aux intuitions usuelles, l'expérience commune prise dans notre ordre de grandeur n'est rien d'autre que ce qui entrave la pensée scientifique contemporaine. Voilà pourquoi, nous dit Bachelard, il faut une rupture avec ces habitudes. Pour cela, « l'esprit scientifique, ne doit pas imposer partout la légalité de l'ordre de grandeur familier, il doit allier la souplesse à la rigueur et reprendre toutes ses constructions quand il aborde des nouveaux domaines »148(*). * 140 Ibid., p.169. * 141 Ibid., p.172-173. * 142 G. BACHELARD, la formation de l'esprit scientifique, p.181 * 143 Ibid, p.207. * 144 Ibid., p.209. * 145 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.211. * 146 Ibid., p.212. * 147 Ibid., p. 213. * 148 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.213. |
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