2.2 Quelques exemples d'expérimentation
2.2.1 Présentation des classes
Lors de mon stage en responsabilité, j'ai pris en charge
deux classes de quatrièmes dans un établissement classé
« Réseau de Réussite Scolaire » (RRS). J'ai dès
les premières
heures de cours pu constater que dans chaque classe, une
moitié des élèves au moins ne montrait pas
d'intérêt particulier à ce que je leur enseignais. La
plupart bavardait sans cesse, plus ou moins discrètement et les
sanctions ne semblaient pas les effrayer outre mesure. Après en avoir
discuté avec plusieurs enseignants intervenant dans ces deux classes,
j'ai vite compris que ces élèves se
désintéressaient complètement de l'école et pour la
plupart n'avaient pas de suivi chez eux. Pour essayer de calmer les bavardages
et d'instaurer un climat plus calme dans les classes, j'ai mis en place un plan
de classe pour chaque classe en essayant de séparer les plus bavards.
Cela n'a pas été évident étant donné que je
ne connaissais les élèves que depuis très peu de temps.
J'ai également mis en place des sanctions pour le bavardage : recopie du
cours, exercices supplémentaires, qui étaient suivies d'heures de
colle dans le cas où elles n'étaient pas effectuées. Les
élèves étaient au courant à l'avance de ce qu'ils
risquaient, ils n'étaient donc pas pris au dépourvu et ne
pouvaient attribuer la sanction qu'à leur comportement. J'ai
essayé de ne rien laisser passer, d'appliquer ces nouvelles
règles très rigoureusement en espérant que les
élèves se lasseraient assez rapidement de ces sanctions.
Malgré ces aménagements, le calme n'est pas arrivé
immédiatement dans la classe et l'attitude des élèves
n'est pas devenue exemplaire. Il m'a donc semblé particulièrement
nécessaire de mettre en place des activités qui pourraient
être susceptibles d'intéresser les élèves afin de
piquer leur curiosité, de leur donner envie d'apprendre. Je voulais
également que ces activités permettent de donner du sens aux
notions enseignées pour que les élèves comprennent
pourquoi elles leurs étaient transmises et ne les voient pas comme des
lignes de plus à apprendre par coeur.
Je vais donc dans la suite détailler deux
activités que j'ai mises en oeuvre durant mon stage en
responsabilité. Ces deux activités avaient pour but d'introduire
des notions concernant les puissances.
2.2.2 Activité introduisant la notation avec les
puissances
La première activité dont je vais parler (cf.
annexe 1) avait pour vocation d'introduire la notation des puissances en classe
de quatrième. Cette activité avait deux objectifs principaux :
tout d'abord, introduire la notation avec les puissances et ensuite justifier
l'utilité de cette notation. L'idée pour cela était de
faire apparaître des grands nombres, très difficiles à
lire, et de donner aux élèves une autre façon de les
écrire, beaucoup plus rapide et facile à lire. Lors du
déroulement de cette activité, je souhaitais que ce soit les
élèves qui découvrent les
notions, notations et leurs utilités sans mon aide. Je
voulais vraiment que les élèves construisent eux-mêmes le
cours afin qu'ils puissent le retenir plus aisément.
L'activité se base sur un texte que j'ai voulu
accessible par tous les élèves et qui de plus, pouvait susciter
la curiosité et par conséquent la motivation de la plupart
d'entre eux. En effet, le texte parle d'une rumeur qui se propage au
collège, c'est une situation parfaitement réaliste pour les
élèves qui peuvent tout à fait s'identifier aux «
personnages » de ce texte.
Dans la première phase de cette activité, les
élèves cherchent individuellement à répondre
à la première question, c'est-à-dire à remplir le
tableau correspondant au nombre de personnes informées de la rumeur les
premiers jours du mois d'avril. La mise en commun se fait assez rapidement afin
de ne pas laisser des élèves s'engouffrer dans de mauvais
raisonnements et donc de mauvais calculs. Pour corriger cette question en
classe, j'ai choisi de représenter la situation au tableau par un arbre
(cf. annexe 2) afin que les élèves puissent visualiser la
situation. Je pense en effet que cette façon de procéder est plus
ludique qu'une « simple » explication car elle se présente
sous forme d'un dessin. De plus, certains élèves ayant une
mémoire visuelle, ils retiendront plus facilement cette
présentation. Grâce à l'arbre, le fait qu'il faille
multiplier par 3 pour passer d'un jour au suivant est venue de manière
intuitive pour la plupart des élèves. J'ai donc fait
apparaître à côté de l'arbre les opérations
nécessaires pour trouver le résultat en laissant toutes les
multiplications par 3 (cf. annexe 2).
Pour la suite de l'activité, j'ai utilisé le
tableur. La manipulation n'étant pas évidente, j'ai
manipulé seule le tableur, en vidéo-projetant la manipulation au
tableau. Ce sont par ailleurs les élèves qui devaient me dire
comment remplir les cellules. L'utilisation du tableur dans cette
activité visait à introduire la notation avec les puissances mais
également à mettre en évidence son intérêt.
Voici comment s'est déroulée la manipulation : dans un premier
temps, j'ai bien expliqué aux élèves à quoi
correspondaient les différentes colonnes: dans la colonne A, ce sont les
jours du mois d'avril, dans la colonne D on trouve le nombre de personnes qui
apprennent la rumeur chaque jour, et dans la colonne E les opérations
permettant de calculer le nombre de personnes informées de la rumeur
chaque jour (c'est-à-dire les multiplications par 3) (cf. annexe 3).
J'ai ensuite demandé aux élèves comment remplir la colonne
D, le but étant qu'ils remarquent qu'il suffisait de multiplier par 3 le
résultat de la case du dessus. Pour les premières cases, ils
m'ont donné les résultats qu'ils avaient calculés
auparavant puis Thibault et Joris m'ont fait remarquer que grâce au
tableur il y avait un moyen plus rapide de calculer les résultats des
cases suivantes. C'était tout à fait la réaction que
j'attendais car c'était
là une grande partie de l'utilité du tableur.
Lors de cette activité, même si j'ai manipulé seule le
tableur, les élèves ont été actifs car ce sont eux
qui me dictaient le remplissage des cellules ; il est important que les
élèves se sentent acteurs et non pas spectateurs de la
séance, c'est en construisant eux-même les notions qu'ils les
retiendront le mieux. Dans la suite de l'activité, lorsque j'ai «
glissé vers le bas » afin de remplir les autres cases, les
élèves ont pu constater que le nombre de personnes augmentait
à une vitesse impressionnante, et que le nombre obtenu dans la
dernière case était très grand, la plupart d'entre eux ne
savaient d 'ailleurs pas comment il se lisait. Ryan a laissé
échapper un « ouuuaaaaaaaaahhh » d'étonnement, surpris
par la longueur du nombre obtenu dans la trentième case. J'ai ensuite de
la même façon « glissé vers le bas » le contenu
de la colonne E, ce qui a permis d'afficher les opérations (seulement
les multiplications par 3) permettant d'obtenir le résultat de la
colonne D (cf. annexe 4). Lorsque j'ai réalisé cette
manipulation, il y a eu une forte réaction des élèves,
similaire à celle de Ryan, qui ont été
impressionnés par la taille que prenaient les multiplications
successives. C'est grâce à cette réaction que j'ai pu
suggérer de trouver une écriture qui pourrait simplifier aussi
bien l'opération que son résultat qui n'était pas lisible.
Pour faire « deviner » cette notation aux élèves, j'ai
fait appel à une notation qu'ils connaissaient déjà : le
carré d'un nombre. Je suis donc repartie du haut du tableau en faisait
remarquer aux élèves qu'ils connaissaient une autre
écriture de « 3x3 »; je leur ai ensuite fait remarquer que
« 3x3 = 32 » et que la puissance correspond ici au nombre
de facteurs de l'opération effectuée. Ce sont ensuite les
élèves qui à partir de ces observations ont eux même
trouvé la notation correspondant aux opérations suivantes.
Florine m'a par exemple suggéré : « Du coup quand on a trois
facteurs, on met un petit 3 en haut, et quand on en a quatre, on met un petit
4, etc. ». J'ai fait apparaître cette notation dans les colonnes B
et C du tableur (cf. annexe 5), il ne restait plus alors qu'à introduire
le vocabulaire. Grâce aux étapes précédentes, les
élèves ont pu comprendre l'utilité, et même dans
certains cas la nécessité d'utiliser la notation avec les
puissances. Ils ont en effet découvert un moyen court et rapide
d'écrire un nombre très long correspondant à une suite
d'opérations. Ce qui a été mis en avant dans cette
activité est réellement le fait qu'écrire une suite de
multiplications d'un même nombre grâce à la notation avec
les puissances permet tout d'abord une économie de temps mais
également d'éviter un certain nombre d'erreurs dues par exemple
à un grand nombre de facteurs. Il y a en
effet moins de risques de se tromper en écrivant
330 que « 3x3x...x3 » avec trente facteurs
oül'on risque d'oublier ou de rajouter des facteurs. Il est
également plus facile d'écrire 330 que
l'écriture décimale de ce nombre. Ce sont ces
deux points que je souhaitais mettre en avant dans cette activité. De
plus, ce sont les élèves qui ont construit cette notation car ils
en avaient besoin pour simplifier les notations dont ils disposaient
auparavant. Ils en voient donc immédiatement l'utilité et
pourront ainsi se souvenir des raisons pour lesquelles elle est
nécessaire.
Dans la suite du chapitre, j'ai fait appel plusieurs fois
à cette activité lorsque les élèves ne se
souvenaient plus à quoi correspondait cette écriture ; ils
pouvaient ainsi se remémorer l'activité et donc la
définition de cette notation ainsi que son utilité.
Cette activité s'est déroulée comme je le
souhaitais avec mes deux classes. Durant cette séance, les
élèves ont été plutôt attentifs et ont
beaucoup participé. La rumeur a piqué leur curiosité et
ils avaient envie d'avoir la réponse à la question posée.
Ils ont construit euxmêmes cette notation et ont pu en constater
l'utilité. Ce fut une séance très positive, que je
n'hésiterai pas à renouveler avec mes classes futures.
Une dernière remarque à propos de cette
activité : lors de l'affichage du nombre correspondant aux personnes
informées de la rumeur le 30 avril, Lory m'a fait remarquer que ce
nombre était supérieur à 6,6 milliards, et donc
supérieur au nombre d'habitants sur Terre. C'est une chose à
laquelle je n'avais pas pensé mais sur laquelle il est possible de
rebondir en mettant en avant la vitesse de propagation que permet un outils tel
qu'internet ou même le téléphone. C'est là encore
une réalité qui touche tous les élèves de nos
jours. Cette remarque démontre cependant que l'activité a
réellement fonctionné, en effet si Lory pose cette question c'est
qu'elle montre un intérêt certain à l'activité
proposée et à son résultat. Cela signifie que
l'activité a eu l'effet escompté : les élèves s'y
sont réellement intéressés et c'est sans doute la raison
pour laquelle ils se sont montrés sérieux et volontaires tout au
long de la séance.
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