2.4. Discussion
2.4.1. Cinétiques de minéralisation de
carbone
Pour les 12 matières organiques testées, le
dégagement rapide de CO2 au début d'incubation jusqu'au
10ème jour correspond à la décomposition des
composés solubles facilement dégradable contenus dans les apports
organiques. (Hermann et al, 2002). Un autre processus également
peut se produire : « le priming effect ». Suite à
l'apport de composés organiques riches en énergie utilisable par
les microorganismes, l'activité microbienne est stimulée et
accélère la minéralisation du carbone organique native du
sol (Fontaine et al, 2004). Au-delà de 10ème
jours, les cinétiques de minéralisation de carbone organique
diminuent pour toutes les matières organiques. La diminution est
fonction de la nature des matières mais la minéralisation des
composées continue.
Selon Francou (2003), on peut interpréter les
cinétiques de minéralisation de carbone en fonction du
degré de maturité des matières organiques. D'après
la gamme de stabilité22 que
22 La stabilité d'une matière organique
est communément appelé la maturité (Francou, 2003)
l'auteur a réalisée à 108 jours, on a
ainsi les matières fortement stabilisées (entre 0 et 10%), les
matières stabilisées (de 10 à 15%), les matières
moyennement stables (de 15 à 20%), les matières instables (de 20
à 30%) et les matières très instables (supérieur
à 30%). Les niveaux de stabilité des 12 matières
testées sont basés sur cette gamme.
Ainsi, le terreau d'Andralanitra (TA) et le compost d'ordures
(OC) qui ont une cinétique de minéralisation très faible
sont hautement stabilisés. Et le compost de feuille (CF) et le taroka,
(Tk), qui ont des taux de minéralisation du carbone apporté entre
15 et 19% sont moyennement stables. Ces matières en relation avec leur
teneur en carbone organique total, ont une valeur amendante. C'est pour cette
raison que les paysans recourent aux terreaux d'Andralanitra pour substituer ou
compléter les fumiers bovins en cas d'indisponibilité.
Le Guanomad (Gm) et les ordures incinérées (OI)
présentent un comportement similaire. Au début d'incubation, ils
se minéralisent fortement. L'incinération subie par OI facilite
la libération de son carbone. Mais à partir du
10ème jour jusqu'au 28ème, le
dégagement de CO2 est décroissant. Plusieurs hypothèses
sont possibles. L'erreur expérimentale paraît peu probable, les
mesures étant faites à 10, 14, 21 et 28 jours, la tendance se
répète. La deuxième hypothèse est expliquée
par la consommation de CO2 par le développement de micro algues vertes
photosynthétiques alors que la troisième hypothèse
évoque la possibilité d'un piégeage du CO2 par ces
matières pauvres en carbonates. Cependant la minéralisation
reprend faiblement pour le Guanomad qui atteint un taux de 24% et plus
fortement pour OI qui atteint 80%.
Le fumier de volaille (FV), le terreau d'Ilafy (CAi),
l'activateur biologique de Prochimad (Pm) et le fumier de porc (FP),
présentant des taux de minéralisation compris entre 41 et 48%
sont considérés comme étant instables. Leur effet sur
l'entretien de la matière organique du sol est modéré au
regard des quantités de carbone initial. Les paysans classent ces
matières organiques à la deuxième place après le
fumier de bovin.
Le fumier de bovin (FB) qui s'est minéralisé
à 65% au terme de l'incubation est instable. Sa minéralisation
est assez rapide pour une matière utilisée pour l'entretien de la
fertilité. La gestion23 de cette matière ne lui a pas
permis d'atteindre un degré de maturité élevé, et
son incorporation au sol suscite le développement d'une forte
activité microbienne dégradant les matières organiques
facilement métabolisables. Mais la quantité restante de
matières plus difficilement minéralisables (lignine) et la
quantité élevée en carbone organique total dans les
fumiers lui confèrent un fort pouvoir amendant et une fertilité
intéressante. D'après Chabalier, (2006), le fumier sert à
l'entretien du stock d'humus du sol et joue surtout sur
l'amélioration
23 Gestion de fumier par les paysans : Les
paysans étendent les résidus de récoltes et les
bozaka dans les fosses fumières, Les bétails
piétinent en même temps les résidus et ses
excréments, quand les litières sont mouillées ou boueux,
les paysans ajoutent une deuxième couche de résidus sans attendre
la dégradation de la première couche et les bétails y
piétinent de nouveau, les paysans continuent ces procédures
jusqu'à ce qu'il ne reste plus de résidus. Certains paysans
laissent les fumiers se décomposer dans les fosses fumières,
d'autres les sortent et laissent s'entasser dans la cours pour être
utilisés aux champs sans attendre la maturité.
de la structuration du sol (apport de matière organique
jeune) et des activités biologiques. L'apport d'humus au sol est de
l'ordre de 100 kg par tonne de fumier apportée. Ceci explique la
prédominance d'utilisation du fumier de bovin dans la pratique paysanne
comme produits d'amendement du sol (paragraphe 1.3.2.2 et 1.3.2.3.3).
Pour le compost de Vohitra environnement (VE), qui a un taux
de minéralisation de carbone organique 110%, le carbone produit au cours
de l'incubation provient de la minéralisation d'une MOS autre que celle
qui a été introduite. En présence d'un
phénomène de priming effect, l'apport organique a
provoqué une sur-minéralisation de la matière organique du
sol en place. Ce processus est dû à une stimulation de
l'activité microbienne par l'apport de matières organiques
fraîches qui a augmenté la minéralisation de la
matière organique du sol (Kuzyakov Y. et al., 2000 ; Fontaine
S. et al., 2003b). Cette matière n'a pas de pouvoir amendant du
sol.
Les produits stables tels que le terreau d'Andralanitra (TA),
le compost d'ordure (OC), le compost de feuille (CF), et le taroka (Tk) sont
des produits qui ont subi un processus de compostage aérobie ou
anaérobie et les produits instables comme le fumier de volaille (FV),
l'activateur biologique de Prochimad (Pm), le fumier de porc (FP) et le fumier
de bovin (FB) n'ont pas subi un processus de compostage.
Les taux de minéralisation des produits
compostés sont inférieurs aux taux de minéralisation des
produits non compostés. Ces résultats conformes aux études
de Gebhart, (1986) et de Busby (2006). Busby (2006) a comparé la
minéralisation de carbone organique dans les sols incubés avec
des déchets urbains compostés et des déchets urbains non
compostés. Le pourcentage de C minéralisé est
significativement inférieur dans les sols incubés avec des
déchets compostés. Dans les produits compostés, les
proportions des composés facilement dégradables (cellulose et
hémicellulose) qui sont exploitables par les microorganismes sont
faibles ou nulles, donc l'activité microbienne diminue.
Enfin, l'apport des matières organiques fraîches
pourrait induire une accélération ou un retard de la
décomposition de la matière organique du sol, en plaçant
les différents types de microorganismes en compétition
vis-à-vis des éléments nutritifs (Kuzyakov et
al., 2000 ; Fontaine et al., 2003). Cette étude ne permet
pas de quantifier cet effet, il faudrait pour cela mener une analyse
simultanée de la dynamique des nutriments libérés et de
l'activité microbienne dans le sol (Kuzyakov et al., 2000).
D'autant plus que le priming effect semble être influencé
par le type de matières fertilisantes (chimiques et organiques)
apporté au sol, cette analyse permet de tenir compte de cet effet dans
la comparaison de la qualité de ces matières ; étude que
nous abordons par la suite.
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