2.2. Caractéristiques des ferralsols
Les ferralsols sont marqués par leurs richesses en
certains minéraux argileux (kaolinite) et en sesquioxydes
métalliques (oxy-Hydroxyde de fer et d'aluminium). Un des principales
caractéristiques des sols ferrallitiques aussi est leur appauvrissement
en matière organique principalement l'humus qui possède un
degré de décomposition élevé. Cette
décomposition de la matière organique est poussée et
celle-ci est très liée à la matière minérale
en particulier, aux argiles et aux sesquioxydes (Aubert et Segalen, 1966 ; de
Boissezon, 1977 ; Aubert, 1954a ; Feller, 1993 ; Volland-Tuduri, 2005). Les
ferralsols de « tanety » sont caractérisés par
une forte proportion de kaolinite et de gibbsite, et en outre la
présence d'aluminium échangeable (supérieures à 1
cmole.kg-1 de terre ) pouvant atteindre le seuil de toxicité
pour la plante et limite fortement la disponibilité en phosphore
phytodisponible malgré une teneur potentielle élevée de P
dans ces sols, le pouvoir fixateur de ces sols vis-à vis du P
étant élevé. Ces sols ferralitiques sur les hautes terres
malgaches sont généralement acides (les pH se situent entre 4 et
5,5), pauvres en matières organiques, avec une faible capacité
d'échange (CEC inférieure à 5 cmole kg-1), de
faibles teneurs en cations et généralement carencés en
phosphore bien que présentant une teneur en P total
parfois voisines de celles observés dans les sols tempérés
(Rabeharisoa, 2004).
De plus, ces sols peuvent subir une forte dégradation due
à l'insuffisance de couverts végétaux les rendant ainsi
très vulnérables à l'agressivité des conditions
climatiques.
Protégés de l'érosion et mis en valeur
par l'apport d'engrais ou d'amendement, les ferralsols de « tanety
» peuvent être favorables à certaines cultures qui sont
variables selon les régions (maïs, arachide, manioc, canne à
sucre, bananier).
Figure 1.4: Structures cristallographiques de la
kaolinite (Source : Sigg et al., 2001) cité par
Rabeharisoa, 2004.
2.3. Matières organiques des ferralsols
La source primaire de matière organique du sol est
constituée essentiellement par les produits de décomposition de
la litière, des racines mortes, des exsudats racinaires, des produits
organiques de synthèse des germes autotrophes et des algues du sol. La
plus grande partie de ces matières organiques fraîches se
minéralise, libérant essentiellement du gaz carbonique et de
l'ammoniaque et un certain nombre de cations et d`anions minéraux ; une
faible partie se transforme en humus au sens large du terme selon Waksman
(1938). Les sols ferrallitiques ont une teneur élevée en
matières organiques avec une très faible activité
microbienne. De nombreux microorganismes libèrent aussi des
métabolites, principalement des acides organiques à courtes
chaînes mais à forte réactivité et à fort
pouvoir complexant tels que les acides lactique, acétique ou citrique
(Balesdent et al., 1998). Comme l'activité du compartiment
microbien est faible dans les sols ferrallitiques, à cause de
l'acidité du sol et d'autres propriétés chimiques
défavorables, la mise en culture des sols ferrallitiques s'accompagne
d'un appauvrissement en matière fraîche due aux activités
des champignons et de la dégradation de la structure des sols (Kouakoua
et al., 1997). Au moment du défrichement, on assiste à
des pertes considérables de matière organique, et donc d'azote
dans
la partie superficielle du sol, surtout de l'humus car la
litière est déjà souvent détruite par les feux de
brousse ou par la mise à feux des masses végétales (Boyer,
1982). Dans beaucoup de sols ferrallitiques, les rapports C/N sont de l'ordre
de 12 à 15 sous végétation naturelle et peut monter
à plus de 16 lorsque le pH est en dessous de 4,5, traduisant une
très mauvaise humification. En plus, la pratique de la jachère de
moyenne et longue durée, devient impossible lorsque la pression
démographique augmente dans une période économique en
pleine dépression, surtout que l'existence de deux saisons : une saison
sèche et fraîche et une saison chaude et humide, entraîne en
début des saisons culturales, lors des travaux du sol, un flush de
minéralisation de carbone et d'azote dans les sols (Rabeharisoa, 1993;
Chabalier et al., 2006). Ce mécanisme a pour effet une forte
mais de courte durée de minéralisation des matières
organiques apportées qui seront par la suite organisées dans le
sol pour constituer des matières humiques. L'humification est lente
(Andriamahady, 1980).
A Madagascar, le sol contient une forte quantité de
phosphore total (300 à 1200 mg P Kg-1) mais est
déficient en P biodisponible avec des teneurs inférieures
à 10 mg P Kg-1 avec extraction Olsen (Rabeharisoa, 2004). Ce
problème du phosphore a un effet notable sur le statut azoté de
ces sols; en effet, les microorganismes capables de minéraliser la
matière organique du sol et par la suite les composés
azotés sont limités par manque de phosphore biodisponible. La
matière organique des sols ferrallitiques recouvre la grande
majorité des humus de ces sols (de Boissezon, 1977).
Le fractionnement physique ou chimique des composés
organiques qui constituent l'humus se heurte à des difficultés.
En effet, la séparation des matières organiques
incomplètement décomposées de la fraction humifiée
ne peut se faire de façon précise étant donné
l'existence de produits intermédiaires tels que la lignine plus ou moins
transformée (Duchaufour, 1956). Les débris végétaux
en voie de décomposition contiennent déjà des
composés hydrosolubles précurseurs d'acides humiques (Kononov et
Belchikov, 1961). Enfin, certaines fractions humifiées sont
étroitement associées aux matières minérales des
sols (humine) de sorte que leur extraction par différentes
méthodes, même après des prétraitements
énergiques, n'est pas toujours possible. Cette fraction difficile
à isoler est particulièrement importante dans les humus de sols
ferrallitiques. Il est donc possible de caractériser les humus de sol
ferrallitique par l'importance relative de différentes fractions
séparés par diverses techniques, les résultats obtenus
sont fonction des conditions standardisées de ces méthodes
d`extraction ou de fractionnement.
Par ailleurs, ces fractions obtenues ne sont pas
considérées comme spécifiques; la nature chimique des
divers composés organiques extraits en même temps n'est
généralement pas la même. Il apparaît plutôt
que les composés organiques contenus dans ces diverses fractions ont
comme point commun leur mode de liaison avec les matières
minérales du sol et/ou leur domaine de solubilité.
Les résultats présentés par Pernet (1952)
en utilisant la méthode Henin et Turc, montrent que les
différentes fractions densimétriques sont plus ou moins riches en
matières organiques (figure 1.5). Les fractions de densité
supérieure à 2,4 ne contiennent pratiquement plus de
matière organique pour les sols issus de gneiss ; mais pour les sols
issus de basalte cette fraction lourde contient encore des taux relativement
importants de matières humifiées (Pernet, 1953). Pour les
fractions de densité inférieure à 2,4, il ne semble pas,
toujours d'après Pernet que l'on aboutisse à une
différenciation sélective des diverses substances humiques, et en
particulier les acides humiques et fulviques se répartissent dans les
différentes fractions densimétriques. Le pourcentage de
matières organiques légères est en général
assez faible dans les sols ferrallitiques, ce qui confirme la
décomposition rapide des débris organiques dans ces sols.
Figure 1.5: Teneur en matières organiques des
fractions densimétriques des sols à Madagascar d'après
(Pernet, 1952).
Le taux d'humification, ou plutôt le pourcentage de carbone
humifié extractible correspond au rapport :
CMHT/100*C Total d'après de Boissezon,
(1977)
Ce taux de carbone humifié dépend de la
méthode d'extraction des matières humiques utilisée. Il
est en général assez faible (10 à 35%) dans le cas des
sols ferrallitiques, même si on utilise les réactifs d`extraction
les plus efficaces comme le pyrophosphate ou la soude diluée. Il varie
sensiblement avec la technique utilisée (rapport sol/réactif
d'extraction, temps de contact, agitation, broyage préalable plus ou
moins poussé, etc.). Il est donc difficile de caractériser les
différents types d'humus par ce pourcentage. Seules des conditions
strictement standardisées permettent de faire quelques comparaisons
valables.
Bilan des matières organiques des
ferralsols
Henin et Dupuis, (1945) ont essayé de chiffrer le bilan
des matières organiques dans le cas des sols ferrallitiques. En
supposant qu'au total la quantité de matières organiques qui se
transforme en humus est proportionnelle, pour un type de sol donné,
à l'apport annuel de matière organique primaire. Si A
est cet apport annuel, on peut définir un coefficient Kl ou
coefficient isohumique (Henin et Dupuis, 1945) correspondant à la
fraction de la matière organique fraîche qui est
transformée en humus. Ce coefficient de transformation pourrait à
la rigueur être considéré comme constant pour un type de
sol donné, si les conditions pédoclimatiques qui président
à l`humification pouvaient être considérées comme
constantes (Russell, 1964). Ce coefficient doit être par ailleurs
très variable en fonction de la nature des matières
végétales qui se décomposent et s'humifient. Sous
végétation naturelle, il va de soi que la vitesse et les
rendements d`humification doivent être très différents
suivant la nature plus ou moins lignifiés, et la richesse en azote
très inégale des matières organiques fraîches
(feuilles, branches, etc.). Les rendements d'humification dépendent
sûrement des conditions dans lesquelles s'effectuent ces transformations
: sur le sol (litière) et dans le sol (racines). Si L et R
représentent respectivement l'apport pendant l`unité de temps t,
d'une part de résidus végétaux sur le sol, d`autre part de
racines mortes et d'exsudats racinaires ; il est nécessaire, pour
établir le bilan de l'humification, de faire intervenir deux
coefficients fi et fr, qui correspondent aux fractions de ces matières
organiques qui ne sont pas minéralisées et perdues par oxydation,
érosion ou lessivage hors du profil. L`augmentation du taux d'humus
pendant la période de temps considérée est donc
exprimée par l'expression mathématique :
f1L+frR
Ces coefficients seraient compris entre les limites suivantes
:
f1 :1/4 à 1/10
f2 : 1/2 à 1/5 lorsque les poids de matières
organiques de la litière et des racines sont exprimés par leurs
teneurs en carbone.
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