1.3.3. Exemples de valorisation agricole des déchets
: avantages et risques liés à cette pratique
La gestion des déchets est un réel enjeu urbain
au niveau économique, environnemental et social. Elle entraîne
des coûts considérables (transport, main d'oeuvre...) et le
recouvrement
de la redevance, pour l'évacuation et le traitement des
ordures ménagères auprès des ménages, est moins
efficace dans les PED. Mais l'exploitation des gisements de déchets peut
avoir des impacts positifs sur la filière en terme de
génération d'emplois et de ressources. Des activités de
récupération, de recyclage et de transformation sont souvent
entreprises par le secteur informel. L'utilisation des déchets en
agriculture n'est pas un phénomène nouveau et n'est pas
spécifique au PED. Au XIXème siècle, à Paris,
l'agriculture urbaine et périurbaine utilisait une large part des
déchets urbains et des eaux usées pour l'entretien du sol et
l'irrigation des cultures (Fleury et Moustier, 1999). Aujourd'hui, les
matières épandues sont des effluents d'élevage mais aussi
des matières issues des filières agroalimentaires voire urbaines
: boues de stations d'épuration, ordures ménagères
compostées, déchets verts compostés. En Afrique, elle
concerne divers types de matières organiques pour maintenir et
améliorer la productivité, la fertilité des sols
(Asomani-Boateng et Haight, 1999). Elle est également répandue en
Asie sous de multiples formes (Furedy, 2002). Les fermes en aquaculture
utilisent des excréments humains et animaux, les plantations (riz,
légumes, vergers) sont irrigués avec des eaux usées,
certains aliments destinés au bétail et à la volaille
proviennent de plantes aquatiques qui poussent dans les eaux usées
(Edwards et Pullin, 1990 ; Ghosh, 1990 ; Edwards, 1996b ; cités par
Furedy et al (2002). Au Burkina Faso, un projet d'utilisation des
excréments humains par séparation et traitement des urines et des
fèces a été mis en place au profit de l'agriculture
familiale (projet ECOSAN). Un peu partout apparaissent des stations de
compostage de la fraction fermentescible des ordures ménagères,
dans la ville de Mahajanga à Madagascar (projet GEVALOR), à
Kumasi au Ghana (projet IWMI). A Cotonou, au Bénin, des maraîchers
paient les conducteurs pour qu'ils déversent un camion de déchets
directement dans leur champ, ils les laisseront plus ou moins se
décomposer et en trieront ou non les déchets non organiques
(Brock, 1999). Comme le souligne Furedy et al. (2000), les
déchets sont souvent épandus dans les champs de façon
brute, tamisés ou après décomposition. Aujourd'hui, la
pratique la plus répandue à travers le monde, notamment en Inde,
en Chine et en Afrique, est l'épandage des déchets urbains issus
des anciennes décharges naturellement compostés.
Cependant, on ne peut s'intéresser à la
valorisation agricole des déchets sans évoquer les risques
environnementaux et sanitaires liés à leur utilisation. Les sols,
l'eau ou les produits de l'agriculture peuvent être contaminés par
des métaux lourds, des produits chimiques ou des organismes
pathogènes. Des recommandations quant à l'utilisation des
déchets doivent être émises et le traitement adopté
en fonction de leur nature et leurs finalités. N'Diénor (2006)
souligne que l'utilisation des déchets s'est accrue avec le
renchérissement du coût des engrais chimiques et que les PED
présentent une carence voir une absence de textes réglementant la
gestion des déchets liquides et solides et notamment leur usage
agricole. Aussi, la valorisation agricole des déchets est une pratique
ancienne à laquelle la recherche s'est peu intéressée.
Dès lors, les agriculteurs sont confrontés à un manque
d'informations sur les doses et les mélanges
nécessaires à un bon équilibre de la
matière organique utilisée (Moustier et al., 2004).
L'usage agricole des déchets est influencé et soulève des
questions d'ordre économique et logistique mais aussi agronomique. Des
recherches menées à Hanoi et à Bangkok ont
démontré que les agriculteurs ne sont pas disposés
à acheter un produit de mauvaise qualité, quel qu'en soit le prix
(Kim, 1995 ; Le, 1995 ; cités par Furedy et al., 2000). Ainsi
se pose la question, en quoi les déchets urbains sont-ils une ressource
intéressante pour améliorer et maintenir la fertilité en
AUP, comment sont-ils perçus et intégrés par les
agriculteurs urbains. L'étude développée dans ce
mémoire est menée dans le contexte d'Antananarivo, capitale de
Madagascar, et de son agriculture urbaine et périurbaine, que nous
allons maintenant présenter.
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