2 -- OBJET DE L'ETUDE
Cette étude vise à évaluer à moyen
terme les résultats obtenus par le processus d'ajustement conduit de mai
2006 à février 2007 au sein de la SMF. De manière
spécifique, il sera question tout au long du travail :
- de faire un état des lieux des problèmes et
difficultés de l'entreprise ;
- de présenter le processus d'ajustement, ses objectifs,
sa mise en oeuvre et ses résultats ; - de faire une analyse des
écarts et des facteurs explicatifs de ces derniers ;
- d'examiner les systèmes internes de l'entreprise en
rapport avec les écarts constatés, afin de faire des
recommandations ayant un impact durable sur la rentabilité de
l'entreprise.
Il importe à présent de faire ressortir
l'intérêt de cette étude.
3 --INTERET DE L'ETUDE
Grâce à la méthode de l'étude de
cas, cette étude envisage, faire la liaison entre le monde
universitaire, cadre d'élaboration des théories et concepts, et
les milieux d'affaires camerounais où se développent les
pratiques de management. Les résultats de notre investigation
permettront à la communauté scientifique de déceler les
facteurs explicatifs des défaillances des PME familiales camerounaises,
dans la perspective d'une élaboration plus efficace et efficiente des
stratégies d'intervention au sein de ces dernières. Ce travail
pourrait également constituer un repère pour les entrepreneurs
camerounais, afin de mieux agir pour répondre aux besoins de
développement de leurs entreprises.
A notre connaissance, il n'y a pour le moment aucune
étude sérieuse sur l'ajustement d'une PME de type patrimonial
à son environnement socio-économique au Cameroun. Notre
motivation ne peut être que grande, quand on sait l'importance des PME au
développement du tissu économique, de l'emploi et à la
réduction de la pauvreté au Cameroun.
A présent, un état de la littérature sur
les liens entre l'organisation (de production économique) et son
environnement, nous amènera à évoquer les
spécificités du management interculturel en Afrique.
4 -REVUE DE LITTERATURE
L'analyse des organisations est une démarche ancienne
dont les premières tentatives apparaissent au début du
siècle dernier et principalement en Occident, avec le
développement accéléré des activités et des
structures de production économique. Ce phénomène a
amené les spécialistes de tout bords (économistes,
ingénieurs, psychologues, sociologues, gestionnaires et
spécialistes des sciences de gestion), à se pencher davantage sur
le fonctionnement de ce type de structure. Les uns pour rechercher les voies et
moyens susceptibles de conduire à une plus grande efficience productive
de ces dernières, les autres pour relever les conséquences de
cette quête sur l'individu et le corps social. Nous passerons en revue la
littérature sur les relations entre les organisations de production
économique de taille réduite et leur environnement.
Les théories énoncées par les
théoriciens de l'école de la contingence ont retenu notre
attention dans un premier temps. Au-delà des limites et critiques de
cette précédente perspective, nous découvrons que la prise
en compte de la contingence et de la culture permet de rendre fructueuses les
relations entre l'entreprise et son environnement en Afrique. Puis, nous
faisons un survol de la littérature sur les difficultés des
entreprises et des entrepreneurs africains.
4.1 Orientations stratégiques de la PME et
influence de l'environnement
La relation qui existe entre l'environnement et l'organisation
est un élément central des théories en management
stratégiques (Ginsberg et Venkatraman, 1985 ; Bamberger, 1988). Le
contexte d'évolution de la firme peut également être
envisagé comme une variable affectant les stratégies des
entreprises (McArthur et Nystrom, 1991).
Différents courants de pensée existent et
expliquent de façon contraire l'importance du contexte et de
l'organisation. Astley et Van de Ven (1983) identifient quatre écoles de
pensée de la théorie des organisations en fonction du
degré de déterminisme / volontarisme et du niveau d'analyse
organisationnelle (entreprise ou population d'entreprises).
Les courants de pensée privilégiant le
déterminisme seront la théorie de la contingence au niveau
individuel et la théorie de la sélection naturelle
(écologie des populations) au niveau collectif. Le volontarisme se
retrouvera dans les choix stratégiques (individuel) et les
théories de l'action collective ou de l'écologie humaine (Astley
et Fombrun, 1983).
Le courant de pensée déterministe sied le mieux
à cette étude compte tenu de la taille réduite de la SMF
et des contraintes environnementales auxquelles elle fait face. Nous avons donc
préféré survoler les travaux des théoriciens de
l'école de la contingence pour étayer notre étude.
Variables organisationnelles
(1)
Stratégie
Processus
(4)
(3)
Output
Performance
4.1.1 Besoin d'adaptation des organisations : la
théorie de la contingence
Nous privilégions ici la thèse de l'école
de la contingence qui va intégrer le rôle prédominant de
l'environnement. L'entreprise sera dépendante de celui-ci pour
l'obtention de ses ressources et émettra des réponses
contingentes. Remarquons que cette contingence peut tout aussi bien
découler de l'environnement que de la taille, de l'âge, du
système technique ou de la répartition du pouvoir de l'entreprise
(Mintzberg, 1994 : 164), des caractéristiques de la direction (Kalika,
1995) ou encore du cycle de vie des produits et de la concentration du secteur
(Hambrick et Lei, 1985). "La thèse de H. Mintzberg pourrait
s'énoncer ainsi: pour q'une organisation soit efficace, il faut à
la fois se référer à la situation de l'organisation dans
son environnement et à une cohérence interne entre les
paramètres de conception" (Amblard et al, 2005). Si les
premières hypothèses de cette théorie visaient à
étudier la structure de l'entreprise (Burns et Stalker, 1961, Lawrence
et Lorsch, 1967), ses prolongements permirent d'envisager les comportements
stratégiques adéquats avec l'environnement (Ginsberg et
Venkatraman, 1985).
Les quatre liens de contingence identifiés par Ginsberg
et Venkatraman (1985), généralement examinés dans les
recherches en management stratégique, peuvent nous aider à mieux
évaluer la performance de la PME familiale au Cameroun :
(2)
Inputs
Variables environnementales
|
Examinons rapidement ces quatre relations unissant la
stratégie à la performance :
(1) est la relation la plus souvent étudiée. Elle
vise à déterminer en quoi l'adéquation de la
stratégie avec son environnement (le fit) favorise le niveau de
performance de l'entreprise ;
(2) envisage la formation de la stratégie en fonction
d'une contingence interne : la forme organisationnelle retenue. En effet, le
postulat de base de ce type d'approche est que l'entreprise est dotée de
ressources liées à sa structure et la stratégie retenue
doit être une transposition au niveau
concurrentiel de cette base de compétitivité ;
(3) considère que la performance passée va
déterminer la stratégie présente et les résultats
futurs. Cela peut être analysé en fonction de deux aspects assez
proches : les résultats précédents vont permettre de
déterminer une marge de manoeuvre financière pouvant
entraîner l'orientation stratégique et les résultats vont
stimuler, par le biais d'une mise en confiance, les décisions des
managers ;
(4) se retrouve dans la conception "chandlerienne" de la firme
pour laquelle la stratégie va influencer la forme organisationnelle
permettant ainsi d'obtenir un meilleur niveau de performance.
Bien que fréquemment étudiée, la
première relation qui s'intéresse aux liens entre
l'environnement, la stratégie et la performance présente
l'avantage de considérer la stratégie comme une interface entre
l'externe et l'interne. Il peut en résulter des tensions comme le
remarque D. Miller (1992). En effet, les entreprises seront à la
recherche de cohérence interne (adéquation entre la structure et
la stratégie), mais, régulièrement, il y aura des
interruptions, afin de s'ajuster à l'environnement et tendre vers une
cohérence externe (adéquation entre l'environnement et la
stratégie).
Cette dernière remarque de D. Miller (1992) cristallise
ici la forme que doit prendre l'ajustement des PME à leur environnement
socio-économique au Cameroun. Ceci passe notamment par la recherche de
cohérence au sein de l'organisation, et, ensuite en externe en ajustant
l'entreprise par à coup tenant compte des réactions de
l'environnement. A ce propos, H. Mintzberg (1982:28) insiste sur le concept
d'ajustement pour expliquer le rapport des organisations avec leur
environnement et sur celui de cohérence pour leur fonctionnement
interne.
Pour H. Mintzberg (1990:41), l'organisation va se structurer
en fonction de la stabilité ou de l'incertitude de l'environnement
extérieur. Il s'agit du système sociopolitique au sens large
(législation, système éducatif, relations
professionnelles, etc.), ainsi que des clients, des fournisseurs, des tendances
du marché et de la vie des produits. Leur modification expliquent le
passage d'une configuration (entrepreneuriale, bureaucratique, organisations
divisionnalisées, organisation professionnelle, organisation
innovatrice, organisation missionnaire) à l'autre. Par
conséquent, H. Mintzberg rejette une vision étroite de
l'organisation comme système clos (Amblard et al, 2005:18).
L'alignement de l'organisation sur son environnement (le fit)
est donc un concept central. Smith et Grimm (1987) envisagent cette
prédominance pour deux raisons : les organisations sont
dépendantes de leur environnement pour leurs ressources et les
organisations doivent gérer cette dépendance pour maintenir et
développer leur stratégie. L'entreprise agit donc sous la
contrainte.
La position d'entreprise sous-traitante de la SMF, accentue
l'importance de cette dernière assertion de Smith et Grimm (1987), c'est
sans doute pour cela que le rapport de la PME à son
environnement est bien souvent envisagé sous l'angle de la
dépendance.
Les thèses déterministes semblent trouver un
écho idéal en ce qui concerne l'analyse stratégique des
entreprises de petites dimensions. C'est ainsi qu'on peut relever diverses
remarques dans la littérature sur les petites structures telles que
"les PMI sont plus sensibles aux aléas du marché sans grand
pouvoir pour en faire évoluer les conditions de fonctionnement"
(Silvestre et Goujet, 1996), "(...) par principe, les organisations de
dimension réduite (effectifs inférieurs à 50
salariés) subissent l'environnement plus qu'elles ne le structurent
à leur profit" (Paché, 1990) ou encore "La petite
entreprise s'insère dans un environnement dense et complexe. Dans la
plupart des cas, elle semble en subir fortement l'influence sans exploiter les
avantages qu'il recèle" (Chappoz, 1991). La précarité
semble donc être son mode de fonctionnement stratégique. Mais, ces
théories de la contingence ne permettent pas de montrer comment les
acteurs peuvent être à la fois, ceux qui construisent le
système, lui assure une certaine permanence et lui permettent
d'évoluer.
La théorie de la contingence fait l'objet de nombreuses
critiques.
Par exemple, Crozier et Friedberg (1977) vont
considérer que la conception de l'environnement, notamment pour la
théorie de la contingence est étroite car, le contexte est
envisagé comme "un ensemble de facteurs impersonnels dont les
caractéristiques objectives s'imposent en quelque sorte d'emblée
et automatiquement aux organisations". L'entreprise est uniquement
envisagée sous l'angle de l'adaptation, de la réaction.
La théorie de la contingence montre comment une
entreprise ou une organisation dépend des institutions, de sa relation
au marché, des objectifs de ses dirigeants, des types de configurations
organisationnelles que cela génère et de leur cohérence.
Ce type d'approche, toutefois, évacue la possibilité pour les
membres de l'entreprise de sortir de ces schémas, de prendre des
décisions liées à ce que chacun croit percevoir de son
intérêt et de celui de l'ensemble. En effet, notre observation
montre la prépondérance de l'action du propriétaire -
dirigeant de la PME familiale au Cameroun, dans la relation de cette
dernière à son environnement.
Si les configurations de H. Mintzberg sont suggestives,
à les prendre à la lettre on voit bien qu'elles ne correspondent
pas entièrement à la manière dont se structurent les
entreprises, qu'il y en a des multitudes, que la cohérence n'est pas
forcément au rendez-vous. Les théories de la contingence ne
permettent pas de montrer comment les acteurs des PME familiales au Cameroun
peuvent être à la fois ceux qui construisent le système,
lui assurent une certaine permanence et lui permettent d'évoluer.
Amblard et al (2005:22), pensent que l'analyse stratégique constitue un
rappel salutaire.
Pour les penseurs de l'analyse stratégique, il existe des
acteurs, un construit social, des jeux
de pouvoir dans un système qui ne correspond pas
vraiment à ce que H. Mintzberg croit voir2. On ne peut
résumer le jeu des acteurs aux contraintes de l'environnement et de la
cohérence. Ces limites des thèses déterministes permettent
à d'autres tels que Child (1972, 1997), Weick (1979) de postuler que les
choix stratégiques seront réalisés, en partie,
indépendamment de l'environnement. Les préférences
stratégiques seront fonction des objectifs des dirigeants et auront un
impact sur l'environnement. Cette stratégie aura des implications
environnementales, puisque les conditions de l'environnement pourront
être modifiées. Elle aura aussi des implications
organisationnelles, puisqu'il y aura une adaptation, un nouvel agencement du
champ opérationnel, de la structure, de la technologie ou des
employés. Les thèses du choix stratégique peuvent
être regroupées sous le vocable de volontariste car, elles pensent
pouvoir soumettre le réel à la volonté des acteurs
s'opposant en cela aux écoles de la contingence et de l'écologie
des populations.
Nous pensons que les thèses déterministes et
particulièrement, celles énoncées par les
théoriciens de l'école de la contingence, peuvent être
associées à celles du choix stratégique, dites
volontaristes pour atteindre notre objectif d'ajustement des PME à leur
environnement socioéconomique au Cameroun. Ainsi, pour nous, bien que
soumis aux aléas du marché et à leur environnement, les
propriétaires - dirigeants des PME doivent se comporter en
entrepreneurs3 à même de prendre des décisions
stratégiques et de modifier leur environnement. Cette perspective de
l'entrepreneur comme personnage central au sein d'une société en
mutation, est postulée par E. Kamdem (2002), l'un des principaux
chantres de la littérature de gestion en Afrique.
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