II.3 Problèmes au niveau des données
financières
Les déséquilibres au niveau des données
financières semblaient importants. La SMF manquait de parfaite
maîtrise et connaissance de son fonds de roulement, de son cycle
d'exploitation, du besoin en fonds de roulement. Le comptable détenait
un CAP d'employé de banque obtenu en 1990, il avait depuis son
entrée dans l'entreprise en 2001, suivie une seule formation
organisée par la CNPS sur les procédures de déclarations
des charges sociales.
Les documents présentant une gestion
prévisionnelle, basée sur l'élaboration de budgets, de
bilans, de plans de trésorerie et d'un tableau de bord articulé
sur une batterie de ratios caractéristiques de l'entreprise
étaient absents. On voit sur le tableau 1 ci-dessous, que malgré
la baisse du chiffre d'affaires de 2003 à 2005, les charges liées
au personnel avaient augmenté au cours de ces années.
Tableau 2 : Evolution des Charges de personnel de
2003 à 2005 en rapport avec la production.
Année
|
Charges de personnel (FCFA)
|
Production vendue à ALUCAM (FCFA)
|
2003
|
45
|
828
|
895
|
124
|
590
|
141
|
2004
|
55
|
992
|
937
|
84
|
903
|
715
|
2005
|
54
|
201
|
175
|
91
|
715
|
065
|
Total sur trois ans
|
156 023 007
|
301
|
208
|
921
|
(Source : Déclaration Statistiques et Fiscales 2003,2004,
2005)
En addition aux frais de personnel, les coûts du
matériel, des équipements de protection individuels (EPI) sont en
hausse. De nouveaux EPI sont apparus à savoir : lunettes, bouchons
d'oreilles etc.
Tableau 3 : Evolution des prix des EPI depuis
1992.
EPI ANCIEN (1992)/pers
|
EPI NOUVEAU/pers
|
Période de
dotation
|
Quantité
|
Bleu simple....6000 Fcfa
|
Pyrovicel 111 000 Fcfa
|
2*/an
|
Effectif technique
+ Effectif Administratif
|
Bacou..... 4000 Fcfa
|
Rangers.... 114 000 Fcfa
|
1*/an
|
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Lunettes 2600 Fcfa
|
4*/an
|
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Bouchons d'oreille.1000 Fcfa
|
4*/an
|
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Casques 8000 Fcfa
|
1*/an
|
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Gants ..5000 Fcfa
|
6*/an
|
Effectif technique
|
|
Blouson cuir....95000 Fcfa
|
1*/an
|
|
Tabliers ..12000 Fcfa
|
1*/an
|
|
Guêtres 9000 Fcfa
|
1*/an
|
(Source : Auteur, après entretien avec les responsables
techniques, 2006).
Interroger sur l'absence de mécanisme d'alerte
financier, l'adjoint du responsable du cabinet conseil fiscal mandaté
par la SMF avant l'intervention, pour le suivi comptable et financier et le
montage des Déclarations Statistiques et Fiscales, répondait :
« Votre maman ne paye pas bien ».
Pourtant, la structure financière de l'entreprise
était fragile. L'historique bancaire requis en mai 2006 à la
Banque Internationale du Cameroun pour l'Epargne et le Crédit,
présentait un découvert bancaire de plusieurs millions de FCFA.
Des entretiens réalisés avec la gérante, il ressortait que
l'entreprise était aussi endettée auprès des tontines, de
la famille, des usuriers, des micro finances. Le taux d'endettement
était donc élevé et les fonds propres insuffisants.
L'assertion d'André Malraux selon laquelle « à la
maîtrise l'enfant substitue le miracle ", semblait être à la
base des pratiques de management et particulièrement de gestion
financière. En effet, lors d'entretiens tenus pendant certaines
réunions du Groupement des Opérateurs Économique de la
Sanaga Maritime, des chefs des PME locales disaient qu'ils dirigeaient leurs
entreprises grâce à « la sagesse du village " et n'avaient
pas eu besoin de connaissances théoriques ou de diplômes pour
monter leurs affaires. Malgré la réussite de certains,
marqués par des signes extérieurs de richesse (voitures de luxes,
villas, polygamie...), les dirigeants d'entreprises africains ne peuvent s'y
référer, car cela serait accepter un grand risque dans leur
gestion. La maîtrise est une condition sine qua non à toute bonne
gestion financière d'entreprise.
Au vu des données financières disponibles, il
était possible de constater que l'activité de l'entreprise se
poursuivait malgré les handicaps. Le chiffre d'affaires
réalisé au cours des trois dernières années, avant
l'intervention, étaye cette précédente assertion. Le
surendettement de la SMF représentait le problème majeur,
gênant le processus de paiement de salaires, et de règlement des
charges fiscales et sociales. Toutes les sources de financement possible
à savoir : banques, tontines, micro finances, usuriers, famille, avaient
déjà été exploitées par l'entreprise, et
n'étaient plus disposées à financer l'activité de
cette dernière. Un état de l'endettement de la SMF est
présenté dans la deuxième partie de ce travail.
Le 21 juin 2005, la gérante adressait une ultime lettre
au Chef service approvisionnement ALUCAM, dont l'objet portait sur la demande
d'une avance exceptionnelle de 6 millions de FCFA. On pouvait y lire : «
Nous venons auprès de votre haute bienveillance, vous
réitérez notre demande d'une avance exceptionnelle sur nos
prestations. En effet, nous vous rappelons que notre première lettre
vous a été adressée le 23 mars 2005 malheureusement, elle
est restée lettre morte. Cependant, nous connaissons de sérieuses
difficultés financières, raison pour laquelle nous sollicitons
une avance de 6 millions de FCFA remboursable en un an et à retenir
à la source sur nos prestations mensuelles [...] ». Cette
deuxième lettre restée sans suite, comme la
précédente, montrait que la situation financière de
l'entreprise était devenue insoutenable.
Les nombreuses contre-performances et les
désajustements observés dans le fonctionnement des organisations
africaines ne doivent pas occulter les expériences à
succès qui se déroulent un peu partout sur le continent. Le
véritable problème ici n'est donc pas celui de l'africain en tant
qu'être humain, mais, bien celui des structures sociales et de production
dans lesquelles vit ce dernier. C'est une impérieuse
nécessité de redéfinir l'entreprise africaine, et, de
réinventer les pratiques de management en respectant la double exigence,
de la rentabilité financière et économique, et, de la
préservation du lien social tant prisé par les
africains36. C'est dans cette perspective que le processus
d'ajustement de la SMF a été mis en place.
36 Voir la conclusion de l'ouvrage de Marcel Zadi
Kessi (1998) Culture africaine et gestion de l'entreprise moderne,
Abidjan, CEDA. Cette conclusion est illustrée par la
présentation et la discussion de deux expériences ivoiriennes de
restructuration et de privatisation d'entreprises publiques avec succès.
Expériences dans lesquelles il a joué un rôle
déterminant dans l'élaboration et la mise en oeuvre des projets
de réforme.
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