I.1.3 Caractéristiques de la ME-MI familiale
La controverse sur les notions de ME-MI a toujours
suscité de vifs débats. Ainsi, observons nous qu'il y a souvent
des malentendus entre européens et africains lorsqu'ils parlent de la
taille d'une entreprise. Une société considérée
comme petite et moyenne en France peut sembler gigantesque dans un pays en voie
de développement. Ces remarques si elles paraissent évidentes
sont à notre avis très utiles pour comprendre le choix de ces
unités.
Au Cameroun, les MEF appartiennent aussi au secteur moderne.
Elles se caractérisent par une main-d'oeuvre stable, la tenue d'une
comptabilité minimale et le paiement d'impôts et de charges
sociales. Elles sont au demeurant - du moins en principe - les cibles
privilégiées des aides à la création d'entreprise,
dans une optique d'industrialisation régionale. Ces unités
reposent le plus souvent sur un homme dont le charisme impose plus qu'ailleurs
un mode d'action. Pour agir, cet homme possède un patrimoine personnel
dont il affecte une part à son entreprise.
Les chefs d'entreprises revêtent plusieurs origines : il
peut s'agir soit d'anciens artisans qui se sont modernisés, des
commerçants ayant accumulés un capital suffisant pour
créer une entreprise, d'anciens ouvriers d'entreprises
étrangères ou d'anciens travailleurs émigrés qui
sont retournés dans leur pays d'origine avec une expérience
professionnelle acquise à l'étranger, des travailleurs de la
fonction publique comme activités parallèles, s'ils y sont encore
ou comme principale activité, s'ils ont été victimes d'un
licenciement, de diplômés en inactivité professionnelle ou
de chômeurs ayant bénéficié de diverses aides...La
création de la SMF est par exemple liée à un processus
d'essaimage mis en place par l'ancien employeur du fondateur de l'entreprise.
Par cette pratique, l'employeur visait à inciter ses meilleurs
salariés ayant atteint l'âge de la retraite, à créer
leur propre entreprise.
Traditionnellement, la MEF permet au Cameroun :
- une utilisation plus économique des facteurs de
production par rapport aux grandes entreprises, grâce à un recours
intensif à la main d'oeuvre non qualifiée,
généralement abondante au Cameroun ; - une mobilisation de
l'épargne canalisée sous forme de fonds propres. Elle constitue
aussi un cadre propice et un terrain d'apprentissage pour une classe
émergente d'entrepreneurs nationaux, capables
de concurrencer progressivement les grandes entreprises
publiques et étrangères qui détiennent un quasi-monopole
dans de nombreuses filières de production.
Les secteurs importants où l'on rencontre les MEF sont
: le commerce, la construction, la réparation, les transports, les
services et les activités de ces entreprises sont nombreuses dans les
villes. En milieu rural, on compte plus d'industries artisanales et familiales,
sources importantes d'emplois. Les MEF créent beaucoup d'emplois et avec
peu d'investissements et donc de la valeur ajoutée. La majorité
de ces entreprises n'utilisent que partiellement ou pas du tout le plan
comptable, ce qui ne signifie pas, qu'elles soient privées de
systèmes de comptabilité, mais, plutôt que ceux
utilisés soient très archaïques. Elles sont inscrites
à la Direction de la Statistique, et on les retrouve très souvent
au fichier contribuable des entreprises de la DGI. Elles sont assujetties
à diverses dispositions fiscales (patentes, impôts
libératoires, impôts sur les sociétés).
Le financement des MEF camerounaises est le fait de sources
locales et extérieures de financement. Il est opportun de
préciser que chaque entreprise par rapport à sa
spécificité bénéficiera ou non de telle ou telle
source de financement. On relèvera que l'épargne personnelle
alimente la majorité des financements des MEF. Celle-ci est
complétée de plus ou moins loin par des dons et prêts de
parents. Les différents apports en capitaux sont très souvent
insuffisants pour permettre l'installation - ou l'extension - d'une entreprise
moderne, surtout lorsqu'il s'agit d'un professionnel. Même lorsqu'ils
existent, ces apports sont réduits fréquemment au minimum et
l'appel au financement bancaire doit couvrir la majeure partie des
investissements.
Au Cameroun, le marché financier est relativement
limité, c'est-à-dire que les capitaux sont peu nombreux. Le
système bancaire manifeste une très grande discrétion. Les
prêts aux MEF sont accordés par certains organismes de financement
- banques de développement, banques commerciales, Fonds d'Aides et de
Garantie aux Petites et Moyennes entreprises (FOGAPE)20...
Le financement informel par le biais des tontines a une forte
contribution au soutien des MEF au Cameroun. La SMF est par exemple
affiliée à différentes tontines dans la ville
d'Edéa par le biais de son propriétaire -- dirigeant.
Les MEF familiales ne sont pas seulement locales. On peut
distinguer des maisons européennes et des entreprises libano-syriennes.
Ces dernières jouent un rôle indéniable dans la production,
le commerce de gros, le bâtiment, les bois-scieries, les services...
Même si la multiplication des MEF s'est réalisée ces
dernières années sous l'impulsion des Pouvoirs Publics,
l'extension des entreprises se heurte à un environnement socio-culturel
encore peu réceptif à tout changement brutal.
L'entrepreneur des MEF hésite de ce fait entre des
activités à faible risque, mais, à marges confortables et
immédiates, et des activités plus rentables à haut risque
liées à la grande dimension
20 Cet organisme de financement a récemment
été remplacé par le FONDECAM PME
des entreprises. Connaissant ses limites en matière
d'organisation interne d'entreprise, une fois passé un seuil de taille
et de complexité, soucieux d'échapper à la pression
fiscale et aux contraintes familiales, l'entrepreneur se situe entre la
dispersion des activités, la concentration du pouvoir et la
spontanéité des décisions. On assiste alors à la
multiplication d'affaires de natures diverses, exigeant des compétences
différentes dans des secteurs économiques sans lien entre eux.
C'est le cas du propriétaire dirigeant de la SMF, qui dispose d'une
unité de production, de transformation et de commercialisation d'huile
de palme. De plus, toutes les affaires étant sous le contrôle d'un
même propriétaire, il en résulte dans une telle situation
un risque de confusion. Cette situation qui apparaît comme une
réaction aux contraintes du milieu peut empirer et entraîner un
mouvement"pathologique" des créations des petites entreprises.
Mais, il faut reconnaître que la MEF moderne
présente une " culture d'entreprise" avec un fonctionnement basé
sur le principe d'un calcul économique rationnel.
Toutefois, il convient de rappeler que "petits
métiers", artisanat et ME ne constituent pas les différentes
étapes d'un même processus d'accumulation. La plupart des artisans
n'ont pas exercé de petits métiers avant de démarrer leur
activité et ils ne deviennent pas des dirigeants de ME. Ces trois
niveaux de la petite production marchande restent cloisonnés les uns par
rapport aux autres et aucun phénomène de transition ne permet le
passage d'un niveau à l'autre (Camilleri 1996 :33).
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