II.1.G- CONCLUSION DE LA PRISE EN CHARGE DE
QUENTIN.
Quentin s'est investi dans l'activité
théâtrale dès le début. Cette implication dans
l'action théâtrale lui a permis de conna»tre un plaisir
esthétique qui l'a détendu mentalement et
décontracté physiquement. La diminution du stress lui a permis
d'entrer plus facilement en contact avec les autres élèves
présents.
Le fait que cette prise en charge se soit déroulée
sur deux trimestres a permis de faire cette expérience plusieurs fois,
et ainsi, de renforcer ses progrès.
Pour illustrer cette conclusion, voici quelques remarques
retournées grâce au questionnaire:
<<Prise de parole en groupe plus
décontractée. È
<< Davantage de confiance en lui, moins peur de
l'échec.È
<<Plus à l'aise dans la classe.È
<< Il s'exprime davantage.È
<< Dans la cour, il n'est plus seul.È
<< Cherchait à se faire tout petit au début,
puis a demandé à se rapprocher. È
<<Avant ne parlait jamais, était très timide.
Maintenant vient nous voir de temps en temps et semble un peu plus à
l'aise.È
II.2- JÉRÉMIE.
II.2.A- MæME SI LE PROTOCOLE DE PRISE EN CHARGE
DE JÉRÉMIE EST IDENTIQUE Ë CELUI DE QUENTIN, LA
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE EST DIFFÉRENTE:
a- État de base de Jérémie:
· Ce que je sais avant ma première rencontre avec
Jérémie:
ème
Jérémie est un élève de douze ans en
de 5
classe . Il est arrivé dans ce collège en
début de 6ème. On me le décrit
comme quelqu'un de <<très soupe au lait È. Il est
physiquement petit, mais ne se démonte pas devant des
élèves de 3 ème . Jérémie est un très
gros lecteur, surtout de livres de sciences fictions. D'ailleurs le défi
qu'il s'est lui-même lancé pour cette année scolaire 2009
-2010 est de présenter un maximum de livres au club de lecture pour
détenir le record.
Jérémie n'a pas de difficulté sur le plan
scolaire, mais il n'est intégré ni dans sa classe, ni au club de
lecture, ni en intercours. Les autres élèves le perçoivent
comme un << O.V.N.I. È. Du fait qu'il ne cherche pas le contact
avec eux (mais seulement avec les adultes), Jérémie s'isole.
· Ce que j'observe et apprends lors de notre
première rencontre: Pour les séances d'art-thérapie,
Jérémie fait partie d'un groupe composé de deux
4 ème
autres élèves de . Il ne se présente pas
spontanément à cette première rencontre, et doit
être cherché en cours, malgré la signature de
son autorisation parentale.
Ma première impression est d'avoir en face de moi une
personne timide (ne sait pas trop oü s'installer dans la salle, est
très posé, calme, et ne prend pas la parole). Mais dès que
je le questionne, il répond avec beaucoup d'application, choisit les
mots justes et est très précis dans ses réponses en
développant facilement ses pensées et sa logique.
Il a lÕair tres à lÕaise avec les adultes.
Cependant durant cette heure, il ne sÕest jamais tourné vers les
deux autres élèves et ne leur a jamais parle. Il me raconte
quÕil a déjà joué un grand rTMle dans une piece de
the%otre dans son ancienne école. Pour lui, cÕétait
important dÕavoir un grand rTMle car, gr%oce à ce spectacle, il
avait pu prouver quÕil nÕétait pas un Ç moins que
rien È (ce sont ses mots).
b- Pénalités et objectifs de
Jérémie :
Jeremie nÕa aucun probleme dÕexpression, ni de
communication (sÕil decide lui-meme de partager des informations).
LÕequipe pedagogique lÕa oriente vers les seances d'art- therapie
, car il presente des problemes de relation avec les autres eleves. En effet,
soit Jeremie est seul (en classe, dans la cours, à la cantine), soit il
est en confrontation avec les autres.
LÕobjectif de Jeremie est la recherche dÕune bonne
relation avec ses pairs (et pas seulement avec les adultes) pour
lÕinciter à sortir de son isolement.
c- Stratégie thérapeutique de la prise
en charge de Jérémie et moyens :
Jérémie aime beaucoup lÕhumour et a
déjà fait du the%otre. En lui proposant plusieurs textes de
one-man-show, il peut trouver un texte qui correspond à son univers. Le
plaisir pris à la lecture de ce texte peut lÕinciter à
vouloir interpreter ce personnage sur scene.
Etre sur scene pour interpréter un personnage quÕil
aime, va permettre à Jérémie de faire
lÕexpérience du plaisir esthétique. La repetition de cette
experience renforcera ce plaisir, qui, une fois assez fort, suscitera
lÕenvie d'être partage et le poussera à aller vers les deux
autres élèves du groupe.
Mais je sais que cette stratégie peut échouer. En
effet, Jérémie ne cherche pas forcément le contact avec
les autres élèves. Il arrive à faire ce quÕil lui
pla»t sans se soucier du regard de son entourage. Ainsi le plaisir
ressenti sur scene peut ne rien générer.
CÕest pourquoi la position de Jérémie en
tant que spectateur est tres importante. Place dans de bonnes conditions de
reception, Jérémie va etre en mesure dÕassister aux
representations de deux autres élèves. Ce quÕil verra
pourra déclencher chez lui des reactions telles quÕun sourire ou
un rire (car tous les sketches sont comiques). Il pourra aussi comprendre ce
que la personne sur scene ressent, car il en aura fait aussi
lÕexpérience. Il sera ainsi Ç connecté È
à cette personne. Le plaisir pris par cette dernière pourra
toucher Jérémie, et ainsi, ce plaisir ne sera plus «
égoïste È, mais partagé, puisquÕil a pour
origine cette autre personne. Toutes ses reactions durant la representation
seront dirigées vers lÕacteur sur scene. Un mouvement de va et
vient entre Jérémie et lÕélève sur scene
peut se créer et se renforcer
gr%oce à la repetition de la situation. Ce mouvement est
le début dÕune relation entre Jérémie et un autre
élève.
II.2.B- LA GRILLE D'OBSERVATION DE
JÉRÉMIE POSSéDE UNE PARTIE COMMUNE Ë CELLE DE QUENTIN
ET UNE PARTIE DÉDIÉE Ë SES PROPRES OBJECTIFS.
Les items et faisceaux d'items d'observation sur le
phénomène artistique et la capacité relationnelle de
Jérémie, ainsi que leurs cotations, ont été
établis de la même façon que ceux présentés
chez Quentin (1).
Je consigne toutes les évaluations des items et faisceaux
d'items d'observation dans un tableau pendant chaques vacances. Après la
seconde, je m'aperçois qu'il n'y a pas d'évolution du
phénomène artistique (2). Mais un changement dans la
capacité relationnelle de Jérémie est notable. J'ai
continué à évaluer le phénomène artistique
jusqu'à la fin de la prise en charge pour mémoire, mais je ne
relaterai ici que ce qui a évolué et qui est en rapport direct
avec ses objectifs.
L'objectif de Jérémie est la recherche d'une bonne
relation avec d'autres élèves. Ce qui est important ici, c'est la
qualité de la relation. En effet, quand Jérémie sait
s'adresser à d'autres enfants, il les regarde droit dans les yeux, et
même n'hésite pas à se confronter à eux s'il le
faut.
J'évalue l'implication relationnelle de
Jérémie par rapport aux autres élèves en calculant
la moyenne des évaluations des faisceaux d'items suivants:
- le mode relationnel*:
1 : très détaché du groupe, fait comme si
les autres élèves n'existaient pas,
2 : agressif ou s'opposant systématiquement,
3 : neutre, mais prend en compte les autres
élèves,
4 : cordial,
5 : amical.
- et la fonction relationnelle*:
1 : veut être seul,
2 : manipulateur,
3 : cache une maladresse, une gêne,
4 : cherche à aller à la rencontre d'autres
élèves,
5 : désire un échange sincère.
On peut me reprocher que l'évaluation de ces faisceaux
d'items ne repose que sur mon ressenti et sur aucun fait objectif. Par exemple,
je peux évaluer le mode relationnel d'une personne comme cordial, alors
que vous, qui me lisez, l'aurez évalué neutre ou amical. Il en
est de même pour la fonction relationnelle, qui n'est basée que
sur ma propre analyse psychologique.
J'aurai pu mettre des items objectifs, comme la quantité
de rire. La difficulté ne réside pas dans sa capacité
à rire, mais dans le comment, le pourquoi. Ce rire peut être une
réaction à une pensée subite, que lui seul conna»t,
comme il peut servir à encourager une personne sur scène.
(1) : se rapporter au chapitre II.1.B intitulé La
réalisation d'une fiche d'observation adéquate à la prise
en charge de Quentin est nécessaire afin d'évaluer
l'évolution de ce dernier par rapport à ses objectifs , et
en particulier le paragraphe II.1.B-d intitulé Mais d'autres items
et faisceaux d'items ont étayé ma fiche d'observation.
(2) : les faits seront détaillés dans le chapitre
suivant qui expliquera le déroulé des séances.
C'est pourquoi je m'appuie sur une meme et unique échelle
d'évaluation. Je suis la seule à remplir cette fiche. Et ce que
je considère comme cordial restera cordial. Ce qui est important, ce
n'est pas l'évaluation en elle-meme, mais l'évolution de
celle-ci. Par exemple, je peux évaluer le mode relationnel neutre (3)
à la séance n, puis l'évaluer à cordial
(4) à la séance n+1. Sur les memes séances et
avec vos idées sur la cordialité ou amicalité, votre
évaluation du mode relationnel peut passer de cordial (4) à
amical (5). Nous n'avons pas la meme évaluation, puisqu'el le est
subjective car basée sur nos ressentis. Mais ce n'est pas si grave, car
nous observons la meme progression.
Je sais que je suis un etre humain et que mes idées sur
la cordialité ou amicalité peuvent etre influencées par la
fatigue, un stress, ou autre chose. C'est pourquoi je reste vigilante sur ces
évaluations. J'essaie de rester objective dans ma
subjectivité.
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