I. Cadre Théorique
1. La motivation
La première démarche est d'abord de se demander
ce qu'est véritablement la motivation : que signifie être
motivé ? On abordera la question du point de la définition puis
on s'intéressera plus précisément aux études qui
ont abordé cette question. Le contexte de cette recherche étant
le musée, on commencera par s'intéresser à la motivation
au musée, pour ensuite se demander comment cette même composante
est étudiée en dehors du musée.
1.1. La motivation au musée
1.1.1 Qu'est-ce qu'être motivé au musée
?
La définition que l'on peut trouver du concept de
motivation dans un dictionnaire concerne les aspects causals : la motivation
est « l'ensemble des motifs qui expliquent un acte ». (Le Petit
Larousse, 1999)
En psychologie, pour Vallerand et Thill (1993, cité
dans Fenouillet & Tomeh, 1998) « le concept de motivation
représente le construit hypothétique utilisé afin de
décrire les forces internes et/ou externes produisant le
déclenchement, la direction, l'intensité et la persistance du
comportement ». La motivation est donc vue comme la représentation
des forces qui poussent un individu à agir.
L'intérêt d'étudier la motivation concerne
de nombreux domaines (travail, école...) et à chaque fois les
enjeux ont une grande importance. C'est pour cette raison que de nombreuses
études de psychologie cognitive, mais également de marketing,
s'intéressent à cette question dans le cadre du musée et
de sa fréquentation.
Dans le contexte du musée, la motivation
représente essentiellement la réponse à la question :
« Pourquoi le visiteur visite-t-il le musée ? ». La revue
théorique des études qui abordent cette question dans le domaine
du musée permettra de voir quels sont les facteurs qui influencent la
motivation à venir, les raisons invoquées pour venir au
musée et l'influence que peut avoir la motivation sur la visite.
1.1.2 Les facteurs qui influencent la motivation pour le
musée
L'enjeu principal de comprendre la motivation dans les
musées est de comprendre ce qui freine ou au contraire, ce qui encourage
le visiteur à venir au musée. On peut percevoir dans
ce contexte l'importance pour un musée de se demander
pourquoi le visiteur visite : que vient-il faire au musée ?
Qu'est-ce qui pourrait l'encourager à venir ? Que s'attend-t-il à
trouver dans le musée ?
Une étude de Gottesdiesner, Vilatte et Vrignaud (2008)
s'intéresse à l'influence des représentations sociales sur
la fréquentation des musées. Les auteurs précisent
à cet effet que de nombreuses études ont été
réalisées en prenant en compte la représentation que les
sujets se font des musées, alors que cette étude considère
les représentations que les sujets ont d'eux mêmes. Les
résultats de cette étude démontrent en effet qu'une part
importante des sujets a une bonne image des musées : les musées
sont vus comme des lieux où on apprend, y aller est un plaisir, ce sont
des lieux bien aménagés... Alors que seulement 33% d'entre eux
ont été au musée au cours de l'année.
L'étude de ces auteurs a permis de démontrer que
les caractéristiques que les sujets s'auto-attribuent sont plus
prédictives de la visite effective du musée. Une liste
d'adjectifs caractérisant le visiteur de musée (artiste,
attentif, calme, cultivé, curieux, imaginatif, passionné...) a
permis de démontrer que les sujets qui se reconnaissaient le plus dans
ces adjectifs étaient bien ceux qui visitent les musées. Les
caractéristiques que les sujets s'autoattribuent sont également
différentes selon le type de musée visité.
Les résultats de cette étude démontrent
que la filière d'étude a aussi un impact sur les visites de
musée (les étudiants d'école d'art et de filières
artistiques se reconnaissent plus dans les caractéristiques des
visiteurs de musée que les étudiants de psychologie, et visitent
davantage les musées). Le niveau d'étude de la mère a
également une influence (plus le niveau d'étude est
élevé, plus le sujet fréquente de musées).
Ce que cette étude permet de démontrer est
principalement l'impact négatif de l'image du visiteur de musée
sur la fréquentation des musées. Les auteurs précisent
à cet effet que la construction d'une image du visiteur de musée
moins idéaliste pourrait augmenter les fréquentations de
musée et « démocratiser les musées d'art ».
(Gottesdiesner, Vilatte, & Vrignaud, 2008). On voit donc les effets de
l'ancrage du musée dans la culture et dans la société sur
sa fréquentation, ce qui démontre la nécessité
d'adapter l'image du musée au visiteur.
Il a été démontré que le visiteur
occasionnel de musée est celui qui ne se sent pas « chez lui »
(at home ; Hood, 1993 cité dans Debenedetti, 2003) dans le
musée. Debenedetti (2003) démontre l'importance du confort de
visite pour le visiteur occasionnel. Il y a en effet un véritable enjeu
à ce que ce visiteur peu familier des musées se sente bien au
cours de sa visite.
Packer et Ballantyne (2002) démontrent que les raisons
de venir au musée dépendent aussi du type d'exposition : ainsi un
musée est davantage envisagé comme un lieu d'apprentissage qu'un
aquarium ou une galerie d'art. Les motivations à venir ne sont donc pas
les mêmes selon les établissements.
Marilyn Hood (Hood, 1981 cité dans Falk & Dierking,
1992) envisage la visite de musée comme activité de loisir, et
détaille les critères qui font qu'un individu choisit un loisir
plutôt qu'un autre ; les six critères sont : les interactions
sociales et échanges avec autrui, faire quelque chose d'utile, se sentir
à l'aise (confort), faire de nouvelles expériences, avoir
l'opportunité d'apprendre, et participer activement. Ainsi, un individu
qui choisit une activité de loisir jugera que cette activité
répond à suffisamment de critères (mais pas
obligatoirement aux six). L'étude de cet auteur démontre que la
moitié des visiteurs du Musée d'Art de Toledo sont ceux qui
pensent que la visite de musée répond effectivement à ces
critères.
On voit que les principaux facteurs qui agissent sur la
motivation concernent l'image du visiteur de musée, l'image du
musée et l'image de la visite en tant que loisir.
Falk et Dierking dans leur ouvrage The Museum
Experience (1992) résument les critères qui influencent le
choix de visite du musée, d'après plusieurs études
réalisées dans des musées américains. Les
déterminants sont ainsi :
- L'âge : la majeure partie des visiteurs de musée
ont entre 30 et 50 ans.
- Le niveau d'études : la majeure partie des visiteurs de
musée ont fait des études supérieures.
- Les revenus : les visiteurs de musée sont
généralement de classe sociale moyenne ou haute.
- La race : les études citées démontrent que
la majeure partie des visiteurs sont de type caucasien.1
- L'expérience des musées : les adultes
habitués dès l'enfance aux musées ont davantage tendance
à y emmener leurs enfants par la suite.
- L'intérêt pour le sujet de l'exposition
1 Bien que les données des musées
américains des années 1990 démontrent cette tendance, les
auteurs précisent que certains professionnels contestent cette
observation. Des études complémentaires permettent
également d'observer une lente évolution de la
représentation des minorités raciales dans les musées.
Aucune donnée plus récente n'a pu être trouvée.
- Les responsabilités sociales (familiales, amicales) : la
plupart des visiteurs viennent en groupe : famille, groupes scolaires.
- Les préférences en matière de loisirs :
tel que démontré par Hood (1981 cité dans Falk &
Dierking, 1992)
L'ensemble de ces critères définissent ce que
Falk et Dierking appellent le « contexte personnel ». Pour ces
auteurs, l'expérience interactive, ou expérience du musée,
(« museum experience »), résulte de l'interaction
entre le contexte personnel (le visiteur), le contexte social (les autres
visiteurs), et le contexte physique (le musée).
Outre ces aspects personnels, Falk et Dierking (1992), notent
que pour la majorité des sujets, la décision de visiter un
musée est instiguée par le bouche à oreille ; c'est le cas
pour au moins deux tiers des visiteurs de l'étude citée. (Adams,
1989 cité dans Falk & Dierking, 1992). Il est ainsi
intéressant de voir que les visiteurs se basent sur ce qu'on peut leur
dire à propos du musée. Il y a donc un enjeu important à
savoir ce que dit un visiteur à l'issue de sa visite, et par
là-même, à définir ce qu'il retient de sa visite.
(Voir partie 2. L'apprentissage)
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