La permanence de la qualité d'associé( Télécharger le fichier original )par Inès KAMOUN Faculté de droit de Sfax - Mastère en droit des affaires 2006 |
SECTION II : LE CARACTERE D'ORDRE PUBLIC DU DROIT DE L'ASSOCIE DE PROVOQUER LA DISSOLUTION POUR JUSTES MOTIFSLe droit de l'associé de demander la dissolution de la société pour justes motifs revêt un caractère d'ordre public. Il est considéré comme étant un droit propre et intangible858(*) de l'associé que les statuts ne peuvent écarter859(*). Aucune clause statutaire ne peut, en effet, créer un obstacle à l'exercice de l'action en dissolution. En Tunisie comme en France, le caractère d'ordre public de ce droit est unanimement reconnu. En Tunisie, il est, d'abord, reconnu par le législateur lui-même. En effet, l'art. 1323 du C.O.C. dispose, dans son al. 2, que « les associés ne peuvent renoncer d'avance au droit de demander la dissolution dans les cas indiqués au présent article ». En application de cet article, le Tribunal de première instance de Tunis a jugé que les causes de dissolution qu'il prévoit revêtent un caractère d'ordre public en ce que les associés ne peuvent y renoncer d'avance860(*). Dans le même sens, les chambres réunies de la Cour de cassation ont jugé, par un arrêt en date du 25 avril 1996, que le législateur considère, dans l'art. 1323 du C.O.C., que le droit de l'associé de demander la dissolution anticipée de la société pour justes motifs est l'un des droits fondamentaux qu'on ne peut supprimer par une convention861(*). Le caractère d'ordre public du droit de demander la dissolution pour justes motifs est aussi reconnu par la doctrine. C'est ainsi que certains auteurs considèrent que « c'est un droit propre et intangible de l'associé. Aucune clause statutaire, aucune convention particulière ne peut le lui dénier car il est d'ordre public et les associés ne peuvent y renoncer par avance. Il ne peut être supprimé ni restreint ; en ce sens, des clauses statutaires imposant un accord préalable de l'assemblée pour intenter l'action seraient privées de tout effet. De même, le fait d'énumérer dans les statuts des cas de justes motifs de dissolution ne supprimerait pas le droit de l'associé d'intenter l'action sur un autre motif »862(*). En France, le caractère d'ordre public du droit de demander la dissolution est également reconnu tant par la jurisprudence863(*) que par la doctrine864(*). Ainsi qu'il a été écrit, « si la dissolution de la société pour justes motifs présente un caractère peu satisfaisant en raison des atteintes portées à la continuité de la société et aux intérêts pécuniaires de l'ensemble des associés, il s'agit là d'un droit intangible des associés qui ne peut en conséquence être soumis à aucune restriction statutaire »865(*). La stipulation statutaire qui prive un associé de la faculté de solliciter la dissolution de la société serait donc nulle866(*). Le caractère d'ordre public de l'action en dissolution pour justes motifs est de nature à protéger les intérêts de l'associé désireux de quitter la société. A partir du moment où celui-ci dispose d'un juste motif de dissolution, les autres associés ne peuvent l'empêcher de déclencher une telle procédure. * 858 J-P. STORCK, La continuation de la société par l'exclusion d'un associé, art. préc., p. 248 ; G. DURAND-LEPINE, L'exclusion des actionnaires dans les sociétés non cotées, art. préc. * 859 Haritini MATSOPOULOU, La dissolution pour mésentente entre associés, art. préc., p. 29. * 860 T.P.I. Tunis, jugement n° 1755 du 11 juin 1963, R.J.L. 1965, n° 1 à 5, p. 84 : æÍíË äå ÎáÇÇ áæÌåÉ ÇáäÙÑ ÇáÊí ÊãÓß ÈåÇ ÇáãÏÚì Úáíå Çä ÇáÔÑßÇÁ áÇ íãßäåã Úáì íÉ ÍÇá ÇáÇÊÇÞ Úáì ÚÏã ÇáÊÞíÏ ÈÍßÇã ÇáÕá 1323 ãä ãÌáÉ ÇáÇáÊÒÇãÇÊ æÇáÚÞæÏ " áÇÊÕÇáåÇ ÈÇáäÙÇã ÇáÚÇã ÈÏáíá äåÇ áÇ ÊÌíÒ áÍÏåã ÅÓÞÇØ ÍÞå í ÇáãØÇáÈÉ ÈÍá ÇáÔÑßÉ...". * 861 C. cass. T. (chambres réunies), arrêt n° 48915 du 25 avril 1996, préc., v. annexes : " ÍíË ÇÚÊÈÑ ÇáãÔÑÚ í ÇáÕá 1323 ãä ÇáãÌáÉ ÇáãÏäíÉ ä ÍÞ ÇáÔÑíß í ØáÈ ÓÎ ÇáÔÑßÉ æáæ ÞÈá ÇäÊåÇÁ ãÏÊåÇ ÈÓÈÈ ãÚÊÈÑ æ ÔÑÚí ãä ÇáÍÞæÞ ÇáÓÇÓíÉ ÇáÊí áÇ íÌæÒ ÅÓÞÇØåÇ ÚäÏ ÇáÊÚÇÞÏ ". * 862 Christine LABASTIE-DAHDOUH et Habib DAHDOUH, op. cit., p. 285. íÑÇÌÚ íÖÇ ÊæíÞ Èä äÕÑ í ÊÏÎá ÇáÞÇÖí áÊÍÞíÞ ÇáÈÚÇÏ ÇáÇÞÊÕÇÏíÉ ááÔÑßÇÊ ÇáÊÌÇÑíÉ ãÑÌÚ ÓÇÈÞ ÇáÐßÑ Õ. 118 : " ÇáÍÞ ÇáÐí ÌÇÁ Èå ÇáÕá 1323 ãä ÇáÍÞæÞ æÇáÏÚÇæì ÇáÊí ÊÊÚáÞ ÈÇáäÙÇã ÇáÚÇã " ; ÇáãäÕ ÐæíÈ ÇáÎáÇÇÊ Èíä ÇáÔÑßÇÁ æÇäÚßÇÓÇÊåÇ Úáì ãÕíÑ ÇáÔÑßÉ ãÑÌÚ ÓÇÈÞ ÇáÐßÑ Õ. 67 :ÈÇáÑÛã ãä ÓßæÊ ÇáÕá 26 ãä ãÌáÉ ÇáÔÑßÇÊ ÇáÊÌÇÑíÉ Åä ÍÞ ÇáÔÑíß í ØáÈ Íá ÇáÔÑßÉ " ÛíÑ ÞÇÈá ááÊäÇÒá Úäå ãËáãÇ ÌÇÁ ÈÇáÕá 1323 ã.Ç.Ú. ". * 863 Cass. civ., 18 juillet 1995, J.C.P., éd. E, 1995, panorama d'actualité, p. 379, 1225 ; J.C.P., éd. E, 1995, Chronique, 505, p. 454, n° 4 ; Cass. com. 23 janvier 1950, D. 1950. 300 ; J.C.P. 1950. II. 5355, note LESCOT ; Cass. com., 4 janvier 1944, Gaz. Pal. 1944, p. 114 ; Cass. com. 12 juin 1961, Gaz. Pal. 1961. II. 176 ; D. 1961, p. 661. * 864 Alain VIANDIER et Jean-Jacques CAUSSAIN, note sous Cass. civ., 18 juillet 1995, préc. ; J.-P. STORCK, La continuation de la société par l'exclusion d'un associé, art. préc., p. 248 ; Didier MARTIN, L'exclusion d'un actionnaire, art. préc., p. 99 ; G. DURAND-LEPINE, L'exclusion des actionnaires dans les sociétés non cotées, art. préc. ; Haritini MATSOPOULOU, La dissolution pour mésentente entre associés, art. préc., p. 29 ; D. SCHMIDT, Les droits de la minorité dans la société anonyme, Sirey 1969, n°60 ; SCHAEFFER, Des causes d'ordre public de dissolution des sociétés, Mélanges HAMEL ; DU GARREAU DE LA MECHENIE, Les droits propres de l'actionnaire, thèse préc., n° 256, citée par Christine LABASTIE-DAHDOUH et Habib DAHDOUH, op. cit., p. 285. * 865 G. DURAND-LEPINE, L'exclusion des actionnaires dans les sociétés non cotées, art. préc. * 866 Alain VIANDIER et Jean-Jacques CAUSSAIN, note sous Cass. civ., 18 juillet 1995, préc. |
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