2.2. Les exceptions
préliminaires
Il est évident que « procéduralement
les objections adressées par l'Etat défendeur à la
juridiction de la Cour s'expriment par voie « d'exceptions
préliminaires » portant sur l'incompétence du juge, et
sur l'irrecevabilité de la requête(1). Le 13
Décembre 1995, le Nigeria soulève des exceptions
préliminaires (au nombre de 8) à la compétence de la Cour
et à la recevabilité de la requête du Cameroun. La
procédure sur le fond est alors suspendue et le président de la
Cour prescrit le dépôt par le Cameroun, le 15 Mai 1996 au plus
tard, d'un exposé écrit contenant ses observations et conclusions
sur ces exceptions préliminaires. Cet exposé écrit est
déposé dans le délai ainsi fixé. Le Cameroun, dans
ses observations écrites sur les exceptions préliminaires du
Nigeria et à l'audience publique du 11 Mars 1998, a prié la Cour
de rejeter les exceptions préliminaires (soulevées par le
Nigeria), ou à titre subsidiaire, de les joindre au fond, et de dire
qu'elle a compétence pour traiter de l'affaire et que la requête
est recevable. Par l'arrêt de la C.I.J. du 11 Juin 1998, la Cour rejette
les sept des huit exceptions soulevées par la République
Fédérale du Nigeria dans l'affaire de la frontière
maritime et terrestre entre le Nigeria et le Cameroun.
Dans la première exception, le Nigeria expose que la
Cour n'a pas compétence pour connaître de la requête du
Cameroun. La Cour par son arrêt, soutient qu'en tout état de cause
elle est compétente pour connaître de la requête du
Cameroun. Dans la deuxième exception, le Nigeria soutient que les
parties au litige ont accepté de régler leur différend
frontalier au moyen des mécanismes bilatéraux existants. Et la
Cour par son arrêt, rejette dans sa totalité la deuxième
exception. Dans la troisième exception, la république
Fédérale du Nigeria soutient que le règlement des
différends frontaliers dans la région du Lac Tchad relève
de la compétence exclusive de la commission du bassin du lac
Tchad. Par son arrêt du 11 Juin 1998, la Cour rejette cette
troisième exception. Dans la quatrième exception, le Nigeria
expose que la Cour ne devrait pas déterminer en l'espèce
l'emplacement de la frontière dans le Lac Tchad, dans la mesure
où cette frontière constitue un tripoint dans le lac ou est
constituée par celui-ci. Par son arrêt, la Cour rejette cette
exception. Dans
(1) DAILLIER P., PELLET A., NGUYEN QUOC DINH,
Op.Cit, p. 903.
la cinquième exception, le Nigeria expose qu'il
n'existe pas de différend concernant la « délimitation
de la frontière en tant que telle ». La Cour par son
arrêt rejette cette exception. Au niveau de la sixième exception,
le Nigeria soutient qu'aucun élément ne permet au juge de
décider que la responsabilité internationale du Nigeria est
engagée à raison de prétendues incursions
frontalières. La Cour, par son arrêt de 1998, procède au
rejet de cette exception. Enfin, dans la septième exception, la
République Fédérale du Nigeria soutient qu'il n'existe pas
de différend juridique concernant la délimitation de la
frontière maritime entre les deux parties, qui se prêterait
actuellement à une décision de la Cour. La Cour, par son
arrêt, rejette la septième exception tout en soutenant que la
huitième exception n'a pas dans les circonstances de l'espèce, un
caractère exclusivement préliminaire.
L'on peut remarquer que la République du Cameroun,
très fidèle à la Cour, la prie dans sa requête, de
dire et juger : que la souveraineté sur la
presqu'île de Bakassi est camerounaise, en vertu du droit international,
et que cette presqu'île fait partie intégrante du territoire de la
République du Cameroun ; que le Nigeria a
violé et viole le principe fondamental du respect des frontières
héritées de la colonisation (Uti possidetis juris) ; qu'en
utilisant la force contre la République du Cameroun, le Nigeria a
violé et viole ses obligations en vertu du droit international
conventionnel et coutumier ; que la responsabilité du Nigeria est
engagée par les faits internationalement illicites ci-dessus ;
qu'en conséquence, une réparation d'un montant à
déterminer par la Cour est due par le Nigeria à la
République du Cameroun pour les préjudices moraux,
matériels subis par celle-ci ; qu'afin d'éviter la
survenance de tout différend entre les deux Etats relativement à
leur frontière maritime, la République du Cameroun prie la Cour
de procéder au prolongement du tracé de sa frontière
maritime avec le Nigeria jusqu'à la limite des zones maritimes que le
Droit International a placé sous leur juridiction respective. Cependant,
le Nigeria conteste les arguments du Cameroun contenus dans sa requête
introductive d'instance et prie la Cour de rejeter purement et simplement la
requête camerounaise et de se déclarer incompétente. La
Cour, par son premier arrêt, se déclare compétente et juge
la requête du Cameroun recevable.
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