De la responsabilité internationale des acteurs impliqués dans les guerres de 1996 et 1998 en République Démocratique du Congo au regard des violations liées au droit international de l'environnement( Télécharger le fichier original )par Aimé MALONGA MULENDA Limoges, France - Master 2 en droit international et comparé de l'environnement 2007 |
DEUXIEME PARTIE : DE LA RESPONSABILITE INTERNATIONALEDES ACTEURS
Il s'agira de parler des responsables d'une part et de l'action des victimes et la réparation des dommages d'autre part. CHAPITRE PREMIER : LES RESPONSABLESDans le cadre du présent travail, les responsables sont notamment les Etats rwandais, Ougandais et burundais ayant envoyé leurs forces armées en République Démocratique du Congo pour soutenir certains groupes armés d'une part et d'autre part les personnes privées qui ont été impliquées dans les guerres en RDC. Section 1 : Les Etats Rwandais, Ougandais et Burundais.Nous parlerons du fondement de la responsabilité internationale du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi et nous évoquerons l'absence d'un procès pour violation du droit international de l'environnement en RDC par ces trois Etats. §1. Fondement de la responsabilité internationale du Rwanda, du Burundi etde l'OugandaLe système de responsabilité obéit à des règles précises qu'il convient de rappeler et d'appliquer au cadre de notre sujet, avant de présenter comment ces règles pourraient trouver application
A. Conditions de mise en oeuvre. L'article premier du projet d'articles de la Commission du droit international de l'ONU (CDI) sur la responsabilité internationale des Etats pour fait internationalement illicite dispose que «Tout fait internationalement illicite de l'Etat engage sa responsabilité internationale». Le projet de la CDI prévoit et distingue délit et crime définissant ce dernier comme «violation» d'une obligation internationale si essentielle pour la sauvegarde d'intérêts fondamentaux de la communauté internationale que sa violation est reconnue comme crime par cette communauté dans son ensemble. Une liste de «crime» est donnée : l'agression, le maintien par la force d'une domination coloniale, le génocide, l'apartheid, l'atteinte grave à l'environnement. C'est le dernier point qui nous concerne car les Etats Rwandais, Ougandais et Burundais doivent être responsables de leurs actes qui ont eu des conséquences dommageables à l'environnement de la RDC. 39
En effet, pour que l'Etat puisse être déclaré coupable d'un acte internationalement illicite et se voir engager sa responsabilité internationale, il faudra que cet acte constitue une violation d'une obligation internationale et qui est attribuable à un Etat. Un tel acte doit remplir à la fois des conditions subjectives et objectives. A.1 La condition subjective: l'imputabilité de l'acte à l'Etat pour violation de l'environnement Pour que la violation d'une obligation internationale soit établie, il faut que l'acte en cause soit attribuable ou encore imputable à un Etat, c'est à dire «qu'un rattachement puisse être opéré entre l'évènement ou le comportement incriminé et l'Etat dont on recherche la responsabilité»53(*). Il faut que l'acte ou le fait ait été l'oeuvre d'un organe de l'Etat ou d'une entité pouvant être considérée comme tel au moment de la commission de l'acte illicite. En effet, « est considéré comme fait de l'Etat d'après le droit international, le comportement de tout organe de l'Etat ayant ce statut d'après le droit interne de l'Etat»54(*). Il convient alors de s'interroger sur l'organe qui peut être qualifié d'organe de l'Etat, agissant donc en son nom et pouvant engager sa responsabilité. Selon l'article 4(2) du projet d'articles de la CDI, la qualification d'organe de l'Etat relève uniquement du droit interne de cet Etat. C'est donc la législation nationale de l'Etat qui détermine quel organe peut être considéré comme agissant en son nom et pour son compte. L'Etat, souverain dans son organisation interne, peut lui seul attribuer à un organe la qualité d'organe étatique. Le droit international intervient cependant pour reconnaître la qualité d'organe de l'Etat à certaines entités qui, même si elles ne sont pas reconnues comme telle par le droit interne, sont assimilées à des organes de l'Etat. En effet, du fait que ces entités agissent sous le contrôle de l'Etat comme par exemple les troupes ougandaises, rwandaises et burundaises, ou remplissent des tâches qui leur sont en principe dévolues, le droit international leur reconnaît cette qualité d'organes d'Etat, tout au moins pour la circonstance de l'évènement en cause; ceci en vue de permettre que soit engagée la responsabilité de l'Etat et ainsi permettre la réparation du dommage survenu. Ainsi, le projet de code de la Commission du droit international énumère en ces articles 5 et suivants, des organes dont le comportement illicite est attribuable à l'Etat du fait de leur position ou des activités qu'ils mènent et qui constituent un fait illicite ou ont été à l'origine de ce fait. C'est ainsi que : 40 - le comportement d'un organe mis à la disposition d'un autre Etat est attribuable au second ; - le comportement d'une personne ou entité qui excède les pouvoirs et instructions qui lui ont été octroyés par l'Etat engage néanmoins ce dernier, - les actes d'une personne ou groupe de personnes accomplis sous la direction ou le contrôle de l'Etat, ou encore adoptés par cet Etat après leur commission engagent celui-ci; - et enfin, des actes accomplis par une personne ou un groupe de personnes, exerçant des prérogatives de la puissance publique, en cas de carence ou en l'absence de l'Etat l'engage néanmoins.
Dans le cas d'espèces, les militaires rwandais, ougandais et burundais, ont commis des actes portant atteinte à l'environnement en RDC, et cela en violation de l'obligation de protéger l'environnement. C'est ainsi que le comportement de ces militaires pendant les guerres en RDC engage la responsabilité de leurs Etats : Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi.
A.2- La violation d'une obligation internationale : la condition objective a) Les caractères de la violation Il faut d'abord que soit observée dans le comportement de l'Etat, une action ou une omission constituant la violation d'une obligation qui lui incombe au regard du droit international. Ensuite, l'origine conventionnelle ou coutumière de l'obligation n'a aucune pertinence dans l'appréciation de l'illicéité. Quelle que soit la source de la règle qui prescrit l'obligation, sa violation est constituée dès lors qu'un manquement est constaté55(*). La violation peut en outre être constituée par un acte positif (action) ou négatif (omission). Enfin, il faut que la règle ou l'obligation violée soit en vigueur à l'égard de l'Etat en cause au moment où la violation se produit.56(*) En massacrant les animaux rares et en détruisant la faune et la flore de la RDC, le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda ont violé les règles prévues par la Convention CITES en vigueur au moment de la commission de l'acte. Ils ont manqué à leur obligation de protection de l'environnement. Aussi les règles de la Convention de l'UNESCO, de la Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles ainsi que d'autres instruments juridiques internationaux d'ordre humanitaires étaient en vigueur dans ces Etats. Cependant, en droit de responsabilité en matière environnementale, il existe certes une difficulté d'ordre technique pour pouvoir mettre en jeu la responsabilité internationale d'un Etat. En effet, il peut s'agir de toute façon de la preuve qui est toujours difficile à apporter du lien entre une activité développée pendant l'occupation d'un territoire et de dommages causés en aval dans le temps ou dans l'espace pour pouvoir invoquer les dispositions pertinentes. Et puis, aussi d'un point de vue procédural, on ne pourrait de toute façon aller devant le juge ou l'arbitre international que d'un commun accord entre Etats concernés. L'enjeu de la responsabilité écologique est en réalité plus pratique, procédural que théorique. L'accord existe sur le principe, mais la mise en oeuvre entraîne des conséquences financières lourdes.57(*) b) L'absence de circonstances excluant l'illicéité Pour que l'acte en cause puisse définitivement constituer une violation du droit international, il ne doit pas être couvert par une circonstance excluant l'illicéité. Les circonstances excluant l'illicéité sont des exceptions qui permettent de par leur survenance, en rapport avec le fait en cause, d'annuler la violation de l'obligation internationale. Comme l'indique leur appellation, ces circonstances écartent en amont l'illicéité du fait, qui sans elles, constituerait une violation d'une obligation internationale. En conséquence, la question de la responsabilité de l'Etat auteur du fait ne se pose plus, puisque le fait générateur de celle-ci n'existe pas.
Les circonstances excluant l'illicéité, de même que les conditions de leur application sont énoncées et définies au chapitre V du projet d'articles de la CDI. Ce sont respectivement, le consentement de l'Etat à l'accomplissement du fait à son égard (art. 20 du projet), la légitime défense (art. 21 du projet), la situation de contre-mesure du fait en cause (art. 22 du projet), la force majeure ayant entraîné l'accomplissement du fait (art. 23 du projet), la détresse (art. 24 du projet), et enfin l'état de nécessité (art. 25 du projet). La destruction de l'environnement, le pillage des ressources naturelles ne rentrent pas dans cette catégorie. Les responsables ne pourront alors se justifier d'un cas de force majeur ou tout autre événement pouvant exclure l'illicéité de leurs comportements. Car les atteintes à l'environnement font parties de normes impératives du droit international général pour lesquelles il n'est permis aucune dérogation. C'est ce qui ressort de l'article 40 du projet de la CDI.
Lorsque ces conditions objectives et subjectives sont remplies et lorsque aucune circonstance n'exclut l'illicéité du comportement en cause, alors peut être engagée la responsabilité internationale de l'Etat fautif par le ou les Etats qui ont subit un préjudice. En revanche, il faudrait qu'il y est l'existence d'un dommage. A.3- L'existence d'un dommage. La responsabilité internationale de l'Etat résulte donc du fait internationalement illicite. La définition de ce dernier élaborée par la CDI à l'article 1 du projet de 2001, ne mentionne pas le dommage comme un élément constitutif du fait illicite. On s'interroge alors sur la nécessité de l'existence d'un dommage pour que soit engagée la responsabilité internationale de l'Etat. En doctrine, deux thèses existent à ce sujet.58(*) La première est celle dite du «dommage inhérent» à l'illicite. Selon cette acception, le préjudice pour un Etat existe dans le fait même qu'une violation ait été commise, c'est le préjudice juridique.59(*) Ainsi, pour les tenants de cette position, le dommage est indissociable de la violation puisque la seconde implique automatiquement le premier. Cette solution est en accord avec l'article 1er du texte de la CDI dans la mesure où la question du dommage ne se pose plus pour qu'il y ait responsabilité, dès lors qu'il y a constat de la violation d'une obligation internationale.
Quant à la seconde, elle développe l'idée du dommage consécutif. Selon cette thèse, le dommage est un résultat de la violation, il n'est pas implicite à celle-ci mais en est une conséquence. La responsabilité, notamment l'étendue de la réparation due par l'Etat fautif, sera donc proportionnelle au dommage produit. Ici la nécessité de déterminer un dommage répond donc au besoin d'évaluation de la réparation. Que pense le droit international de l'environnement à ce sujet?
En droit international de l'environnement en effet, ce qui frappe nécessairement est l'extension des dommages. Parce que les dommages écologiques doivent être évalués dans l'espace et dans le temps d'autant plus que les dommages sont par définition internationaux d'une part , d'autre part parce certains apparaissent immédiatement, mais d'autres prendront des mois, des années, des décennies voire plus encore pour se manifester.
En résumé, les deux thèses évoquent un préjudice, tout au moins juridique, pour fonder la responsabilité internationale de l'Etat, bien qu'elles lui confèrent des fonctions différentes. Pour sa part, la CDI affirme que la question du dommage n'est généralement pas nécessaire. Elle est cependant fonction des situations individuellement prises, aucun principe général n'en détermine alors le régime juridique. C'est en effet le contenu de la règle primaire en cause qui est déterminant.60(*)
Ce dommage peut alors se présenter sous deux formes: il peut être direct ou indirect. Le dommage direct ou encore dommage immédiat, est celui qui atteint directement un sujet de droit international (l'Etat en l'occurrence) dans ses droits61(*). Le dommage indirect ou médiat survient par l'intermédiaire d'une personne privée, physique ou morale, ayant la nationalité d'un Etat et pour laquelle ce dernier peut prendre «fait et cause»62(*).
Le fait illicite étant accompli et le préjudice constaté, il s'en suit, en droit international, des conséquences qui peuvent être de plusieurs ordres. B- Les conséquences de la mise en jeu de la responsabilité internationale de l'Etat A l'instar du droit interne où un fait produisant un dommage oblige son auteur ou le répondant de celui-ci à réparation, le droit international attache comme conséquence de la responsabilité d'un sujet de droit international la «réparation intégrale du préjudice causé». 63(*)L'effet principal de la responsabilité internationale pour fait internationalement illicite est donc la réparation du préjudice. B.1 La réparation du préjudice par l'Etat fautif en l'occurrence le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi. Un Etat, lorsqu'il est reconnu responsable de la violation d'un engagement international, a l'obligation principale de réparer le préjudice causé par cette violation, nonobstant bien sûr celles de faire cesser l'acte illicite et de garantir la non répétition de cet acte64(*). Ce principe est reconnu en droit international 65(*) et a été rappelé à plusieurs reprises par la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI). Ainsi dans l'affaire de l'usine de Chorzow, la Cour affirmait que « c'est un principe du droit international, voire une conception générale du droit, que toute violation d'un engagement comporte l'obligation de réparer»66(*).
D'après la CDI, la réparation à laquelle la responsabilité donne lieu peut s'opérer de plusieurs manières. Cette pluralité de modes de réparation est la conséquence de ce que le préjudice causé peut lui aussi se présenter sous des formes diverses aussi bien matérielles que morales67(*). La réparation peut donc consister en une satisfaction, une indemnisation ou encore en une restitution, accomplies « séparément ou conjointement par l'Etat responsable».
Tout d'abord, le mode de réparation qu'est la restitution ou encore la restauration, consiste (lorsque son exécution est possible) dans la remise en l'état de la situation dans son état d'avant la survenance du dommage. Son but est d'«effacer toutes les conséquences de l'acte illicite et de rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si l'acte fautif n'avait pas été commis», comme l'a reconnu la CPJI dans l'arrêt rendu dans l'affaire de l'usine de Chorzow. Cette forme de réparation qui est de loin la meilleure lorsqu'elle est bien appliquée, est aussi assez difficile à mettre en oeuvre dans le cas sous examen. En effet, il est souvent impossible de remettre la situation dans son état d'origine, de revenir en arrière lorsqu'un dommage est déjà survenu comme le cas de la destruction de l'environnement, pillages des espèces rares ainsi que la destruction des écosystèmes.
Il y a ensuite l'indemnisation qui est prévue à l'article 35 du projet d'articles de la CDI. Il a pour but de compenser le dommage lorsque la restitution s'avère impossible. Il consiste en une somme d'argent versée à l'Etat lésé, dont le montant est proportionnel à l'importance du dommage subi ou du gain manqué résultant de l'acte illicite. Ces deux premières formes de réparation interviennent généralement lorsque le dommage est matériellement estimable.
Cependant, en pratique, il est difficile de quantifier un dommage résultant d'une violation de l'environnement, de sorte qu'il peut être malaisé de déterminer le montant de l'indemnisation due. Toutes ces formes de réparation en conséquence d'un fait illicite sont mises en oeuvre par l'Etat responsable.
Malheureusement aucun procès n'a été intenté jusqu'à ce jour contre les responsables pour les atteintes graves à l'environnement pendant les guerres en RDC. * 53. D. ALLAND, Droit International Public, Paris, PUF, 2000, p.405. * 54. Cfr L'article 4 du projet d'article de la CDI. * 55. A. CASSESE, International Law, note 170, p.251. * 56. Ibid. * 57 . R.ROMI, Droit International et européen de l'environnement, Paris, LGDJ, 2005, p.68. * 58. B. STERN , Le préjudice dans la théorie de la responsabilité internationale, Paris, Pedone, 1973, pp. 36 et ss. * 59. B.STERN, «Le concept de préjudice juridique », in Annuaire Français de Droit International, Paris, CNRS Editions, 2001, pp. 3- 44. * 60. Cf. le paragraphe 9 des commentaires de l'article 2 du projet d'articles de la CDI, note 170. * 61. Exemple de dommage immédiat, dans l'affaire du personnel diplomatique entre les Etats-Unis et l'Iran, où l'ambassade- territoire étatique par définition- des Etats-Unis a été violée et son personnel notamment les diplomates, pris en otage. Lire aussi P.M. DUPUY, Droit international public, Paris, Dalloz, 2004, pp. 480. * 62. Cf. Affaire Mavrommatis, Grèce c. Gde Bretagne, arrêt du 30 Août 1924. CPJI, Série A, 1924, n°2, pp. 6- 37. * 63. Cf. l'article 31 du projet d'articles de la CDI. * 64.« La responsabilité internationale est aujourd'hui multiforme et comporterait, dans le cas général, cinq aspects différents: maintien de l'obligation de respecter la règle violée (article 29), cessation de la violation (article 30.1), assurances et garanties de non répétition (art. 30(2)), réparation (art. 31) autorisation donnée à l'Etat lésé d'adopter des contre-mesures (article 49).», Lire aussi B.STERN, «Le concept de préjudice juridique», note 184, p. 9. * 65. J. COMBACAUD. et SUR S., Droit international public, note 128, p. 525; aussi CARREAU D., Droit International Public, Paris, Pedone, 2004, pp. 476 et ss. * 66. Arrêt du 13 Septembre 1928, CPJI, Série A, n°17, pp. 4-65. * 67. Cf. article 34 du projet d'articles de la CDI. |
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