Pouvoirs publics et crises des entreprises publiques congolaises. Cas de la Gecamines au Katanga( Télécharger le fichier original )par Jean-luc MALANGO KITUNGANO Université de Lubumbashi, RDC - Licence en sciences administratives 2007 |
III.2. Les incidences externesParmi les incidences externes positives, il d'abord le déversement d'une partie des compétences des certains agents partis en ODV dans les entreprises privées en recherche des compétences dans le domaine minier (cas de DCP et STL...). L'on peut aussi signaler, les créations des industries minières artisanales par d'autres. Ensuite, le déversement de milliers de dollars sur le marché Katangais, et pour ceux qui sont parvenu à se réinsérer, la création des PME. Ils ont contribué à la dynamique économique endogène du Katanga. Ces aspects positifs sont toutefois à relativiser. Partis de l'entreprise, les travailleurs se sont vite rendu compte de « l'escroquerie » dont ils furent l'objet de la part et de la Banque Mondiale et de l'Etat congolais. En échange de leur départ de l'entreprise, ils avaient touché « des paiements pour suppression d'emploi allant de 1900 à 30.000 $ USD ». Dans le contexte qui était le leur, ces sommes ont paru considérables. Mais en réalité, les contrats et les conventions sociales existants donnaient droit aux employés à un montant total de 125 millions de $ US182(*). Nous avons recherché les prescrits du droit du travail et de la sécurité sociale qui auraient été violés par l'Etat congolais dans l'Opération Départ Volontaire. Il s'agit principalement de l'article 77 de la Loi N° 015-2002 portant Code du travail, 16 octobre 2002. « La quittance pour solde de tout compte, délivrée au travailleur au moment où le contrat prend fin, n'implique aucune renonciation à ses droits ». Or les travailleurs de la Gécamines ont justement renoncé à plusieurs droits dont les arriérés de salaires qui ont été calculés forfaitairement et sous-évalués dans l'indemnité de sortie. L'Etat congolais, poussé par le souci de renouer avec la Banque Mondiale a sacrifié l'intérêt de sa population et bravé ses propres lois en matière de travail. Le Collectif des Ex-Agents Gécamines animé par Messieurs Mbuya, Bulambo, Dr Baluti, Umba, a vu le jour au mois de mars 2004 en vue de recouvrer les droits spoliés des agents Gécamines concernés par l'Opération Départ Volontaire. Ceux-ci étaient aidés par Association Africaine de Droit de l'Homme (ASADHO-Katanga)183(*). Néanmoins, cette association n'a jamais fait l'unanimité entre les ex-agents, certains estimant que c'est une association des ex-agents qui ne sont pas parvenus à se réinsérer socialement et qui continuent à rêver de la Gécamines. Les clauses de l'ODV excluaient en effet des poursuites judiciaires ultérieures d'une part, mais d'autre part la Gécamines ne peut plus répondre des arriérés concernés, les agents ne pourront poursuivre judiciairement que l'Etat congolais184(*). S'agissant de la réinsertion, l'Etat congolais n'a pas pu mettre en place des réseaux de réinsertions structurés à part l'appui-conseil de l'URK. Le cas isolé que nous avons pu identifier vient d'un missionnaire catholique à Kambove185(*). S'agissant des Joint-ventures (entreprise commune entre GCM, Gouvernement et secteur privé), ils ont apporté des capitaux frais, mais sont dans la logique économique des investissements exportateurs. Les surprofits ne sont pas investis en RDC. Quelques actions sociales posées sont notamment : Pour RUASHI MINING : - L'approvisionnement de la Commune de Ruashi en eau potable ; - La fourniture de la Commune de Ruashi de deux (02) transformateurs pour résoudre le problème de l'énergie électrique ; -? L'encadrement des creuseurs artisanaux sur le site de Ruashi vers d'autres activités économiques productrices de revenus. Quant à l'entreprise KCC, celle-ci a permis la création de plus ou moins 3.057 emplois. Aucune action sociale à impact visible n'a été réalisée dans le cadre de son projet. S'agissant de Boss Mining, on peut relever quelques actions sociales réalisées. Il s'agit notamment de : - la réhabilitation du tronçon Kakanda-Mulunguishi-Likasi sur la route nationale n° 1 en vue de désenclaver complètement la contrée de Kakanda, siège d'exploitation de Boss Mining Sprl; -la réhabilitation et l'entretien du tronçon Kakanda-Kambove-Likasi ; - la participation hebdomadaire aux frais de fonctionnement de l'hôpital de Kakanda à hauteur de cinq cents dollars américains; -la réfection du foyer social de Kakanda ; - la poursuite de la réfection de l'hôpital de Kakanda ; - la remise en état de l'éclairage public ; -la réfection des avenues du camp des travailleurs de Kakanda; - la construction des appartements pour les cadres; - la construction d'un centre de santé et l'équipement. Quant à Tenke Fungurume Mining. L'entreprise a créé 1080 emplois dont 20 pour les expatriés et 998 nationaux; la société a pris en charge trois (03) écoles par la fourniture des matériels didactiques et le paiement des enseignants. Avec la politique des partenariats, nous assistons donc à une recomposition de la société katangaise. Le modèle de salariat calqué sur une seule entreprise minière qui servait de poumon économique du Katanga et de la RDC est aujourd'hui supplanté par un modèle multipolaire et ne garantissant pas les avantages sociaux d'antan (concurrence de la main d'oeuvre locale avec celle étrangère, salaires dérisoires, violations des normes en matière de sécurité sociale, fraudes douanières et fiscales, investissement insignifiant dans le social, surprofits exportés vers les pays d'origine des multinationales). Les entreprises telles Anvil Mining, Boss Mining, Ruashi Mining, STL...sont les nouveaux employeurs qui consacrent l'éviction des investissements d'une entreprise publique sans pour autant en remplacer les structures sociales. Certes, la Gécamines reste présente dans le secteur minier au Katanga, mais elle s'oriente de plus en plus vers une dynamique privée. Réduction des charges sociales, productivité, tendance à s'investir plus dans les actions de partenariat que dans la production. La nouvelle logique du travail au Katanga est, à notre avis, de plus en plus marquée par l'instabilité de l'emploi due à la concurrence d'une main d'oeuvre étrangère. On assiste, en effet, à l'émergence des nouveaux acteurs étrangers sur le marché de l'emploi dans le secteur minier (chinois, Indiens...). Les dividendes ainsi que les salaires seront davantage exportés vers les Etats d'origine des Multinationales ainsi que des salariés étrangers. La restructuration de la Gécamines s'est répercutée sur l'environnement social du Katanga. Le réseau de solidarité qui s'était constitué par le passé autour des sacs de farine (ravitaillement, dit Mposho) seront de plus en plus minimes et ne suffiront plus pour la famille restreinte du travailleur et celle élargie. SCHEMA SYSTEMIQUE EXPLICATIF DES INCIDENCES SOCIALES Investissement Banque Mondiale dans la déréglementation de l'Economie congolaise Financement des Multinationales à travers ses filiales Autorités politiques ventripotents et kleptocrates, situation économiques de crise chronique -effectif minimum. Technologie d'extraction intermédiaire, Revenus filiales des multinationales et les JV Employés exploités (emploi Revenu du travail : salaires minimum (pour effectif minimum) Épargnes des salariés expatriés dans leur pays d'origine. FILIALES ET MULTINATIONALES (JV) Technologie de pointe supplantant la main d'oeuvre abondante, extraction maximale des minerais Revenu servant au remboursement des emprunts de la GCM et de l'Etat Congolais PAYS D'ORIGINE DES MULTINATIONALES ET DES TRAVAILLEURS EXPATRIES Investissement du surprofit dans les pays d'origine des multinationales, Pas de création d'une dynamique de développement endogène * 182 NIZA, op.cit., p.33. * 183 ASADHO-KATANGA, Insécurité des certains acteurs de la société civile oeuvrant dans le secteur minier, communique de presse N°15/2005, p.1. * 184 Entretien avec M. Mwamba, service de contentieux, Direction des procédures administratives et des relations industrielles. Mars 2008. * 185 Le père Tony de la paroisse saint Pie X, à Kambove, inquiet de voir ses paroissiens quitter la ville après l'ODV, a mis sur pied un plan de reconversion sous forme de coopérative en 5 secteurs : Agriculture, commerce, soins médicaux et transport. En fonction du secteur choisi, la mise de fonds s'échelonne de 250 à 1000 dollars US. Forte de plus de 1500 « ex-Gécaminards », l'association du père Tony a investi dans les équipements tels les tracteurs, les camions, les bus...et promettait ainsi aux adhérents une rentabilité significative. Mais vite les dissensions sont apparues et certains l'ont quittée, estimant que l'association les ferait retomber dans une structure trop paternaliste. Sur l'association du père Tony, Copirep News, N°00, Janvier 2004, p. 3. |
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