3.4 Les verbes mentaux
Un entraînement basé sur l'utilisation des verbes
mentaux entraîne une amélioration des scores aux épreuves
de fausse croyance. D'autres études ont montré que l'utilisation
de verbes de communication à la place des verbes mentaux entraîne
également une amélioration des scores aux épreuves de
fausse croyance. Aucune différence significative n'a été
mise en évidence. Les deux entraînements permettent une
amélioration similaire des performances (Lohmann, 2003).
Même si cet effet d'entraînement n'est pas
spécifique des verbes mentaux, leur utilisation présente un lien
fort avec la théorie de l'esprit puisque la richesse des verbes mentaux
utilisés par la mère prédit la performance future des
enfants aux épreuves de théorie de l'esprit (Ruffman, Slade,
Crowe, 2002 in Harris et Pons ,2005). L'utilisation des verbes mentaux par la
mère ou par l'entourage oriente l'attention des enfants vers les
processus mentaux.
Plusieurs études menées sur l'utilisation des
verbes mentaux par les enfants (Bouchand et Caron, 1999 ; Bassano et
Champaud, 1983) indiquent que les verbes mentaux sont utilisés
précocement par les enfants. Dès l'âge de 3 ans les enfants
les utilisent afin de décrire leurs comportements et ceux d'autrui alors
qu'ils n'ont pas encore acquis la théorie de l'esprit. L'acquisition de
la théorie de l'esprit n'est donc pas nécessaire pour utiliser
ces termes pourtant reliés à la pensée.
Lors de l'acquisition de la théorie de l'esprit, une
modification de l'utilisation des verbes mentaux semble s'opérer. Le
recours aux verbes mentaux dans le discours est bien plus important chez les
enfants réussissant les épreuves de fausse croyance: leur
occurrence est multipliée par deux. Mais au-delà d'une
utilisation plus fréquente de ces verbes, c'est leur mode d'utilisation
qui se trouve modifié. Bouchand met en évidence un passage d'un
mode d'utilisation comportemental qui vise à expliquer, justifier les
comportements vers un niveau intentionnel, informationnel, beaucoup plus
abstrait qui porte sur des données non observables comme les
états mentaux des individus. La maîtrise complète de la
signification des verbes mentaux ne survient que tardivement par rapport
à leur première utilisation. Cette maîtrise de ces verbes
pouvant être reliée à l'acquisition d'une théorie de
l'esprit (Bouchand, 1998, 1999)
La compréhension des propositions utilisant les verbes
mentaux présente aussi de nombreuses difficultés qui sont
dépassées progressivement par les enfants. Bassano et Champaud
ont ainsi montré que les énoncés du type «je sais que
P» sont compris avant ceux du type « je sais que non
P ».Les jeunes enfants de moins de 6 ans ne prennent en compte qu'une
partie de l'énoncé. «Je sais que non P» est souvent
compris comme «non P» (Bassano et Champaud, 1988).
3.5 Les marques modales
Les marques modales peuvent être distinguées en
deux ensembles relativement distincts. Les modalités déontiques
(pouvoir, devoir...) qui fournissent des informations d'obligation et de
permission et les modalités épistémiques qui expriment des
idées de nécessité, de probabilité ou de
possibilité (peut-être, certainement, probablement, en vrai...).
Alors que les premières apparaissent très tôt au cours de
l'acquisition du langage, les secondes semblent être utilisées
beaucoup plus fréquemment vers l'âge de 4-5 ans lors de
l'acquisition d'une théorie de l'esprit (Bouchand, 1998).
3.6 Les connecteurs
De la même façon, l'utilisation des connecteurs
peut être séparée en deux phases. Une première phase
précoce à partir de laquelle des connecteurs comme
« parce que », « et » ou
« mais » sont utilisés pour organiser, structurer
les phrases. Dans un second temps qui correspond à la période
d'acquisition de la théorie de l'esprit, Bouchand (1998) a noté
une augmentation des occurrences des connecteurs ainsi que l'apparition de
nouveaux connecteurs comme « si » ou
« quand » qui permettent un décrochage du discours
vis-à-vis de la réalité afin d'évoquer des
situations alternatives.
Il semble donc exister un lien extrêmement fort entre
acquisition du langage et organisation de la pensée chez l'enfant. La
réussite des épreuves de théorie de l'esprit est
accompagnée du développement ou de l'évolution de
l'utilisation de certains outils linguistiques (Bouchand, 1998). La
difficulté étant de déterminer la nature des liens entre
langage et pensée.
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