3. Le rôle du langage pour l'acquisition de la
théorie de l'esprit
Lorsque l'enfant acquiert le langage, celui-ci devient son
mode de communication principal et lui permet d'exprimer ses états
mentaux, ses pensées et de les partager avec ses interlocuteurs.
Pour Piaget, le langage reflète le développement
de l'esprit. Cette approche peut être complétée si nous
considérons que le langage constitue également l'outil
privilégié pour les apprentissages par sa double fonction: Le
langage permet à la fois la communication et constitue un support pour
la pensée.
Le lien entre langage et théorie de l'esprit a
été établi par deux types d'études : la
recherche de corrélation (Astington et Jenkins, 1999 ; Deleau,1999)
et la mise en évidence d'un effet d'entraînement (Hale et
Tage-Flusberg, 2003 ; Lohmann et Tomasello, 2003)
3.1 Corrélation et effet d'entraînement
Les études longitudinales menées, entre autres,
par Astington ont montré une corrélation importante entre la
maîtrise du langage et la réussite aux épreuves de fausses
croyances (Astington, 1999 ; de Rosnay et Pons, 2004 in Harris, 2005). En
effet, le score aux épreuves de langage est un bon indicateur de la
réussite ultérieure aux épreuves de fausse croyance alors
qu'aucune corrélation n'a été mise en évidence pour
la relation réciproque entre réussite à la théorie
de l'esprit et score de langage. Mais une telle corrélation n'est pas
suffisante pour attester d'un lien direct entre les deux variables et affirmer
que le développement du langage favorise l'accès à la
théorie de l'esprit (Astington, 1999, Deleau, 1999).
Un problème soulevé est que les épreuves
qui permettent d'évaluer l'accès à la théorie de
l'esprit nécessitent fréquemment une maîtrise du langage
associée à une maîtrise de la compréhension des
énoncés. Plusieurs épreuves ont essayé de se
libérer de l'influence de la maîtrise du langage sur la
réussite des épreuves. Malgré ces précautions, une
relation importante est apparue entre le développement du langage et la
réussite aux différentes épreuves de théorie de
l'esprit.
D'autres études portant sur des exercices
d'entraînement des capacités langagières ont permis des
améliorations des scores aux épreuves de théorie de
l'esprit. Ce qui permet de renforcer le lien entre langage et théorie de
l'esprit. Par contre un entraînement sur les épreuves de fausse
croyance permet une amélioration des résultats sans
entraîner d'amélioration du score de langage. Les progrès
langagiers ne sont donc pas indispensables à l'amélioration des
résultats aux épreuves de théorie de l'esprit.
Les études menées sur des enfants sourds
soutiennent également cette hypothèse du lien entre langage et
théorie de l'esprit puisque parmi les enfants sourds, ceux qui
présentent un retard d'acquisition du langage présentent aussi un
retard d'acquisition de la théorie de l'esprit. (Peterson et Sigal, 2000
in Harris, De Rosnay et Pons, 2005)
Les études récentes de Lohman et Tomasello puis
de Harris et de Rosnay ont permis de préciser les composantes du langage
qui permettent l'amélioration des résultats aux épreuves
de théorie de l'esprit. Les résultats indiquent qu'un
entraînement décrit comme complet entraîne une
amélioration importante des résultats des enfants aux
épreuves de fausse croyance. Cet entraînement basé sur le
langage portait sur : 1. une explication des
réponses correctes en développant les habiletés
pragmatiques comme la présentation des différentes perspectives
individuelles, 2. L'utilisation de verbes mentaux et
3. d'une construction syntaxique (grammaticale) des phrases
basée sur les propositions enchâssées. L'influence de
chaque facteur a été testée auprès d'autres groupes
d'enfants qui suivaient un entraînement ne portant que sur un seul des
facteurs à la fois.
Un entraînement basé sur une interaction verbale
simple n'est pas suffisant pour permettre une amélioration des
résultats aux épreuves de fausse croyance à moins que cet
entraînement ne porte sur la présentation de la
variété des points de vue possibles sur une même situation.
Ce n'est donc pas le développement du langage en général
qui favorise l'acquisition de la théorie de l'esprit mais plutôt
certaines composantes dont le rôle doit encore être mis en
évidence et expliqué sur un plan conceptuel.
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