Paragraphe 2 : Le concept de sécurité
alimentaire
Le concept de sécurité alimentaire fait de plus
en plus l'objet d'un usage euphorique, tant il transparaît dans les
programmes et les discours politiques, au plan international aussi bien qu'au
plan interne des Etats. Cet état de choses témoigne bien du grand
intérêt qu'on lui voue. Mais au fait, à quoi peut bien
correspondre ce concept ?
Pour une grande partie de l'humanité, le terme de
« sécurité alimentaire » est synonyme de
recherche de la couverture quantitative et qualitative des besoins
élémentaires en aliments et en eaux. Comme l'affirme clairement
le traité des ONG sur la sécurité alimentaire, «
la sécurité alimentaire,
c'est avoir les moyens, en
tant qu'individu, famille,
communauté, région ou pays,
de pouvoir satisfaire ses besoins
nutritionnels sur une base
journalière et annuelle. Cela
comprend à la fois de
n'être menacé ni par
la famine ni par la
malnutrition ». De cette définition, il résulte que
le concept de sécurité alimentaire revêt une double
dimension, l'une quantitative et l'autre qualitative. Du point de vue
quantitatif, un premier facteur concerne les problèmes de production des
denrées alimentaires qui ont longtemps été
considérés comme la cause explicative des manifestations de la
faim. Dans cette perspective, comme le notent Nicole TERCIER et Beat SOTTAS,
un lien univoque est établi
entre la production et la
satisfaction des besoins. Ainsi que le fait
remarquer Robert MALTHUS, « toute augmentation
de la production alimentaire
devrait conduire à la
réduction de la malnutrition
et de la faim ». Un second
facteur est ensuite apparu prépondérant, il s'agit de
l'accès aux denrées alimentaires par tous les groupes de
population. La vraie question n'est pas la disponibilité totale de
nourriture mais son accès par les individus et les familles. Si une
personne manque de moyens pour acquérir la nourriture, la
présence de nourriture sur les marchés n'est pas d'une grande
consolation.
La sécurité alimentaire est aussi perçue
comme la capacité des pays déficitaires ou des régions
déficitaires à atteindre des niveaux de consommation
souhaitables. Cette définition s'appuie sur le niveau de consommation
annuelle alimentaire comme élément déterminant.
Pour la Banque Mondiale, « la
sécurité alimentaire réside
dans l'accès de tous les
individus à tous les moments
à suffisamment de nourriture
pour mener une vie saine
et active ». Cette autre définition lie à
l'évidence la disponibilité des biens et la capacité des
individus à les acquérir. Très fondamentalement, la
sécurité alimentaire reste intrinsèquement attachée
à l'idée d'autosuffisance alimentaire.
D'un point de vue qualitatif, la sécurité
alimentaire est de plus en plus comprise comme intégrant
l'hygiène et la santé publique. Au-delà donc de l'aspect
quantitatif qui tient à la peur très ancienne de manquer de
nourriture, du fait de la forte augmentation de la population, on peut
comprendre la sécurité alimentaire dans son volet qualitatif. La
première phrase de la déclaration de Rome sur la
sécurité alimentaire mondiale, de 1996, réaffirme,
« le droit de chaque être humain d'avoir
accès à une nourriture saine et nutritive
conformément à une nourriture adéquate et au
droit fondamental de chaque être d'être à l'abri de la faim
». Cela supposerait qu'au plan qualitatif, pour que la
sécurité alimentaire existe, les aliments doivent non seulement
être sains c'est-à-dire exempts de toute maladie et donc sans
risque pour la santé du consommateur, mais également être
riches en valeur nutritive, c'est-à-dire contenir en abondance des
éléments ayant la propriété de nourrir.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu'à l'heure
actuelle, plus de la moitié des jeunes enfants vivant en Asie du sud
souffrent de carences en protéines et en calories. Les estimations pour
l'Afrique subsaharienne situent la prévalence à environ trente
pour cent. Dans une telle situation la sécurité alimentaire
serait compromise.
Si pour les pays les moins avancés de la
planète, la sécurité alimentaire se confond à
l'autosuffisance alimentaire, en revanche dans les pays à l'abri de la
pénurie et de la malnutrition, ce qui est le cas de la population des
pays développés, elle désigne la sécurité
sanitaire des produits destinés à l'alimentation humaine. La
prise en compte de la dimension sanitaire rejoint les craintes liées au
productivisme agroalimentaire et les graves problèmes que celui-ci a
engendrés. En effet, ces dernières années ont vu
l'émergence d'un nouveau type de maladies liées à
l'alimentation. Il y a que cette situation correspond étrangement
à l'essor des OGM dans le monde. Serait-ce là une simple
coïncidence ?
Il serait donc tout indiqué de faire un bref historique
des différents termes.
|