CHAPITRE PRELIMINAIRE : APPROCHE CONCEPTUELLE ET
HISTORIQUE
Les concepts de biotechnologies modernes et de
sécurité alimentaire relèvent d'un certain mystère
pour le commun des mortels. Le mystère qui les entoure procède
à la fois de leur technicité et de leur irruption très
récente dans le débat public. Mais à quoi peuvent-ils bien
correspondre ? Pour comprendre le sujet dans ses subtilités, il importe
de préparer le lecteur à la compréhension des
différentes notions. Le présent chapitre qui y sera
consacré est une sorte de voyage initiatique qui nous conduira d'une
part à définir les différents concepts et d'autre part
à en faire un bref historique.
Section 1 : Définition des notions et
concepts
Il s'agira pour nous de tenter de donner des
définitions satisfaisantes aux différentes notions ; On
procédera arbitrairement à une définition de la notion de
biotechnologies modernes d'abord, après quoi on en fera de même
pour la sécurité alimentaire.
Paragraphe 1 : La notion de biotechnologies
modernes
La notion de « biotechnologie moderne »
commande de définir au préalable celle plus
Simple de « biotechnologie ». Selon le
dictionnaire Le Petit Larousse illustré, la biotechnologie est la
« technique visant à provoquer et
à diriger, en laboratoire, des
bioconversions, en vue d'en
préparer l'utilisation industrielle ».
Cette définition quelque peu complexe qu'elle soit, commande de
définir des notions connexes telles que la bioconversion. La
bioconversion est « la transformation d'une
substance organique en une ou
plusieurs autres par l'action des
micro-organismes ».
Cette première définition se trouve
modifiée dans la mesure où la biotechnologie ou biotechnique y
est désormais définie comme la « technique
produisant par manipulations
génétiques des molécules
biologiques ou des organismes
transgéniques, en vue d'applications
industrielles (agroalimentaire, pharmacie,
chimie...) »
A l'analyse, les différentes définitions
obtenues rendent plus compte des biotechnologies modernes. En effet l'emploi
des termes comme « laboratoire », «
manipulations génétiques » ou «
organismes transgéniques » renvoie tout de suite
à l'idée d'Organismes Génétiquement Modifiés
ou OGM qui ne sont qu'un aspect des biotechnologies. Sans pour autant les
récuser, il faut quand même reconnaître que ces
définitions ignorent en réalité l'utilisation de la
biotechnologie par les sociétés traditionnelles. Or il est
établi que, les sociétés traditionnelles y ont
également recours. En effet, en Afrique par exemple, la biotechnologie
mobilise le vivant dans le processus de fabrication de plusieurs substances
alimentaires. C'est le cas de la fermentation du lait pour la fabrication des
fromages, de la farine de blé pour le pain, du maïs pour la
bière traditionnelle, du manioc pour la fabrication du couscous
traditionnel...de ce point de vue, la biotechnologie doit être comprise
comme la technique ou le procédé par lequel le vivant est
transformé. D'ailleurs le mot « bio technologie » est
assez révélateur dans la mesure où il est formé de
deux principales particules qui le caractérisent. Il s'agit notamment de
« bio » qui fait référence à la vie et
donc au vivant et de « technologie » qui est l'ensemble des
savoirs et des pratiques, fondé sur des principes scientifiques dans un
domaine technique. Le mot « technologie » désigne
également les moyens matériels et organisations structurelles qui
mettent en oeuvre les découvertes et les applications scientifiques les
plus récentes. On oppose habituellement « biotechnologies
traditionnelles » à « biotechnologies
modernes. » Les biotechnologies modernes permettent,
à partir d'êtres vivants naturels, de créer des organismes
vivants artificiels, alors que dans l'autre cas, c'est-à-dire celui de
la fermentation, processus habituel des biotechnologies traditionnelles, on
utilise les propriétés de la nature.
La différence est d'autant plus marquée que les
biotechnologies modernes donnent lieu à la création artificielle
d'organismes vivants ou OGM, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans
l'autre procédé.
Ainsi la naissance de la transgenèse en tant que
science apparaît-elle intrinsèquement liée à
l'avènement des Organismes Génétiquement Modifiés
(OGM). De ce point de vue, la définition des OGM permettra de mieux
comprendre la conception des biotechnologies modernes.
Au plan juridique, une définition assez
intéressante nous est fournie par la directive européenne 90/220
rectifiée par la directive 2001/18. On y entrevoit les OGM comme des
organismes dont le matériel
génétique a été
modifié d'une manière qui
ne s'effectue pas naturellement
par multiplication et/ou par
recombinaison naturelle. La définition légale
montre bien que les OGM ne résultent pas d'un procédé
naturel. Bien au contraire ils procèdent d'un processus scientifique
assez complexe qu'il convient d'expliquer simplement. Comme le reconnaît
Hervé le GUYADER, spécialiste de biologie de développement
à l'Institut National de Recherche Agronomique (INRA) en France, l'OGM
est une « molécule artificielle
fabriquée de la main de
l'homme... ».
Les OGM ou Organismes Génétiquement
Modifiés sont des êtres vivants (plantes, animaux ou
microorganismes) dont le patrimoine héréditaire a
été modifié en laboratoire. Les modifications
génétiques permettent à une plante, à un animal ou
un microorganisme d'exprimer un caractère qu'il ne possédait pas
naturellement. On dit que ces organismes ont été
génétiquement transformés parce que des
éléments étrangers porteurs du caractère
désiré ont été intégrés dans leur
patrimoine génétique. Le processus de modification s'appelle la
manipulation génétique. La manipulation ainsi
réalisée porte sur le gène de la plante, de l'animal ou du
microorganisme. L'objectif réel recherché par la
transgenèse est d'introduire un ou plusieurs gènes
étrangers spécifiques dans le matériel
génétique d'une plante ou d'un animal de telle sorte que
l'organisme en question présente des caractéristiques nouvelles.
La fabrication des OGM a été rendue possible grâce aux
progrès considérables des techniques de biologie
moléculaire au cours du dernier quart du siècle passé. Le
génie génétique permet d'intervenir directement sur la
molécule d'ADN (acide désoxyribonucléique), support de
l'information héréditaire pour l'ensemble des êtres
vivants. La capacité d'isoler des gènes et de les
transférer d'une espèce à une autre permet de produire des
organismes vivants possédant une combinaison de caractères
nouveaux qui n'aurait pas naturellement existé. De ce point de vue, les
OGM sont souvent présentés comme des objets scientifiques et sont
restés pendant longtemps dans un débat d'experts. Or par le biais
des questions soulevées de plus en plus par les mouvements
écologiques, les organisations paysannes, les éthiciens et les
religieux, il est apparu que les OGM appellent un profond débat social.
Les enjeux touchent le développement de la société
à travers des questions telles que celles liées, à la
médecine, aux progrès de la science, et celle non moins
importante de la sécurité alimentaire.
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